La gentillesse est la forme la plus aboutie de la malice

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 Les vacances sont terminées. Elles sont passées vite, trop vite. À la rentrée, tous les étudiants avaient l’air heureux de se retrouver. Comme à l’accoutumée, le lycée est joyeux et plein de vie. Malheureusement, un léger souci m’est arrivé : la disposition de la classe a changé, et cette fois-ci, elle a été imposée. Ainsi, à cause de cette professeure qui fait tout pour me nuire, je me suis retrouvé juste devant le tableau, et pour couronner le tout, Nakashima est à ma droite et Fuyuno à ma gauche. Je ne peux plus me cacher derrière quelqu’un pour dormir, et je suis obligé de supporter les conversations de Nakashima…

 Depuis que j’ai quitté le domaine Horikawa, mon esprit n’est plus là, il est ailleurs. Pourquoi ai-je presque risqué ma vie pour de simples inconnus ? Certains diront juste que je suis gentil, mais non. Ce n’était pas de la gentillesse. D’ailleurs, la gentillesse n’existe pas, ce n’est rien d’autre qu’un mensonge. Quelqu’un de gentil l’est uniquement pour lui même. En faisant des bonnes actions, on se conforte dans l’idée qu’on est une bonne personne. Oui, c’est de l’auto-satisfaction. Par exemple, Arima est souvent qualifié de bienveillant, mais il n’aide les autres que parce qu’il ne supporte pas de les voir en difficulté. C’est seulement pour apaiser son esprit qu’il apporte son secours. Les gens ne sont gentils que par intérêt. Voilà pourquoi ce n’est pas la gentillesse qui m’a poussé à aider la famille de Nakashima, car je n’avais aucun intérêt à le faire. Je suis le plus grand des menteurs, des misanthropes et des flemmards, la gentillesse n’est de toute façon pas un mot qui pourrait me qualifier.

 Mes voisines de table ont souvent remarqué que j’étais dans la lune, pensif, prêtant encore moins attention à ce qui m’entoure que d’habitude. Nakashima et Kagami m’ont parfois demandé ce qui n’allait pas, mais elles n’ont jamais récolté de réponse. Fuyuno quant à elle, n’a jamais rien demandé, et ne m’a pas parlé une seule fois depuis la rentrée. Lors du premier jour, elle est arrivée en cours avec plusieurs pansements un peu partout sur le corps. Elle n’a jamais donné de raison à cela.

 C’est donc ainsi que nous sommes arrivés à la fin du mois d’octobre. Le lycée n’a jamais été aussi actif et bruyant, et pour cause, le Festival de la Culture se déroule dans une semaine. Ainsi, on peut voir des banderoles, des décorations, des affiches, et énormément d’autres fioritures qui ornent l’établissement. Le Festival n’est rien d’autre qu’une sorte de fête que les étudiants organisent eux-même du début à la fin. Elle a pour but de montrer le potentiel des élèves qui exposent leurs créations, ou qui font des spectacles avec leur club ou leur classe. N’importe quel lycéen dira que c’est le meilleur moment de l’année, mais ce n’est pas mon cas. Tout ce que je désire, c’est être tranquille pour mieux me reposer dans ma chambre, surtout en ce moment : je ne suis pas d’humeur.

 Aujourd’hui est un jour spécial. En effet, ma classe a décidé de présenter une pièce de théâtre. Non, ce n’est pas « Roméo et Juliette », comme tous les clichés l’auraient laissé supposer, mais une autre pièce écrite par un élève du club de théâtre. C’est donc aujourd’hui, à la fin des cours, que les rôles doivent être attribués. Kagami, la déléguée, encadre la réunion et fait son travail avec beaucoup de sérieux.

  • Bien, nous allons commencer la réunion concernant l’attribution des rôles, qui est volontaire ?

Au moment même où elle finit sa phrase, je me lève, les mains dans les poches, avec un regard vide.

