La source infinie (2/3)

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Leur long trajet, ponctué de contemplation et de murmures, les mena à une salle circulaire aux murs parés de couleurs vives. Autour d’eux se dressait le portait de chacun des Maîtres, espacés selon des angles égaux de soixante degrés, alors que l’effigie de la Maîtresse des Arcanes les dominait depuis le plafond incurvé. Noreth s’arrêta devant la peinture détaillée de la chef de l’Arcane Violet, accrochée sur l’assemblage esthétique de briques de même teinte.

Soudain, un vrombissement emplit la pièce. Le sol réalisa un mouvement circulaire uniforme, et les murs tournèrent jusqu’à se positionner à une orientation précise. Le souffle coupé, ils aperçurent une porte s’ouvrir automatiquement. Sous sa superbe image émergea une femme plus hautaine encore. Une magicienne très grande, déliée, au visage d’une pâleur extrême, aux yeux presque lumineux, à la chevelure d’un noir intense nouée en une longue queue de cheval. Une noble vêtue d’une longue tunique, d’un mauve identique à sa cape en soie ornée de broderies ambrées. Une dirigeante orgueilleuse, dédaignant l’ensemble de ses visiteurs, même son secrétaire. Deux gardes du corps la suivaient, un homme et une femme d’âge moyen juste armés d’un long bâton, insignifiants par rapport à elle.

Après avoir identifié Noreth, Mintra et Rudish, la Maîtresse de l’Arcane Violet s’interrogea sur l’identité des trois mécaniciens crasseux en face d’elle. Ravalant sa fierté, elle tendit sa main à Carssi.

— Enchantée, se présenta-t-elle. Je suis Sadilya tan Voldik i’Morda, fille de l’Avocate Paëwyn tan Zulish i’Edwi et du Haut Magicien Domod tan Hiriel i’Ashrelle, et je…

— Avec un nom pareil, coupa sèchement la mécanicienne, vos parents devaient pas vous aimer, je vous plains. Au fait, moi c’est Carssi Freils, mère de Rudish et épouse de Noreth, votre secrétaire. Apparemment, mon gamin a fait une découverte révolutionnaire, j’étais obligée de l’accompagner ! Ah oui, si vous permettez, je vais juste vous appeler « Sadi ».

— Je vois, répondit Sadilya, les sourcils froncés. Votre invective aurait eu de la valeur s’il provenait d’une personne avec un minimum d’éducation. J’ose espérer que vous traitez votre mari différemment de la manière dont vous vous occupez de vos machines. Si vous souhaitez souiller ce bâtiment prestigieux, grand bien vous fasse. Admirez donc cette architecture hors d’atteinte pendant que je me consacre aux choses sérieuses.

Ce disant, elle méprisa ses autres invités et ne fixa plus que Mintra, dont la vivacité restait préservée. Mais ses oreilles se baissèrent au moment où Sadilya la toisa, la surmontant de plus d’une tête.

— Mintra Sile, déclara-t-elle. Vous êtes la seule dont la présence en ces lieux se justifie. Vous vous êtes précipitée jusqu’ici, détenant dans votre laboratoire les clés d’une révolution scientifique et sociétale, fruit d’un travail quasiment individuel. Il va me falloir de plus amples informations pour éclaircir mes interrogations. Suivez-moi, nous allons parler dans de bonnes conditions.

La scientifique déglutit, intimidée. Tandis que Noreth restait impassible, elle refusa le soutien de son second et de Carssi et se soumit aux instructions de sa supérieure. En marchant sur une dalle de biais, Sadilya se téléporta, de même que ses gardes du corps. De leur côté, le groupe pénétra dans la salle baignée d’une lueur violacée. Ils s’arrêtèrent sur une balustrade installée face à une autre. La Maîtresse de l’Arcane s’y tenait, debout, fière, ses mains livides croisées derrière son dos. Entre ces deux rambardes se trouvait un gouffre semblable à un fluide laminaire où des vagues perturbatrices s’écoulaient. Ce phénomène magique attira l’œil de Mintra et Rudish, avant qu’ils fussent rappelés à l’ordre.

— Votre projet consistait à chercher de nouvelles sources d’énergie, dit la magicienne à haute voix. Malgré les applications pratiques possibles, quand je vous avais allégué les moyens de mener cette recherche, j’estimais qu’il s’agissait d’une étude théorique.

— Au début, oui ! confirma la savante. Croyez-moi, j’ai passé des nuits blanches à approximer des solutions à des équations non linéaires… Puis il nous a fallu expérimenter. Des mois de travail et de collaboration, à rassembler le matériel, à l’adapter, à ajuster chacun des paramètres, à répéter l’expérience encore et encore… Le résultat est là ! Je comptais rédiger un article bien documenté après avoir reçu l’approbation des hautes sphères, mais je tenais d’abord à vous en informer. Et puis…

Le crissement régulier du stylo sur des longues feuilles blanches rythma la conversation. Sadilya foudroya alors son secrétaire du regard, interrompant les explications de la chercheuse.

