Chapitre 12

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Je suivais avec attention la progression du bel inconnu, incapable de détacher mon regard de ses traits sculptés à la perfection et d'une virilité sans nom. La foule s'ouvrit en deux, impressionnée. Il passa à côté de Danaos en l'ignorant royalement. Ce dernier regarda dans quelle direction il allait, et en voyant que c'était vers moi que se dirigeait le bel éphèbe, un éclair de fureur traversa son regard. Oh, il était jaloux comme un pou, mon Danou, j'allais bien m'amuser.

—Par le Tartare ! Hestia tu as touché le pactole, dit Rally en s'éventant avec sa main.
—Tu le connais ? lui demandai-je en pivotant vers elle.
—Pas du tout, mais il m'a l'air très appétissant, s'ébaudit-elle les yeux brillant d'admiration.
—Moi je le trouve bizarre, répondit Peter tout en essuyant un verre avec un torchon. Il a une tête qui ne me revient pas ! Tu as l'air toute douce Hestia et lui tellement animal, trouve quelqu'un d'autre ma jolie, sinon ça va mal se finir !

C'était vrai, cet inconnu dégageait une aura dangereuse, indescriptible. Déjà ses yeux semblaient promettre milles tortures et sa façon de se mouver dans l'espace était très serpentine.

—Absolument pas ! Il est à croquer, s'exclama Rally d'un ton enthousiaste. Fonce ma belle et Danaos sera bientôt dans ta poche.

Je la regardai en haussant les sourcils, c'était facile à dire !

—Et je dois l'accoster comment, hein ? Je ne vais quand même pas lui dire : salut beau gosse, depuis que tu es entré dans cette salle, je me sens toute chose ou bien, ta beauté m'a éblouie et je n'arrive plus à m'en remettre, embrasse-moi, ricanai-je amèrement.
Peter et Rally s'esclaffèrent bruyamment.

—Beh quoi ! Moi j'en sais rien ! Je vous rappelle que je n'ai aucune expérience en la matière. D'ailleurs, je suis d'accord avec toi Peter. Certes il est beau, mais il fait froid dans le dos !

Le satyre reprit très vite son sérieux et me déclara gravement :

—Je ne le sens pas ce type, méfie-toi ma jolie et surtout, ne reste pas seule avec lui !

Je hochais la tête et il s’en alla vaquer à ses occupations, c’est-à-dire servir des boissons.
Rally secoua sa belle crinière rousse et répliqua :

—Moi je dis que tu n’as rien à perdre, tente ta chance et tu avisera après.

Je voulais bien, le seul problème c’était que moi non plus, je ne le sentais pas trop. Il avait quelque chose qui me dérangeait chez lui, mais à force de me méfier de tout un chacun, j’avais des préjugés.

—Je ne sais pas Rally, tu ne le connais pas, donc tu ne sais pas comment il est !
Elle haussa les épaules en balayant ma remarque d’un geste.

—Et alors, qui ne tente rien n’a rien !

Je soupirai frustrée et retournai examiner l’environnement dans lequel je me trouvai. Il y avait très peu d’humains, ils étaient tous déjà souls et tenaient à peine sur leurs jambes. D’ailleurs, j’aperçu Bryan, un garçon de ma classe, vautré sur le fauteuil noir en cuir et entourée de nymphes, il semblait être au paradis puisqu’il bavait et avait un air béat. Tatiana, quant-à-elle était en train de nager dans la piscine avec des sirènes garçons, vraiment canon.
J’étais d’avis que Dano, n’aurait pas dû les inviter, ils n’étaient pas comme nous. Eh non, je n’étais pas raciste, loin de là, mais j’avais des très mauvais souvenirs avec eux.
À l’âge de six ans, on m’avait accusé d’avoir volé les collations des autres enfants, alors que je n’avais rien fait. J’étais juste l’étrange petite nouvelle, trop grande pour mon âge, trop mature et avec des yeux vairons. À douze ans, on m’avait harcelé au collège et surnommé l’extraterrestre à cause de mes particularités physiques qui n’entraient pas dans les normes « humaines ». Et lorsque qu’on ne correspondait pas à leurs critères, les humains se montraient perfides et vicieux. Bien sûr, ils y en avaient de très gentil, très ouverts d’esprit, mais j’avais eu trop de mauvaises expériences pour en juger…

Les premières notes de Unstoppable de Sia, retentirent dans les immenses blaffes noires qui étaient disposées à des endroits stratégiques du salon. Et bien sûr, à chaque fois que je l’entendais, j’étais comme en transe et me mettait à chanter.

All smile, I know what it takes to fool this town
I’ll do it till de sun goes down
And all through the night time
oh yeah

Je me levai et commençai à danser sous le regard ébahi de Rally. Je balançai mes hanches et virevoltai, les autres s’écartèrent pour me laisser faire.

Oh yeah, I’ll tell you what you wanna hear
Leave my sunglasses on while I shed a tear
It’s never the right time (yeah, yeah)

J’étais dans ma bulle, sourde à tout ce qui m’entourait, sauf les paroles qui venaient percuter mes membres les faisant s’élever, onduler, ployer et bouger.

I put my armor on
Show you how strong how I am
I put my armor on
I’ll show you that I am

Oui, je revêtais mon armure pour montrer que j’étais forte pour montrer qui j’étais. J’étais inarrêtable !
Un cercle s’était formé, j’étais devenue le centre de l’attention, et je m’en fichais j’étais comme possédée.
J’étais inarrêtable!

