Laisse à tes actions le soin de te louer

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 Les regards sont braqués sur moi. Ils me fixent, m'observent, me jugent et m'analysent de la tête aux pieds. Je ne fais pas partie des asociaux qui ont une phobie sociale, donc je ne suis pas dérangé par le regard des autres. Je n’aime juste pas attirer l’attention sur moi. Il va falloir que je fasse vite…

Je m’avance vers le milieu de la salle. Les chuchotements dans mon dos sont nombreux.

  • Regarde-le…
  • C’est lui le roturier ?
  • Regarde ses vêtements, il vient en haillons, c’est une honte !

Il y a deux Nakashima Aiko. Une en chair, et une en or : je préfère largement l’originale… Je devine tout de suite que cette statue qui doit coûter une fortune est un cadeau de cet étrange énergumène qui m’avait abordé tout à l’heure. Il s’approche d’ailleurs de moi.

  • Salute messer Yamatori ! Je vois que tu n’as pas eu peur de venir !
  • Peur ? Pourquoi donc ?
  • C’est simple ! Tu es un roturier, tu n’as pas ta place here !
  • Ah… Ouais, ouais, je vois…
  • Tu as ramené un cadeau pour my dear Aiko ?
  • Ouais, ouais…
  • Tu ne pourras NEVER faire aussi bien que moi !
  • Hein, pourquoi ? Ton cadeau est pas si bien que ça, tu sais…

À ces mots, l’ensemble des invités s’indigne, tandis que je continue.

  • Ce n’est pas parce que ton cadeau est cher qu’il est bien… Et puis la statue, où crois-tu qu’elle va la mettre ? C’est beaucoup trop embarrassant un cadeau comme ça… À mon avis il vaut mieux qu’elle la fasse fondre pour revendre l’or… expliqué-je d’un ton narquois.

La mère de Nakashima pouffe silencieusement de rire. Elle a l’air d’avoir aimé que je remette le jeune arrogant à sa place.

  • What ? Alors ton cadeau est better, si je comprends bien ?

Je l’ignore puis m’avance vers l’estrade où se trouve Nakashima et ses parents.

  • Aiko, désolé mais ton cadeau n’est en fait pas que pour toi.
  • Hein ? me répond la jeune fille étonnée, et c'est quoi ces vêtements et ces bleus partout ? Tu vas bien ?
  • Une chose à la fois… réponds-je agacé par ses questions.

Je me tourne alors vers sa mère. Elle a l’air surprise.

  • Madame, j’ai bien vu que vous ne me portez pas dans votre cœur, et à vrai dire je m’en fiche, mais ce cadeau est aussi pour vous.
  • Quoi ? Comment ça ? répond-elle incrédule.

Un léger sourire en coin éclaire mon visage et je me retourne, avant d’appeler celui qui se trouve derrière la porte.

  • Vous pouvez entrer, Monsieur Kazunaga.

À peine ai-je prononcé ce prénom que Nakashima et sa mère se lèvent de leur chaise. Je m’écarte pour les laisser voir le vieil homme rentrer dans la salle. Ce dernier s’avance en se grattant la tête et en souriant. Toute la salle reste bouche-bée.

  • Euh… Bonsoir tout le monde ! dit-il joyeusement.

 Nakashima n’en croit pas ses yeux, elle les plisse et se donne de légères tapettes au visage pour vérifier qu’elle ne rêve pas. Sa mère, elle, reste longtemps immobile puis, peu à peu, les larmes coulent à flots sur son visage. Les deux Nakashima se ruent alors en direction du grand-père avant de sauter à son cou. Elles se mettent toutes les deux à pleurer de toutes leurs forces.

 Après avoir repris ses esprits et lâché son père, Nakashima Murasaki se dirige vers moi. Arrivée à ma hauteur, elle me fixe quelques secondes dans les yeux. Les siens sont remplis de larmes. Un sourire magnifique orne son visage. Pour la première fois, c’est une vraie expression de bonheur qu’elle affiche. Ensuite, sans crier gare, elle m’agrippe rapidement de toutes ses forces. En posant sa tête sur mon épaule, elle me remercie.

