Chapitre 9

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VOilà j'ai pas encore corrigé, je passerai après.

Fuis, Hestia ! Fuis ! Il arrive !

Je me réveillai en sursaut, le cœur battant à cent à l’heure et le souffle court. J’agrippai fébrilement ma couette pour la rabattre sur le lit, en quête de fraicheur. L’air lourd faisait perler sur mon front des gouttes de sueur et aplatissait mes cheveux sur ma nuque.

Je me levai pour aller me rafraichir un peu, il faisait chaud à Houston au mois d’octobre et mon pyjama collait à ma peau. Au passage, j’ouvris la fenêtre qui donnait sur la rue, tout était calme, un peu trop même. Je m’accoudais un instant sur la rambarde pour contempler le paysage. Je percevais de douces effluves marines qui venaient chatouiller mon nez, je fermai les yeux apaisés et ressassai le rêve que je venais de faire. Il avait pourtant bien commencé…

J’étais avec Danaos au bord d’un plage, nous contemplions le coucher de soleil qui nous caressait de ses chauds rayons. Il avait passé un bras autour de mes épaules, et j’avais blottie ma tête contre son torse, énivrée par son parfum, un mélange boisé et musqué. Il me susurrai des mots doux et m’embrassait amoureusement. C’était un moment romantique et magique.
Tout à coup, une tempête s’était levée, l’océan c’était déchainé et des éclairs avaient déchirés le ciel. Je fus séparé de mon aimé et j’entendis une voix qui me disait de fuir, l’urgence dans le ton utilisé m’avait effrayé. Danaos, fut emporté, par une vague et…

—Croac

Je me tapai la tête sur la vitre surprise par ce croassement strident. Je le cherchai du regard et l’aperçu perché sur le poteau électrique en face de la maison. Un corbeau.

—Ahhh, mais tu veux que je meure d’une crise cardiaque ou quoi, sale bestiole.

Je posais la main sous ma poitrine, on aurait dit que mon pouls avait participé à une course de vitesse.

—Croac, croac, croac

—Mais c’est qu’il se fout de moi, j’hallucine. Tu vas voir ce que je vais te faire, ricanai-je en frottant mes mains.

Je fouillai ma chambre pour trouver quelque chose n’importe quoi, afin de lui faire peur. Rien sur mon lit à baldaquin blanc, recouvert de draps en soie mauve et gris. Rien non plus, sur ma coiffeuse remplie de parfums et de vernis. Rien de spécial sur mon bureau – un bic, trop petit, des cahiers trop légers, le dico trop lourd. Rien dans la garde de robe, mis à part mes vêtements.

J’eus soudain une illumination, j’entrai dans la salle de bain, toute de grise vêtue, pour saisir ma brosse à cheveux. Une fois l’objet en main, je retournai à la fenêtre pour me venger. J’étais maléfique.

Je visualisai bien la position du volatile, c’était important pour que mon tir soit parfait et atteigne sa cible. Il fallait lancer ni trop fort, ni trop doucement, je devais trouver le juste milieu.

L’oiseau déploya ses grandes ailes, c’était vraiment un gros spécimen, il faisait ployer le câble électrique. Je le trouvai vraiment bizarre, il avait l’envergure d’un gros chien, c’était inhabituel. Peut être qu’il était magique, il avait l’air intelligent.

—Croac, Croac, fit-il menaçant.

—Tu crois que tu me fais peur Chucky, dans tes rêves de choucas stupide.

Ses yeux me rappelaient celle de la poupée du film du même nom, j'en frissonnai d'horreur.

La brosse bien en main, je me remémorais les instructions de mon entraineur de combat, pour jeter le projectile.

Etape 1 : Inspirer et fixer l’objectif.

Etape 2 : Ecarter légèrement les jambes, armer le bras, fermer un œil.

Etape 3 : Expirer et lancer.

Mon arme de fortune atteignit l’oiseau en pleine poitrine. Cela lui fit perdre quelque peu l’équilibre, mais il se reprit juste à temps et s’envola en semant sur son passage de lugubre croassement.

—Hourra, bon débarras, retourne dans ton nid, face de rat, m’écriai-je en sautillant sur place.

—Non, mais c’est pas bientôt fini ce boucan. Il est deux heures du matin, je vais appeler la police si ça continue, hurla un voisin.