— N’écris plus rien ! somma-t-elle. Cette réunion est trop importante pour nous contenter de la retranscrire, des preuves concrètes sont nécessaires.

Elle s’intéressa de nouveau à la scientifique, la tête haussée.

— Tu as tout accompli dans ton bureau, n’est-ce pas ? demanda-t-elle.

— C’est exact, affirma Mintra. Si cette source infinie porte bien son nom, elle doit être toujours active.

Elle écarquilla des yeux quand les iris de sa patronne se noircirent. Déconnectée de son environnement, Sadilya tendit les bras, et le fluide se clarifia de plus en plus, jusqu’à révéler le laboratoire du duo de scientifiques. La sphère électrifiée continuait de cogner les parois avec une intensité sans pareille dans son milieu clos. Passant outre l’attitude de leur supérieure, les mécaniciens admirèrent longuement ce dynamisme si performant émanant d’une si petite source. L’alimentation idéale pour les moteurs déclinants.

Néanmoins, du scepticisme et de la crainte s’installèrent dans leur cœur, leurs rêves détruits par une puissante volonté. Les yeux de Sadilya étincelèrent : au-delà de son utilité propre, cette source devint l’objet de convoitise. Elle posa ses coudes sur la balustrade, joignit les doigts et balaya l’assemblée d’un regard condescendant.

— Voilà qui est intéressant ! se réjouit-elle. Ta persévérance est remarquable, Mintra, digne des scientifiques de l’ancien temps ! Apprendre de tes échecs passés pour mieux te relever. Nul doute que ta contribution aura été indispensable.

— Sa… contribution ? s’immisça Rudish, sidéré. Elle a presque tout fait, l’honneur de cette expérience lui revient !

— Je ne t’évoquais pas, mon garçon. De tous les brillants étudiants universitaires, il a fallu que ce soit toi qu’elle prenne sous son aile. Laisse-moi t’expliquer quelque chose : dégobiller par cœur les équations incompréhensibles d’un livre alambiqué ne t’a pas rendu pas intelligent, loin de là. Tu ne dois ta place qu’à la position de tes parents dans mon entreprise, petit pistonné.

Le visage de Rudish se décomposa, et les fulminations de sa mère n’y changèrent rien.

— Comment osez-vous ? s’indigna Mintra. Vous voulez vous approprier notre travail ?

— Ce travail n’est pas vôtre, rectifia Sadilya. Sans le soutien de l’Arcane Violet, sans mon financement, votre étude n’aurait jamais existé. Mintra Sile, je respecte ton intelligence, mais tu manques de recul. Je te suis supérieure dans la hiérarchie, donc la découverte de la source infinie me revient.

— Mais c’est notre projet ! hurla la savante, les poings serrés.

— Ne vous inquiétez pas, se moqua la magicienne, je vous citerai dans les références bibliographiques.

La figure de Mintra blêmit nettement. Faute d’arguments pour contester, elle s’immobilisa, relâcha les bras, et se perdit dans la contemplation indirecte de son œuvre. Carssi prit alors sa place, accusant la Maîtresse du doigt.

— Nous sommes six témoins de cette usurpation ! tonna-t-elle. Qu’allez-vous faire contre ça, Sadi ?

— Dont trois mécaniciens médiocres, méjugea Sadilya. Qui les politiciens et les puissants magiciens vont-ils croire : des gens comme vous ou la Maîtresse de l’Arcane Violet ? Je vous laisse méditer sur la question. Maintenant, ouste, j’ai mon projet le plus important à présenter. Je vais enfin sortir de l’ombre !

La réunion s’acheva sur une belle victoire, du moins pour certaines personnes. Insultes, grognements et cris de rage auraient pu fuser si la bienséance n’était pas d’application. Carssi sortit vite de la salle, Jocine et Lavin sur ses talons. Son empressement traduisait son envie de se relâcher autre part, là où personne ne l’entendrait. Une fois parvenue à un couloir vide, elle se mit face à un mur et le cogna de toutes ses forces, quitte à se faire mal.

— Ça m’énerve ! tempêta-t-elle. J’ai envie de frapper quelqu’un, là, tout de suite !

— Lanvin est volontaire ! proposa Jocine.

Elle poussa son ami sur sa chef, qui fut aussitôt renvoyé vers elle : les deux apprentis se vautrèrent par terre, un peu confus.

