Chapitre 22

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Hestia

Trois jours c’étaient écoulés après l’annonce de mon père. Je n’en revenais toujours. Comment pouvait-on penser à tuer son propre enfant, la chair de sa chair, le sang de son sang. C’était juste horrible. Je ne savais pas si j’allais lui pardonner, j’avais besoin de temps pour réfléchir à tout ceci.

J’étais déjà stressée par le fait que Zeus avait connaissance de mon existence et qu’il pouvait à tout instant m’envoyer un autre de ses monstres et mon père me rajoutait une pression psychologique en plus. Allais-je devoir me méfier de mon propre géniteur à présent ? Devrais-je surveiller mes arrières lors de ses visites ?

Un soupir de grande lassitude s’échappa de mes lèvres. J’étais assise près de la fenêtre de ma chambre et je contemplais la vue sur la rue qui s’offrait à moi. C’était très palpitant.

Après avoir quitté mon père, j’étais directement rentrée chez moi et m’étais morfondu dans ma chambre. Le regard inquiet de Décerto ne m’avait pas échappé, mais j’avais besoin d’être seule un moment et de diriger l’aveu que m’avait fait mon père. La situation n’avait pas changé, au contraire, j’étais toujours prisonnière de cette maison jusqu’à nouvel ordre. Le gardien censé me protéger n’était toujours pas arrivé et donc je n’avais toujours pas le droit de sortir. Qu’allait être ma vie si je ne terminais pas mes études ? Peut-être que j’allais bientôt mourir et que l’homme qui me servait de père le savait, il attendait juste que je passe de vie à trépas.

— « Ingrate », me réprimanda ma conscience.

J’avais le droit d’être douteuse sur ses intentions, vu qu’il avait tenté de me tuer quand je n’étais qu’un nourrisson. Quelqu’un frappa à la porte me faisant sortir de mes sombres pensées.

—Zéphyr tu peux entrer !

Il n’avait que lui qui prenait la peine de demander la permission avant de pénétrer dans mon antre. Décerto, elle, entrait comme bon lui semblait.

Je quittais mon poste près de la vitre pour aller m’assoir sur mon lit. Je tapotai le matelas à ma droite pour inviter Zéphyr à venir à mes côtés.

—Tiens du chocolat, je sais que tu aimes bien ça, m’expliqua-t-il en souriant.

Il était adorable ainsi barbouillé de chocolat. J’embrassai avec affection sa joue et croquai à pleine dent un bon morceau de la friandise. Hum, un pur délice.

—Merci mon ange, lui dis-je en ébouriffant ses cheveux. Comment c’est passé ta journée à l’école ?

Il sauta sur le lit enthousiaste à l’idée de me raconter tout ce qui c’était passé aujourd’hui. J’aimais bien l’écouter, c’était comme si je vivais tout ce qu’il faisait.

—La maîtresse m’a félicité et elle ma donné un bonbon parce que j’avais bien joué mon rôle dans la pièce de théâtre, je n’ai même pas bégayé. Elle a même pleuré. Et elle était tellement contente qu’elle a écrit un mot pour maman dans mon carnet scolaire. Je vais te montrer, me déclara-t-il en ce précipitant dans le couloir pour aller fouiller son sac.

Il revient tout essoufflé avec le précieux sésame en main, qu’il me tendit avec une fierté non dissimulée.

Je m’en emparai pour lire le commentaire de sa maitresse.

— « Zéphyr a joué son rôle avec une telle émotion que je n’ai pas pu m’empêcher de pleurer. Il a vraiment beaucoup de talent et je pense que vous devriez l’inscrire au théâtre, une grande carrière d’acteur se profile pour lui ». Je suis fier de toi petit bonhomme ! Vient ici je vais te faire un gros câlin de félicitation.

Il ne se fit pas prier et se précipita dans la chaleur de mes bras. Je déposai un tendre baiser sur son front et lui demandai :

—Vu que tu as très bien travaillé, tu as le droit d’avoir une récompense. Dis-moi ce qui te ferai plaisir.

—Tu veux bien me faire des donuts, me réclama-t-il des étoiles pleins les yeux.

Je me mis en garde à vous.

—C’est comme-ci c’était fait, déclarai-je.

—Au boulot Hestia, s’écria-t-il.

Il tapa dans ses mains en rigolant.

—Oui Chef ! A vos ordres Chef !

C’était fou comment un enfant de cinq ans pouvait me rendre le sourire. En l’espace de quelques minutes, il avait chassé le nuage triste qui planait au-dessus de moi.

—Monsieur, veuillez grimper sur mon dos. Je ne voudrais pas que vos précieux pieds de future célébrité soient blessés lors de la traversée du couloir infernal, la descente des escaliers infernaux et l’arrivée dans la pièce aux couteaux.

Il prit une moue apeurée en posant une main sur son front.

—Oh oui, vous avez tout à fait raison.

Il grimpa ensuite sur mon dos et accrocha ses mains à mes épaules.