I’m unstoppable,
I’m a Porsche with no brakes
I’m invincible
Yeah, I win every single game

Je tournoyai en faisant des gestes amples avec les bras, au rythme de cet air entrainant.
J’étais inarrêtable!

I’m so powerful
I don’t need batteries to play
I’am so confident
Yeah, I’am unstoppable today

Je m’élançai vers la foule et me figeais en secouant la tête. Je me retournai brusquement pour effectuer une série de salto et de pirouette.
J’étais inarrêtable !

Deux bras musclés vinrent m'entourer afin de me soulever dans les airs. Je pédalai dans le vide pour échapper à cet homme, mais il me maintint contre lui, en me faisant tourbillonner telle une toupie. Je parvins à m'échapper et lui fit face.
J'étais inarrêtable !

J'affrontai celui qui m'avait perturbé, ses yeux fait d'or chaud me caressaient la peau. Je m'approchais de lui en faisant mine de le toucher et je suspendis mon geste. Il se saisit d'un mouvement brusque de mon bras, pour me coller contre son torse. Son cœur battait très vite, je pouvais le sentir.
J'étais inarrêtable !

—Danse avec moi !

Son ton était suppliant, je le voyais bien. Cependant, une part de moi voulait se jouer de lui et l'autre, tomber dans ses bras. J'étais face à un dilemme, mais j'étais inarrêtable !
La bataille entre mes deux consciences fut gagner par la deuxième, je me laissais donc aller dans cette chaleur réconfortante.
Son souffle me chatouillait, me faisant frissonner. J'étais bien ! A ma place et heureuse.

La mélodie qui m'avait emportée fut remplacée par un son plus rock, qui brisa notre cocon et nous ramena à la réalité.

C'était mon Dano, qui était là devant moi. Je n'avais même pas eu besoin de le rendre jaloux. Je n'avais fait que danser car j'aimais ça !

—Viens, on va s'assoir ma belle !

Par l'enfer ! Il avait dit ma belle, je me sentais fébrile à cet instant. Il me guida vers un endroit tranquille, me tenant toujours la main. Au passage, j'aperçu Rally en train de s'éclater avec un joli satyre. Elle se retourna vers moi et me fit un clin d'œil complice.
Je ne réalisais pas encore, j'étais comme dans un rêve fantastique et espérais que rien ni personne ne viendrait le gâcher !

Nous montâmes la volée de marches du majestueux escalier du hall d'entrée. Il débouchait sur un long couloir, où l'on voyait se profiler plusieurs pièces. Dano me mena jusqu'à une banquette blanche incrustée dans le mur avec un hublot en guise de fenêtre. Elle nous offrait une jolie vue sur le jardin : des haies de roses rouges, des cerisiers du japon en fleur (on était au mois d'octobre, mais les nymphes et les satyres pouvaient faire pousser les plantes à toutes les saisons). Une fontaine en marbre blanc et représentant une scène de la mythologie grecque, déversait des trombes d'eau dans des bassins remplis de poissons. C'était féerique !

—Tu es magnifique dans cette robe Hestia ! déclara Danaos. Euh... Je veux dire que tu es très belle même sans. En fait non !

J'écarquillai les yeux amusée par sa nervosité, je n'étais pas la seule à l'être, en fin de compte.

Il se passa la main dans ses mèches cendrées.

—Ce que je veux dire, c'est que tu es superbe ! Peu importe avec quoi tu t'habille, tu es toujours belle à mes yeux !

Il pris mon visage en coupe et me regarda intensément. Les mots étaient bloqués au fond de ma gorge, impossible de parler, j'étais amarrée, telle une ancre, à cette mer faite de miel.

—Quand tu danses, Hestia…Tu me bouleverse !

Tu ressembles à la plus sublime des étoiles ! Ta lumière illumine le monde et brille de mille feux pour montrer ta présence ! Je ressens tout ce que tu racontes aux travers de tes gestes si gracieux. Je sais ce que tu caches, cette douleur omniprésente, suite à l'absence de celui qui te manque. Je sais tout, car tu te confies en quelque sorte à moi.

Je parvins à sortir une note du gouffre qu'était devenu ma bouche.

—Arrête, Dano, je...

Il posa un index sur mes lèvres, me faisant taire.

—Ne dis rien, ma petite danseuse, laisse-moi terminer.

Il prit une profonde inspiration et m’avoua d’une traite :

—J’étais là le jour de la représentation du « Songe d’une nuit d’été ». Je suis toujours là, car j’aime te voir danser, c’est vital pour moi comme de respirer.
Il ferma un instant les yeux et reprit :

—Quand j’ai vu cet humain te toucher et valser avec toi, j’ai été dominé par une haine inimaginable. J’aurais voulu monter sur la scène pour t’arracher à lui, pour le remplacer.
J’aurai incarné Lysandre et je t’aurais embrassé comme ceci. Il me sourit et commença à descendre petit à petit vers moi. Ses yeux dans les miens. Je retins mon souffle dans l’attente de ce qui allait se produire.

D’abord, il m’effleura le nez.
Ensuite, il me caressa les joues.
Enfin, il posa ses lèvres sur les miennes.
Je m’approchai plus près de lui pour sentir la chaleur de son corps. Nous fusionnions tels des combustibles. J’entourai son cou de mes bras et enfouis mes doigts dans ses cheveux. Je détachais l’entrave qui les retenait, je voulais les sentir frôler ma peau.

Des milliers de frissons me parcouraient.
Mon cœur s’emballait.
Je n’étais plus.
Je m’étais échappée dans un autre monde, un autre univers. Perdue dans les limbes de l’amour.

Un cri déchira le silence, bousculant tous nos sens…

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