Chapitre 21

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Le chien ailé de Zeus

Le maître m’avait appelé ! Enfin ! Cela faisait si longtemps que j’étais enfermé dans cette maudite cage, sans pouvoir voler. Je ne faisais que tourner en rond. Hercule m’avait tué tel le lâche qu’il était et j’avais été envoyé aux enfers, mais mon souverain m’avait libéré, il était notre seigneur et même Hadès lui devait obéissance. Hélas, il ne m’avait délivré que pour mieux m’emprisonner.

Le maître avait osé me mentir et maintenant il me quémandait. Je ne me laisserai pas faire cette fois-ci, car j’étais l’Aigle du Caucase, celui qui avait rongé chaque jour le foie de Prométhée, le traite.

***

Ce fut avec difficulté que je me rendis dans la salle du trône, je n’avais plus l’habitude de marcher sur mes serres et mes griffes avaient tellement poussées qu’elles me faisaient trébucher. En passant devant une psyché, je fus atterré par l’image que me renvoyait mon reflet. Autrefois, mon plumage lustré était d’un beau noir, aujourd’hui, il n’était que l’ombre de lui-même, sans éclat. Je ressemblais à un pouilleux. Un sac d’os, car ma corpulence était plus que rachitique, on ne m’avait nourri que de petites souris lors de ma captivité. Un bien maigre repas pour une envergure telle que la mienne. Avant, lorsque je me redressais, je pouvais atteindre la voute du palais, à présent, j’étais affaissé sur moi-même, le dos courbé tel un bossu. Je ressemblais à un vieillard qui était sur le point de rendre son dernier souffle.

—Chien, viens par ici ! tonna la voix lugubre de Zeus.

Il était près des portes en bois ouvragées qui donnaient sur la salle du trône. Il n’avait pas perdu sa magnificence d’antan et je me sentais minable face à ce souverain charismatique. Mais, j’avais décidé de ne plus me laisser intimider par lui, parce que même en lui obéissant au doigt et à l’œil, il n’était jamais satisfait. Je me hâtais, quand même, de le rejoindre pour ne pas subir son courroux, mais le maître irrité par ma lenteur utilisa sa magie pour me faire aller plus vite. Un vent violent me propulsa en avant et je m’affaissai à ses pieds divins. Il prit un malin plaisir à me laisser ainsi avachi sur le sol, tel un insecte que l’on pouvait écraser. Mes pauvres os, protestèrent face à ce traitement et j’émis un piaillement minable.

Une rage sans nom pris possession de mon âme et de mon corps, il était hors de question, que je me laisse avilir de la sorte. Je plaquai mes mains bien à plat sur le carrelage noir strié de blanc et je me relevai en faisant fit du craquement de mes articulations. J’adressai à Zeus un regard de défi et déployai mes ailes faméliques, elles avaient perdu de leur superbe et il manquait bon nombre de plumes, mais je voulais faire bonne figure.

—Pourquoi m’avoir fait appeler Maître ? Je pensais que j’allais rester dans cette prison jusqu’à la fin de ma vie. Je ne comprends d’ailleurs pas pourquoi vous m’avez fait enfermer. Je n’ai pas souvenance d’une transgression de vos directives. J’ai toujours fait montre de mon dévouement en vous servant avec dextérité.

Zeus se tourna vers moi et me regarda avec un dédain non dissimulé.

—Tu es pathétique chien, tu crois me faire peur, mais n’oublie pas que tu n’es rien d’autre qu’un esclave. Je peux faire de toi ce que je veux ! Tu n’es rien pour moi ! J’ai une quantité d’autres sbires qui n’attendent que de me servir, donc si tu ne veux pas retourner dans ta cage, tu la fermes et tu obéis ! gronda le maitre des cieux ivre de rage.

Je serai mes mâchoires pour ne pas l’invectiver, car cela signifierait ma perte et pris sur moi. Il était impératif d’abonder dans son sens, malgré mes pensées rebelles. Je ne voulais plus être en détention, privé de tout, sans pouvoir voler, ni manger à ma faim. Je décidai de m’incliner en ployant un genou douloureux.

—Je suis votre obligé mon seigneur, demandez-moi ce que vous voulez et je le réaliserai.

Ces mots sortirent avec difficultés de ma bouche, mais je devais agir avec fausseté pour qu’il s’adoucisse quelque peu.

—C’est la dernière fois que je t’avertis, vil cabot, la prochaine fois que tu me manques de respect, je te renvoie pourrir au Tartare !

Ce fut pénible pour moi d’acquiescer, mais je le fis quand même. Zeus était comme son père un dictateur et des hommes tels qu’eux n’avaient aucun scrupule, ils écrasaient tous ceux qu’ils considéraient comme étant des obstacles. Alors oui, au début de son règne le seigneur des cieux était altruiste, généreux, malheureusement à force de trop goûter au pouvoir celui-ci lui était monté à la tête. Autrefois, il me respectait et il écoutait les conseils que je lui prodiguais en matière de stratégie de guerre, car j’étais l’une des rares créatures à être doué d’intelligence. Mon père Typhon et ma mère Echinida y avait veillé dès que j’étais né en m’apprenant tout ce que je devais savoir sur la vie dans ce monde.

—Tu vas te rendre sur terre et me trouver la progéniture d’Hadès. Ta mission est de la tuer elle et tout ceux qui l’entourent, je ne veux aucun survivant. Si tu dois tuer des humains innocents pour ce faire, tu le feras ! m’ordonna le seigneur en serrant les dents.

Il semblait contrôler avec difficulté sa rage. Que c’était-il passé pour qu’il soit dans cet état ?

—La progéniture d’Hadès ? Je ne comprends pas mon roi, il a un enfant ? Pourtant vous l’aviez interdit !

—Justement ! hurla-t-il en fracassant son poing sur le mur qui se fissura sur toute sa longueur, il a eu une fille en cachette. Personne n’aurait pensé qu’il me trahirait de la sorte, mais il l’a fait.

Il commença à faire les cents pas en serrant et desserrant les poings. Il se retourna soudain vers moi en me pointant du doigt.

—Tu as intérêt à ne pas échouer ! J’ai déjà envoyé Python, mais il n’est jamais revenu et j’ai appris de l’un de mes espions en enfer qu’il avait été renvoyé dans le Tartare !

—Je ne vous décevrais pas maître, je vous en fait la promesse, dis-je d’une voix solennelle.

Il se téléporta jusqu’à moi et me saisit par le cou. Sa poigne était douloureuse, mais je fis face à son regard coléreux sans ciller.

—Si jamais toi aussi tu es renvoyé au Tartare, par une simple petite fille, je viendrais moi-même t’étriper comme tu l’as fait avec Prométhée durant des années.

Je hochai la tête en déglutissant avec difficulté à cause de la pression que Zeus exerçait sur ma trachée. Il me lâcha et sur cette dernière mise en garde, il s’en alla, me laissant seul dans la lugubre salle du trône.

Je n’allais pas échouer, j’étais un être sanguinaire et froid et je n’aurais aucune pitié, même si cette fille était une enfant. Tous ceux qui se trouveraient sur mon passage périraient par mes griffes et mon bec. J’aimais particulièrement les bains de sang et cela me permettrait de retrouver ma force et ma splendeur d’antan, j’en faisait le serment. Moi l’aigle du Caucase j’allais renaître après des années derrière les barreaux d’une cage et j’étais déterminé à devenir encore plus fort qu’auparavant.

C’était moi qui mettrait fin à la tyrannie de Zeus…

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