—Au galop, Hestia, cria-t-il en gigotant.

Je rigolais et couru dans toute la maisonnée, sous les ordres de mon petit frère de cœur.

***

Nous avions tellement rit que j’avais des crampes à l’estomac. La cuisine s’était très vite transformée en champ de bataille et même Décerto c’était jointe à nous pour la fabrication chaotique des donuts, à ma plus grande surprise. En pensant à elle, la nymphe apparue dans l’encadrement de la cuisine tandis que je terminai de tout nettoyer. Etant l’instigatrice de cette idée, il était normal que je me sois dévouée pour tout débarrasser après.

—Les donuts étaient délicieux ma chérie, me complimenta-t-elle.

Je rougis sous le compliment et passai une de mes mèches de cheveux qui tombait devant mes yeux derrières mon oreille.

—Merci, lui répondis-je simplement.

—Merci à toi pour cette petite bulle de bonheur. On est toutes les deux stressée par la situation sans laquelle tu te trouves et rire fait du bien à nos nerfs, me dit-elle un sourire au coin des lèvres.

—C’est Zéphyr qu’il faut remercier, il nous rend toutes les deux joyeuses. C’est un enfant qui réchauffe les cœurs, par sa bonne humeur quotidienne.

Elle opina de la tête, allant se chercher un verre d’eau.

—Est-ce que papa t’a contacté ?

Elle s’adossa sur le comptoir de la cuisine.

—Pas encore, m’avoua-t-elle avec regret, mais ne t’en fais pas ma belle, tout va s’arranger tu vas voir.

Je regardai vers le sol, incertaine de la véracité de ses propos. L’incertitude me tenaillait les entrailles.

—J’ai peur Décerto, pour toi et Zéphyr, pour Rallyeso et Danaos. Et j’ai une impression étrange là, lui confiais-je en désignant ma poitrine. Cela m’oppresse.

Elle s’avança vers moi et j’allais chercher la quiétude de ses bras. C’était si bon se sentir aimé et choyé. Malgré nos nombreuses disputes, dû à notre tempérament de feu, je l’aimais plus que tout. C’était elle qui m’avait soigné quand je me blessais, qui effaçait mes larmes quand je pleurais. C’était toujours elle qui me rassurait quand tout allait mal, comme maintenant.

—Je t’aime Décerto, plus que tout, lui chuchotai-je à l’oreille.

Elle m’embrassa avec affection.

—Moi aussi ma belle, et ne te tracasse plus, ton père va tout arranger.

Une dernière caresse sur mes cheveux et elle s’en alla rejoindre sa chambre. Je pris le même chemin qu’elle, mais me dirigeai dans la chambre de Zéphyr.

À pas de velours, je m’approchai de son lit pour l’admirer. Il était si beau ainsi endormi. Ses longs cils noirs effleuraient ses joues rondes, sa bouche enfantine était entrouverte d’une adorable façon et ses cheveux étaient tout hérissé sur son crâne.

Je déposai un baiser sur son nez et je m’apprêtais à sortir.

—Hestia, marmonna le dormeur.

—Chut, mon ange, dors !

—Je voulais te dire merci pour les donuts. Tu es la meilleure de toutes les grandes sœurs. Je t’aime Hestia.

—Et toi tu es le meilleur de tous les petits frères de la terre entière. Je t’aime plus que tout.

Pourquoi est-ce que j’avais l’impression que ces paroles sonnaient comme des adieux ? Je le bordai en lui chantonnant une berceuse. Une fois qu’il fut rendormi, je me rendis dans ma chambre, la boule au ventre.

Je m’allongeais dans mon lit en contemplant le plafond. Le sommeil ne tarda pas à s’emparer de moi et je plongeais dans l’inconscience.

***

D’étranges cliquetis me sortirent de mes rêves. Je me redressai aux aguets. Le cliquètement repris de plus belle, comme si quelqu’un tapait quelque chose de pointu sur le parquet. Je rabattis les couvertures sur mon lit et regardai l’heure, il était deux trente du matin.

Un bruit sourd en provenance du couloir me fit sursauter. Je m’emparai du poignard que je gardai caché sous l’un de mes oreillers et je m’approchai de la porte et l’ouvrit sans faire le moindre bruit.

Personne.

Mon regard fut attiré sur ma droite, la porte de la chambre de Décerto était grande ouverte. Peut être qu’elle était descendue dans la cuisine. Un nouveau cliquetis, suivi d’un gémissement étouffé en provenance de la chambre de Zéphyr qui était au bout du couloir, retenti.

Je me précipitai dans cette direction le cœur battant à mille à l’heure.

L’horreur s’offrit à moi.

Une immense silhouette se tenait au-dessus de mon petit Zéphyr et enserrai sa poitrine. Ses griffes étaient enfoncées dans sa chair et le sang dégoulinait, trempant le tapis.

Pitié, faites que ça ne soit qu’un cauchemar.

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