— Un exemple de collision inélastique…, murmura Rudish en les rejoignant.

La motivation du jeune homme avait dépéri, mais il subsistait en lui une once d’espoir, contrairement à sa responsable. Mintra avançait avec peine, son teint d’une pâleur morbide et sa démarche semblable à une ivrogne. Elle se figea au milieu du couloir et laissa Noreth poursuivre son chemin. Chez lui ne se lisait aucune indignation, il se contenta de tapoter l’épaule de sa femme et de lui adresser un signe sibyllin. La mécanicienne plaqua ses mains contre ses hanches, indécise, et observa son mari retourner chez lui sans demander son reste, tel un fantôme sans émotions. Des pensées éparses trottèrent alors dans sa tête, l’invitant à réfléchir sur la situation.

— Jocine, Lanvin ! appela-t-elle. Rassurez-moi, je me comporte comme ça avec vous ou les autres mécaniciens ?

Lanvin se servit de la jambe de son amie comme appui pour se redresser. Raide comme un pilier, il répondit :

— Absolument pas ! Vous êtes parfois dure, mais vous reconnaissez nos talents ! Pas comme cette frustrée…

— C’est bien ce qui me semblait ! Merci, votre soutien me fait du bien ! Je peux pas aider mon fils, ou alors je sais pas comment faire. Je propose juste qu’on rentre chez nous ! On trouvera bien la solution, enfin j’espère ! Je vais cogiter à ça, cette vaurienne s’en tirera pas à bon compte !

— Tu peux rentrer à la maison, maman, autorisa Rudish. Je trouverai un moyen… plus calme pour vous rejoindre.

La quiétude tant souhaitée s’obtint en quelques instants. Les mécaniciens saluèrent les scientifiques avec un soupçon d’empathie puis disparurent à leur tour dans l’infini dédale de couloirs du bâtiment. Dans un sens comme dans l’autre, nul ne revint : Mintra et Rudish se retrouvaient livrés à eux-mêmes, incapables de trouver une solution.

— Vous allez bien ? s’enquit l’assistant. Vous êtes plus blanche qu’un tablier de chimiste…

— Je… J’avais confiance en elle…, souffla Mintra, en pleine désillusion. Je pensais qu’elle me comprendrait, parce qu’elle a dû se battre pour obtenir sa place... Mais non, son honnêteté est aussi existante que les monopôles magnétiques…

Quand elle fixa Rudish, son désespoir décrut, et une détermination nouvelle la supplanta peu à peu. Ses mains se calèrent sur les épaules de son second.

— J’ignore comment vont agir tes parents, mais je ne compte pas rester les bras croisés ! Pas question de la laisser sur son triomphe ! En tant que scientifiques, nous devons rassembler des documents contre elle et rallier nos collègues à notre cause. Accompagne-moi, Rudish, cessons de nous enfermer dans notre laboratoire et allons de l’avant !

Comme dans l’espace des phases, deux chemins s’ouvrirent mais convergèrent vers un destin identique.

Le premier trajet ne minimisa pas le travail fourni : au lieu de se rendre directement à sa demeure, Carssi se permit un crochet vers le bar le plus populaire du quartier, histoire d’oublier ses problèmes. Elle engloutit un verre d’alcool fort, sans prendre le temps de profiter des bienfaits du breuvage, puis laissa le volant à Jocine. Conformément aux lois en vigueur, la mécanicienne en chef ne pouvait pas conduire dans son état, aussi fut-elle frustrée de la lenteur excessive de son apprentie. Des dizaines de minutes leur furent nécessaires pour rentrer à leur appartement, niché à l’un des derniers étages d’une tour aux vitres en plexiglas au relief argentin.

Le déclic de la carte magnétique leur offrit l’accès à leur habitation. Ils avaient beau résider à cinq là-dedans, ils ne manquaient ni de place, ni de confort. L’ameublement basique leur permettait d’accueillir plus de personnes, à l’image du lit triple installé dans la chambre de Rudish, Jocine et Lavin. Mais les mécaniciens ne s’attardèrent pas dans le couloir tapissé, car un silence pesant régnait dans les environs. Soudain, le cœur de Carssi se mit à battre la chamade. Ses craintes devinrent fondées quand elle ouvrit à la volée la porte de sa chambre.

Elle aurait pu pousser un hurlement guttural, elle aurait pu s’arracher les cheveux et frapper les murs, mais elle resta juste plantée devant le cadavre. Son mari avait la tête écrasée sur le clavier de son ordinateur holographique, une large entaille écarlate creusée dans sa nuque. Quelques filets de sang s’écoulaient le long de ses bras relâchés, tâchant ses beaux vêtements. Assassiné en un instant, parce qu’il possédait trop d’informations.