Je fermai précipitamment la fenêtre, courus jusqu'à mon lit et me cachai sous la couette tout en rigolant comme une gamine. Je parvins à me calmer et mes méninges commencèrent à tourner à plein régime.

D’abord, ce rêve qui avait viré en cauchemar sur la fin et maintenant cet oiseau de malheur.

S’agissait-il d’un avertissement, un sombre présage ?

***

—Pst, Hestia, chuchota Rallyeso.

Elle était installée sur le banc à coté du mien. Je détournai mon regard du tableau, où Mme Playtein expliqué un exercice d’algèbre financière, et le portait sur mon amie.

—Quoi, lui demandai-je les sourcils froncés.
Je n’aimais pas que l’on me dérange, lorsque j’étais en cours de math, surtout que la professeure était un vrai tyran.

Rally me passa un bout de papier contenant sûrement un message. Je le refusai, mais cette têtue insista, elle allait nous faire remarquer et hors de question que j’ai une retenue, je lui pris donc violement le mot et l’ouvrit :

Tu as trouvé ta tenue ?

Sinon shopping demain !

Je fis un geste négatif de la tête et me concentrais sur le cours. C’était sans compter la ténacité de la nymphe qui commença à gesticuler pour attirer mon attention, elle voulait que l’on soit collées ou quoi ?

—Aller, Hestia, s’il-te-plait, me supplia-t-elle d’une petite voix.

—Non, maintenant laisse-moi tranquille, répondis-je sur le même ton.

—Hestia, tu ne vas quand même pas partir à cette soirée, attifée comme d’habitude, c’est l’anniversaire de Danaos.

Elle me regarda avec une moue incrédule.

Je poussai un soupir résigné, elle allait me rendre folle. Samedi était un jour particulier, puisque Dano aurait dix-huit ans. Rallyeso voulait absolument que je porte une robe pour l’occasion. Le problème, j’étais difficile dans mes choix vestimentaires, je détestais lorsque c’était trop court, trop décolleté, j’aimais être à l’aise. Le superficiel très peu pour moi, je préférai être naturelle. Eh puis, si l’on ne me trouvait pas belle, je m’en fichais, l’important c’était ce qui faisait de moi une bonne personne, et ça, beaucoup l’avait oublié. Toutes ces femmes, tous ces hommes, que l’on voyait à la télé avec une plastique « irréprochable », avaient détruit tout ce qu’il y avait de beau chez eux. La chirurgie esthétique amochait plus qu’elle n’embellissait. Le pire c’est que je ne comprenais pas pourquoi certaines personnes retouchaient leur nez, après ils ressemblaient à Vol-de-mort, c’était vraiment affreux. Bien sûr, la chirurgie était parfois essentielle pour les grands brulés, les accidentés, etc.

Rallyeso, ne l’entendait pas de cette oreille, elle m’avait dit que le regard de Dano avait changé lorsqu’il m’avait vu habillé, comme… une fille, disait-elle. Elle avait entièrement raison, depuis cet épisode avec Apollon, Danaos avait changé de comportement envers moi. Il me faisait des compliments, me serrai dans ses bras, m’embrassait les joues, on aurait dit un amoureux transi. J’avais des papillons dans le ventre rien qu’en y pensant car pas plus tard qu’hier il avait failli m’embrasser. Nous étions tous les deux seuls dans le couloir du labo de chimie et ses lèvres avaient lentement amorcées leur descente vers les miennes, mais la sonnerie l’avait interrompu. Il avait rougi et j’avais fait pareil et nous nous étions séparés sans en parler.

D’ailleurs, en pensant à Apollon, j’avais raconté à mes amis ma mésaventure avec Artémis. Ils étaient tous deux catégoriques, je ne devais pas m’en faire, cependant j’avais vu une lueur d’inquiétude dans leur regard. Ils étaient aux faits de tout ce qui touchait aux divinités, vu qu’ils leur arrivaient d’en côtoyer, contrairement à moi. Danaos avait juré qu’il ne m’arriverait rien, qu’il était là pour me protéger, Rally avait fait de même.

Je ne l’avais pas caché bien longtemps à Décerto, elle devait savoir que j’avais rencontré les jumeaux maléfiques, comme elle les appelait, Artémis et Apollon. Vous vous en douterez, elle avait piqué une crise d’hystérie, mais s’était bien vite calmée lorsque je lui avais expliqué que la reine de la chasse, m’avait pris pour ma mère et que le roi du soleil, n’avait pas su le déterminer. Pour Décerto, cette malédiction était nulle et non avenue, puisque Artémis avait maudit Astérope, pas moi Hestia. Cela m’avait rassurée, même si tout au fond de moi j’appréhendai.