  • Merci, Yamatori, je t’ai mal jugé, merci, merci, merci, merci…. merci !!!

  Elle ne veut plus me lâcher, malgré mes efforts pour m’extirper de son étreinte. Sa fille nous rejoint alors et me serre aussi dans ses bras pour me remercier. Le président, qui était resté silencieux jusqu’à maintenant, vient aussi se rajouter. Avec ses longs bras il nous entoure pour tous nous enlacer en même temps. J’étouffe, c’est très désagréable…

 Lorsqu’ils se sont calmés et m’ont enfin relaché, j’ai pu respirer. Kazunaga s’approche de nous et les deux Nakashima l’enlacent encore une fois. Il faut dire qu’elles pensaient qu’il était mort, il est donc normal qu’elles aient une telle réaction. J’en profite pour m’éclipser de la salle. Ce sont des retrouvailles de famille, je n’ai pas besoin de les déranger.

 Les invités suivent mon exemple et s’en vont peu à peu, émus par ce spectacle. La famille Horikawa reste donc seule dans la salle et discute pendant un long moment. Pour ma part, je me contente de m’asseoir sur une marche d’escalier à l’entrée et je fixe le ciel étoilé, profitant de la brise calme de la nuit.

Pourquoi ai-je voulu les aider à ce point ?

C’est une question à laquelle je n’ai toujours pas de réponse. Mes muscles crient de fatigue et mes vêtements sont en lambeaux. Vraiment… Je ne sais pas ce qui m’a pris…

 Je suis longtemps resté dans ce calme que je n’ai pas retrouvé depuis longtemps. Le vieux Kazunaga a raconté toute l’histoire, du début à la fin. Le président a appelé son unité de protection, sa police personnelle, qui a emmené les pêcheurs tout droit vers la case prison. On m’a beaucoup remercié, ce à quoi je n'ai pas répondu ou très peu. La mère de Nakashima a retrouvé un sourire naturel. Désormais, elle ressemble énormément à sa fille, comblée de bonheur. Elle semble aussi avoir changé d’avis sur moi et ne cesse de me faire des louanges. On m’a offert des vêtements de rechange et j’ai pu me laver. Au moment de se coucher, la bonne humeur était palpable même dans le silence de la nuit. J’ai fait une bonne action, je crois…

***

 Le lendemain, c’est le jour où je dois rentrer chez moi. Nakashima reste jusqu’à la fin des vacances pour profiter des retrouvailles avec son grand-père. La petite famille insiste pour que je fasse de même, mais je refuse : j’ai des vacances à passer au calme dans ma chambre. C’est ainsi que l’heure de se quitter a sonné. Kazunaga est le premier à me dire au revoir, suivi des deux Nakashima. Horikawa est le dernier.

  • N’empêche, c’est étrange que tu aies accepté de venir !
  • C’est à cause de votre stupide règle… Ajouter des cours pendant les vacances, quelle idée…
  • Ah, ça ? C’était complètement faux, juste une excuse que j’ai inventé pour que tu viennes, et ça a marché !

Quel fourbe… Ces gens ne cesseront jamais de s’immiscer dans ma vie pour m’empêcher d’être tranquille...

  • À bientôt, Yamatori, on se reverra sûrement dans la Cité Étudiante ! Tu seras toujours le bienvenu ici, tu fais partie de la famille maintenant ! dit-il en m'assénant une tape amicale dans le dos.

À ce moment précis, quelque chose d’improbable arrive : un liquide coule sur mes joues, pendant que je fixe le président d’un regard vide. Ce liquide, il s’agit de larmes. Oui, des larmes coulent. Je pleure. Pourquoi ?

  • Yamatori, tu pleures, ça va ? s’inquiète Nakashima.

Je reprends mes esprits et m’essuie rapidement les yeux.

  • Ah… C’est rien, j’ai juste eu une poussière dans les yeux… Allez, au revoir…

Je pars donc de manière précipitée sans comprendre ce qui m’arrive.

Sur tout le trajet du retour, et durant tout le reste des vacances d’été, cette image ne m’a plus quitté. Moi, pleurer ? Impossible.

Alors...

Pourquoi ?

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