VIII.

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Nous avons marché des jours durant à travers la forêt. La boue des sentiers se durcissait à mesure que nous avancions. Puis, elle a fini par se changer en terre, la température grimpant à vue d’œil. Sans aucune Vision de la part du Programme, personne ne savait si notre entreprise était vaine ou non. 

Peut-être qu’on se fera calciner sur place dès qu’on arrivera. Qui peut nous dire que les Hommes seront disposés à nous recevoir ? Je... Je crois que je n’ai plus tellement confiance dans le Programme; quelque chose me dit que ce n’est pas notre Bien absolu qu’Il cherche, mais simplement de l’amusement. Au fond, ça doit être divertissant pour Lui, nos aventures. Un peu de la même manière qu’un joueur d’échecs s’amuse à bouger ses pièces sans savoir où ça le mènera. Mais la différence majeure entre les échecs et le jeu du Programme, c’est que ce dernier gagnera toujours, quoi qu’il arrive. 

Au crépuscule du trente-sixième jour, nous l’avons enfin aperçue. D’immense tours verdâtres et de formes variées perçaient le ciel rose. La Cité Tétride s’étalait sur des kilomètres, si bien qu’on ne pouvait pas en voir le bout. Une tour, plus grande que les autres et d’une couleur différente, indescriptible, dominait la ville. Cette tour-là gardait jalousement la lumière du Soleil, qu’elle ne réfléchissait quasiment pas. En plusieurs endroits, des nuages s’étaient empalés sur les constructions des Hommes. 

«Elle a changé... Tu ne trouves pas ? demanda Dionysos, assis à côté de Lucius.

- Je... Évidemment. J’avoue que je ne sais pas à quoi nous devons nous attendre. Les Hommes semblent avoir progressé au-delà de ce que nous pouvons imaginer.» Les deux anciens sont ensuite restés silencieux face au panorama, mais leurs yeux émettaient de petits scintillements. Ni Echeb ni moi n’avons su les interpréter.

Deux derniers jours de marche ont été nécessaires pour enfin atteindre le portail principal de la Cité. Une immense muraille ceinturait les amas de constructions titanesques de la ville intérieure. Aucun son ne réchappait de l’intérieur de la Cité. De grandes fresques étaient gravées sur le portail; on y voyait des Hommes antiques se faire remplacer par ceux des âges de l’épée, du canon, de l’énergie électrique, magnétique et enfin... Un âge qui ne me disait rien du tout. Les Hommes -ou ce qui s’y apparentait- étaient représentés d’une manière plus stylisée, plus élégante. Des appareils inconnus accompagnaient ces Hommes stylisés. C’est nous qui sommes représentés ? me demandai-je. Lucius et Dionysos ont semblé être intrigués par la fresque mais n’en ont rien dit. Echeb, quant à lui, m’a fait remarquer un autre détail étrange. Au-dessus du portail était inscrit «CITVAT·PVNTEGO», soit la «Cité Pentagone», en langue moderne.

«Je... On se serait trompés d’endroit ? demanda naïvement Echeb à Dionysos.

- Non, impossible. Hm... J’imagine que nous aurons nos réponses à l’intérieur», se contenta-t-il de répondre, visiblement aussi peu serein que nous.

Deux Hommes attendaient sagement au niveau des mécanismes d’ouverture, le regard inflexible. Je ne me rappelais pas qu’ils étaient si harmonieux dans la vision, pensai-je à mesure que leur apparence se précisait. Les Hommes faisaient bien une tête de plus que nous. Leurs deux visages étaient régis par une symétrie impartiale. Aucune des courbes de leurs yeux, bouches, nez, oreilles, n’était tracée au hasard. 

«Ils ne réagissent pas... ? questionna Echeb, surpris.

- J’avoue que je ne m’attendais pas à ce genre d’accueil», songea Lucius.

Les Hommes étaient vêtus de tuniques violacées, faites d’un tissu inconnu. Elles s’arrêtaient au niveau des épaules, laissant entrevoir leurs bras tracés avec la même perfection que leurs visages. A côté d’eux, nous ressemblions clairement à de vulgaires brouillons. 

Ils ne sont même pas armés... remarquai-je. Une ligne dorée était tracée devant le portail de la Cité. Au moment où Lucius a posé son pied gauche au-delà de cette ligne, les deux Hommes ont bondi vers lui, avant même qu’il n’ait le temps de réagir.

«Lucius ! Non ! hurlèrent Echeb et Dionysos.

- Du... du calme...» répondit le Grand Guide d’une voix chevrotante, la main lourdement fixée sur son couteau magnétique.

Les bras des deux Hommes s’étaient transformés au cours de la seconde précédente et avaient désormais l’apparence de gros canons. Leurs mains avaient disparu pour laisser la place à un ensemble mi-organique mi-mécanique. Leurs yeux laissaient jaillir une lueur intense et anxiogène. 

«Motif de la visite, déclara celui de gauche.

- Je... souffla Lucius (L’Homme de droite venait de lever son bras-canon au niveau de ses diodes oculaires). Yohann Serville... j’aimerais le rencontrer.»

Sans répondre, l’Homme a pivoté vers une tour placée sur la muraille, avant d’émettre des lueurs saccadées et jaunâtres pendant quelques secondes. Après un instant de silence, la tour a envoyé des signaux lumineux à son tour. L’Homme de droite a fini par abaisser son canon. Dans un bruit de cliquetis nerveux et très brefs, les bras-canons des deux Hommes ont repris leurs formes initiales, sans que personne parmi nous ne puisse comprendre quel mécanisme était à l’œuvre. 

Une petite porte hydraulique, gravée à même le métal du portail, a laissé entrevoir en contre-jour la silhouette d’un vieillard titubant. «Eh ben, je ne m’attendais pas à vous revoir aussi vite», déclara une voix usée mais familière.

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