Plus aucunes déités n’avaient croisé ma route, à mon grand regret, car mon père me manquait. Je poussai un gémissement intérieur, je détestai cette situation. Ne pas le voir était insoutenable. Les humains pensaient qu’il était colonel dans l’armée américaine, si seulement ils savaient, ils fuiraient tous.

Une gomme atterrit soudainement sur le banc et me sortit de mes pensées.

—Alors ? me questionna Rallyeso.

Ah la séance de shopping, je la fusillai du regard et hochait la tête en signe d’assentiment. Elle tapa dans ses mains toute contente que j’ai accepté. Estelle qui était assise juste en face d’elle se retourna brusquement et cracha :

—J’essaie de me concentrer là ! Tu devrais faire pareil tes notes ne sont pas fameuses !

Un sourire mesquin marquait son visage faisant ressortir ses yeux porcins. C’était vraiment lâche d’insulter Rally de la sorte, on ne pouvait pas être excellent dans toutes les matières et les mathématiques étaient la bête noire de la nymphe.

—Eh la mytho, retourne curer ton nez et fiche lui la paix, répliquai-je outrée. Ah et n’oublie pas que c’est toi au dernier contrôle qui a eu un F-, alors te la ramène pas, Rallyeso a eu B+.

Eh toc, dans tes dents d’éléphants, elle l’avait bien mérité. Mon amie arborait un grand sourire qui illumina toute la classe. Etant plutôt doué en math, je la faisais réviser pour qu’elle remonte sa moyenne et ses efforts avaient porté leur fruit. Estelle était une sale jalouse, elle avait la chance d’avoir sa mère dans le corps enseignant, il s’agissait de Mme Cavalier la prof d’histoire et elle était très amie avec Mme Playtein. Cette dernière ne reprochait jamais rien à Estelle, elle lui mettait toujours la moyenne, c’était tout bonnement injuste, mais ainsi allait le monde.

—Hestia et Rallyeso, je vois que le cours ne vous intéresse pas ! Vous irez toutes les deux en retenues demain après-midi, fulmina notre enseignante.

Estelle jubilait, tout ça c’était à cause d’elle et de sa grande gueule. Mes mains crépitaient dangereusement, et menaçaient d’envoyer valser cette peste au travers de la fenêtre. Rally percevant les effluves magiques que je dégageais, m’envoya une caresse par le biais de son pouvoir : l’air. J’inspirai et expirai lentement et parvins à contrôler mes pouvoirs. Hors de question d’être puni, alors qu’on avait rien fait de mal.

—Madame, je suis désolée, mais vous avez omis de citer le nom d’Estelle, elle aussi est concernée, ripostai-je innocemment. En plus, nous suivions le cours, je peux vous donner la réponse à l’exercice qui figure au tableau, si vous le voulez.

Elle me regarda d’un air furibond, on aurait dit un bulldog, mais pour faire bonne mesure elle me susurra mielleusement :

—Dans ce cas mademoiselle Ell’s le tableau est à vous ! Expliquez à vos camarades votre résonnement, si par malheur vous ne trouvez pas la bonne réponse vous et Mademoiselle Pane resterez après les cours pendant un mois.

Je plaquai un rictus aimable sur mes lèvres et pris la direction du tableau. J’entendis des ricanements moqueurs dans mon dos, bande d’imbéciles. Ils croyaient que j’allais me vautrer, ce qu’il ne savait pas, c’est que je pouvais avoir facilement vingt en mathématique, toutefois l’étiquette d’intello, je n’en voulais pas, j’avais déjà celle d’alien. Je me saisis d’une craie blanche et résolu facilement l’exercice, il suffisait d’appliquer la formule.

—C’est exact Hestia, vous avez eu de la chance, cette matière n’est pas très compliquée. La prochaine fois, je serai moins clémente, m’avertissa-t-elle.

Elle disait cela pour déculpabiliser, et je retournai à ma place la mine réjouie fière de cette victoire. Playtein 0- 1 Hestia

En passant devant Estelle, je lui adressai un regard moqueur, elle m’avait cherché et elle m’avait trouvé. Game over face de raton laveur.

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