— Non, non ! se lamenta-t-elle. Pas toi, Noreth, pas maintenant !

Carssi se pencha auprès de son défunt époux, et une larme roula sur sa joue.

— Je savais que t’avais continué à écrire, malgré son avertissement ! Qu’est-ce qui t’a pris, bon sang ? T’as cru qu’elle te verrait pas ? Y’avait d’autres moyens pour la faire tomber ! Je vais dire quoi à notre garçon, maintenant ?

— C’est triste…, commenta Lanvin à voix basse. Il voulait juste partager des informations, il ne méritait pas ça…

— Le seul avantage de sa mort, ajouta Jocine, c’est que vous aurez plus de place pour dormir…

La mécanicienne refusa de se murer dans la tristesse. Elle chercha des informations partout dans le bureau, y compris dans les tiroirs privés de son homme. Plus d’entassements de dossiers rédigés avec soin, tout était vide. Prête à s’égosiller de plus belle, Carssi chercha la patience enfouie en elle. Bien que son visage virât au rouge vif, elle s’écarta du sentier de la violence et consulta ses apprentis. Elle ne s’emporta pas contre eux, même si des rictus hargneux jonchaient sa figure.

— Appelez-le, ordonna-t-elle. Tout de suite. Puis mettez-vous à l’abri, le temps que les choses se tassent. Je dois appeler les autorités, j’espère qu’ils vont pas croire que je l’ai tué, ni qu’il se serait suicidé « de trois balles dans le dos ». Oh, il va me manquer…

Pour leur propre sécurité, les apprentis obéirent sans discuter. Le sang avait coulé, les larmes aussi, les innocents périssaient, et les meurtriers triomphaient.

Le deuxième trajet se révéla moins chaotique. En dépit de son humeur déprimée, Mintra adopta une conduite sereine sur la voie de l’espoir. Une voie directe vers la récupération de l’honneur, vers l’intégrité scientifique violée au nom de quelques raisons égoïstes. Leur institut se présentait sous son meilleur aspect : de structure austère, elle recelait une population déterminée à la soutenir au besoin. Pour sûr, des partisans de Sadilya sévissaient au sein de l’entreprise, mais la savante y comptait suffisamment d’amis pour lever l’injustice dont elle avait été victime.

Dès leur retour, les expérimentateurs se heurtèrent à une autre mauvaise surprise : leur source infinie avait disparu de leur laboratoire. Les agents de la Sadilya avaient agi dans une parfaite discrétion, puisqu’aucun ne semblait encore rôder dans les parages. Ne restait plus qu’une table de laboratoire incomplète, où l’oscilloscope se limitait à afficher des signaux indicibles. Mintra s’insurgea contre la malhonnêteté de sa supérieure, trahissant une myriade de règles pour s’approprier la gloire.

Nonobstant leur désenchantement, les deux scientifiques mêlèrent adéquatement la raison et la passion pour contrecarrer les projets délétères de leur patronne. Leur institut comportait plus d’une centaine de travailleurs assidus. Peu importait leur position, la plupart connaissaient la réputation de Mintra Sile et lui accordait une plus grande confiance qu’à Sadilya. Quand la savante leur apprit comment sa réunion s’était achevée, leur sang ne fit qu’un tour. Une unique solution était capable de rétablir la vérité : dénoncer l’usurpation de la Maîtresse de l’Arcane Violet.

Ce fut le début d’une brillante coopération scientifique. Les relations entre les chercheurs s’étendirent au-delà des quelques conversations échangées autour d’une table, ou des craies usées lors d’interminables démonstrations. Ensemble, ils fouillèrent les lieux suspects, amplifièrent leur réseau et scrutèrent les moindres recoins de leur lieu de travail, à la recherche d’informations compromettantes. Que ce fût sous format papier ou numérique, Sadilya se montrait discrète et effaçait la majorité de ses traces. Déceler une de ses fautes, même minime, relevait d’un exploit de taille, sinon du pur acharnement. Tôt ou tard, la réalité finissait par se révéler, et les abus de pouvoir étaient payés.

Durant plusieurs jours, la complicité interne emmena l’institut dans une incontrôlable effervescence. Sans prêter attention à eux, comme si elle avait bâti son empire seule, Sadilya entama sa marche vers l’ultime renommée. Elle présenta sa source infinie, désormais à portée de mains, aux hautes sphères du pouvoir, et sa prétendue découverte se propagea comme une traînée de poudre. Une révolution apte à ébranler une société en mutation perpétuelle. Un changement dont elle était l’engrenage. Cette perspective l’enferma dans une telle allégresse qu’elle décida de se révéler publiquement à la fin de cette même semaine, au cours d’une conférence ouverte à tout public.

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