  • Quoi ? Tu es volontaire ? demande la déléguée étonnée, presque choquée.
  • Arrête de dire n’importe quoi… Je me tire, j’ai autre chose à faire que de participer à cette pièce débile… réponds-je en la regardant fermement dans les yeux.
  • Je… Je vois…

Je quitte alors la salle lentement. Derrière moi, je peux entendre des chuchotements.

  • Pfff… vraiment idiot celui-là…
  • Il s’appelle comment déjà ?
  • Je sais pas, c’est ce gars bizarre qui parle jamais…

Je n’ai que faire de ces paroles. Elles ne m’atteignent pas. Je referme la porte derrière moi et me dirige donc vers le dortoir pour rejoindre ma chambre.

Malheureusement, l'accès est bloqué par une jeune fille qui pointe un sabre en bambou vers moi. Ses yeux marron clair me fixent avec sévérité et un sourire fier éclaire son visage. Elle baisse son épée puis avance lentement vers moi. Ses cheveux noirs parsemés de mèches blondes sont attachés en queue de cheval et flottent au gré de la brise. On croirait voir un brasier sur sa tête. Une fois arrivée à ma hauteur, elle se décide enfin à parler.

  • C’est toi, Yamatori Kei ? Je te cherchais.
  • À qui ai-je l’honneur ? demandé-je machinalement.
  • Je m’appelle Hinokuni Noko.

Ce nom ne m’est pas inconnu. Il s’agit de la Présidente actuelle du Conseil des Étudiants du Lycée Nishi. Elle s’est notamment démarquée par le fait qu’elle ait pu accéder à ce poste alors qu’elle est en première année. Confiante et responsable, elle a su obtenir la confiance des élèves et des professeurs.

  • Bon, qu’est-ce que tu me veux ? demandé-je fatigué.
  • Je cherche quelqu’un pour m’aider dans le cadre d’une réunion pour organiser le Festival, et mon choix s’est porté sur toi !
  • Pourquoi moi ?
  • Kagami m’a dit que tu es compétent.
  • Kagami… Sale traîtresse… pensé-je à voix haute.
  • Non non non ! C’est juste que je ne voulais pas Fuyuno donc j’ai tiré les vers du nez à Kagami pour me dire qui est compétent dans la classe !
  • Espèce de sadique…
  • Alors tu veux bien ? demande-t-elle avec un grand sourire.
  • Même pas en rêve.
  • Quoi ?! Mais pourquoi ?
  • Tu as vraiment cru que j’allais me fatiguer à faire ça ?

Je commence alors à m’en aller. La jeune fille me bloque le passage avec son sabre.

  • Tu n’as pas le choix, en fait.
  • Et sinon quoi ?
  • Je suis la Présidente du Conseil des Étudiants, tu sais, tu peux avoir de gros malus…
  • Je m’en fiche.

Je m’éloigne, quand tout à coup elle hausse un peu plus la voix pour que je l’entende encore plus.

  • Dans ce cas, faisons un duel !
  • Pardon ? m’étonné-je.
  • J’ai observé tes appuis pendant le tir à la corde du tournoi de sport. Tu as déjà pratiqué les arts martiaux, n’est-ce pas ? Dans ce cas, fais un duel de Kendo* contre moi et si tu gagnes je te laisse tranquille.
  • Rien ne m’oblige à accepter…
  • Kagami m’a dit que tu ne veux pas attirer l’attention sur toi… Sache que si tu refuse ce duel je parlerai à tout le monde de tes capacités...
  • (En soupirant) Bon… J’ai pas le choix… Réglons ça vite fait…
  • Génial ! Prépare-toi à perdre !
  • Mais oui, c’est ça…

Hinokuni Noko est aussi la présidente du club de Kendo. Même ses camarades de troisième année plient devant sa puissance, dit-on. Pour être en même temps à la tête du Conseil des Étudiants et d’un club en Première année, cette fille n’est pas normale, c’est certain… Quoi qu’il en soit, je n’ai d’autre choix que de la suivre vers le dojo où je compte bien la vaincre pour qu’on me laisse enfin en paix.

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