Le cri de l'homme

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Les seuls moments où elle ressentait de la haine, c’était lors de la chasse à l’homme. Sinéphie de Mélorgia était d’une personnalité plutôt calme et pacifique mais lorsqu’il s'agissait de corriger des êtres humains, elle était témoin d’une métamorphose. Son peuple sait ce qu'elle incarnait : la puissance et la patience. L’événement de l’année était enfin arrivé. Dans quelques heures, le peuple serait rassemblé dans l’immense arène mélorgiane pour admirer les futures affranchies à l’action. La chasse à l’homme faisait la fierté de sa cité et le contentement des citoyennes. Bien entendu, les hommes étaient conviés et avertis s’ils venaient à fauter. Grâce à cela, le taux de criminalité avait considérablement baissé. Réussirait-elle un jour à bâtir une ville entièrement sécurisée et débarrassée de criminels masculins ?

-Sagesse ?

Elle ferma les yeux en reconnaissant la voix rassurante de ma cheffe de guerre, Alix Piégère. Elle perçut le long sifflement de sa gorge dû au récent entraînement dans la cour intérieure. Alix n’était pas la plus endurante de mes chevaleresses mais je pouvais compter sur ses stratégies audacieuses et son sens de l’organisation. A l’origine, Alix n’était pas du tout prédestinée à être mon bras droit, elle avait combattu et continuait toujours à se battre pour préserver sa place. Et elle la méritait.


-Ca n’est sans doute pas le bon moment pour venir te parler, dit prudemment la jeune femme. Je repasserai.


-Reste. Tu ne me dérange pas.


Sinéphie se retourna vers elle. Elle admira au passage ses longs cheveux noirs, sa peau mate brillante de sueur et sa poitrine se soulevant à chacune de ses paroles. Elle n’osait pas soutenir son regard. Elle l’aimait bien et dans peu de temps, elle deviendrait plus importante que cela.


-Comment vont les biches ?


-Blanche de Catré m’a demandé de vous apporter un message de la plus haute importante. Elle en a repéré une et aimerait vous la faire…partager.


-Il n’y avait nul besoin d’aller la prévenir, je suis ici !


Alix grimaça en voyant débouler sa rivale. Depuis leur première entrevue, les deux chevaleresses se détestaient à tel point qu’elles se querellaient à longueur de temps pour n’importe quel sujet concernant la Sagesse. Eternelle provocatrice, Blanche de Catré l’ignora royalement, repoussa crânement sa chevelure flamboyante et sans gêne, vint la saisir par la taille.


-J’avais un urgent message à transmettre à notre Sagesse mais je crains qu’il ne soit trop tard.


-Je venais simplement discuter avec elle, rétorqua Alix, piquée au vif. Mais je vais vous laisser là. Au revoir Sagesse.


*


Il ne savait pas depuis combien de temps il courrait. Mais c’était déjà la fin. La lame tranchante s’enfonça dans la chair froide et tremblante, transperça le cœur épuisé et ressortit de l’autre côté. Ses yeux s’entrouvrirent de surprise. De sa bouche sèche, s’échappa un mince filet de sang rouge qui s’écoula sur sa chemise déchirée. Il se sentit partir en avant, ses genoux s’effondrèrent lourdement sur le sol glissant. Son pâle regard supplia le Ciel de l’épargner de cette douleur qui le frappait à la poitrine. Le poignard était passé entre les côtes, l’empêchait de respirer. Il suffoqua, cracha des bouillons de liquide noir mélangé à la bile. Depuis combien de temps n’avait-il pas avalé un morceau ?

Réunissant ses maigres forces, il joignit ses deux mains égratignées et creusées de blessures. Sous ses murmures, le sang continuait à affluer. Il ne regrettait rien. Il avait servi les plus grands seigneurs et réussi un bon nombre de missions. Il aurait aimé périr dans des conditions plus glorieuses. Ces maudites chevaleresses avaient réussi à prendre une importante cité dominée par le religion octroyonne. Le seigneur Ambroise d’Octroyon se chargerait de les brûler vives. Il ferma les yeux et laissa les gouttes de pluie froides dégouliner sur ses paupières. Etrangement, la main assassine ne retirait pas la terrible lame.

L’homme sentit une présence et attendit.

Le froid transitait ses membres, la boue s’engouffrait dans ses guenilles, la Faucheuse ne tarderait pas à prendre son âme.

Puis une douleur affreuse, lancinante dans le dos.

L’homme hurla mais étouffé par le sang, il vomit sur le sol.

Ce fut une pluie de poignards qui s’enfoncèrent dans le cadavre de la proie, attaquant les côtes, le bas du dos, le ventre. Sa vue s’amenuisa, il ne vit que les ténèbres s’affaisser sur lui.

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