Tout est bien qui finit mal (partie 6)

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Lola voulut ouvrir les yeux mais l'effort était trop grand. Au travers de ses paupières closes, elle apercevait pourtant une lueur éclatante. Une sensation d'engourdissement, d'apesanteur la plongeait dans une léthargie d'un blanc immaculé.

Était-elle passée de l'autre côté ? Suis-je morte ? se demandait-elle.

Tous ceux qui étaient revenus du « grand voyage » décrivaient une étrange lumière aveuglante les attirant comme un aimant vers un long tunnel.

Elle se laissa glisser dans cette quiétude bienfaisante qui l'envahissait. Plus de coups ! Plus de douleur ! Elle n'avait plus peur ! D'ailleurs, pourquoi aurait-elle eu peur ? Et de qui ? Elle se sentait si bien… si paisible… Mais alors, pourquoi des larmes coulent sur mes joues sans que je ne pleure ? s'inquiéta-t-elle alors qu'un message de souffrance bipa dangereusement dans ses méninges.

Soudain, elle se mit à trembler au souvenir de la volée de bois vert qu'elle avait reçue. Elle se réveilla en sursaut dans un cri de terreur, la respiration haletante. Tournant difficilement la tête, elle vit Cath qui lui tenait la main, le regard soulagé de son réveil.

— Chut… lui dit-elle en lui caressant la joue. Tout va bien, tu es à l'hôpital.

Lola avait la tête cotonneuse. Elle regarda autour d'elle. Elle aperçut Paul qui se tenait debout derrière sa femme. Il lui souriait paternellement. À côté de son lit, un moniteur branché à des électrodes surveillait ses constantes, des petits traits de lumière dansaient sur l'écran.

— Ils t'ont administré un antalgique pour que la douleur soit supportable. Le médecin va passer te voir, lui précisa Cath en la voyant grimacer pour se redresser dans le lit et la police doit repasser pour prendre ta déclaration. Kévin a fini la nuit en cellule de dégrisement. Bien qu'elle sache ce qui s'est passé hier, la police a besoin pour le coffrer, que tu déposes plainte pour coups et blessures…

— Je ne veux pas déposer plainte, balbutia Lola difficilement. Je n'aurai pas le courage d'affronter une procédure et un procès. Devoir me retrouver en face de lui, revivre ce moment horrible, raconter encore et encore toute cette horreur, sentir tous les regards poser sur moi et me faire placarder les mots « femme battue » sur le front, c’est au dessus de mes forces.

— Mais Lola ! Il a failli te tuer dans sa démence, s'indigna Paul. Il mérite d'être puni comme il se doit !

— Je le sais Paul ! Mais je ne peux pas… Je veux juste oublier… l'oublier et reprendre le cours de ma vie comme une personne normale… enfin presque normale. Une procédure judiciaire sera longue et je veux me reconstruire au plus vite et aller de l'avant…

Cath ne connaissait que trop bien ce genre de réaction après une agression. Presque toutes ses protégées faisaient le choix de se taire… par honte… par peur.

— Promets-moi au moins, de faire une déclaration des faits auprès de la police. Cela sera utile en cas de poursuites judiciaires si tu changes d'avis par la suite et le certificat médical du médecin sera une preuve matérielle indiscutable.

Son expérience sur le sujet, venait de se manifester.

— Oui… C'est promis Cath, la rassura Lola. Et encore merci à vous deux de m'avoir sauvée. Sans votre intervention, Kévin m'aurait tuée…

À cet instant, un médecin en blouse blanche entra dans la chambre. Après avoir salué d'un sourire franc sa jeune patiente, il nota sur sa fiche les données du moniteur. Avec professionnalisme, il lui fit ensuite, le rapport de son examen clinique qui était sans appel. Une description d'hématomes, d'ecchymoses, de bleus, de plaies, de côtes cassées et d'un léger traumatisme crânien donna la nausée à Lola. Il conclut sa visite en lui disant qu'elle restait en observation pour la nuit mais qu'elle pourrait rentrer chez elle dès le lendemain.

Son visage tuméfié se masqua de tristesse en entendant ces mots. Elle n'avait plus de « chez elle »… Qu'allait-elle devenir ?

« Où vais-je aller ? se demanda-t-elle à voix haute. Si seulement, j'avais gardé mon appartement. »

— Hey Lola… Tu n'es pas seule ! la consola Cath en tapotant le dos de sa main. On est là nous et tu vas venir vivre à la maison, le temps de ta convalescence. Hors de question de te laisser seule. Cela prendra le temps qu'il faudra… Puis Beth sera bientôt ici !

À l'évocation de ce prénom, le regard de la jeune femme s'illumina.

Cath poursuivit.

— Elle a rappelé sur mon portable pendant tu dormais. Elle était bouleversée après m'avoir écoutée lui raconter ce qui s’était passé pour ensuite être remontée comme une pendule. Elle m'a dit qu'elle arriverait demain à la première heure et elle t'embrasse très fort.

Cette bonne nouvelle amena un sourire, aussitôt transformé en grimace, sur les lèvres meurtries de Lola. Demain, sa meilleure amie sera près d'elle. Cette simple pensée lui réchauffait le cœur.

Il était tard, les époux Meyer rassurés sur son état prirent congé de leur protégée. Lola avait besoin de repos. Ils l'embrassèrent tendrement sur le front. Demain, ils la ramèneront à la maison.

Quelques minutes plus tard, une infirmière entra dans la chambre, elle vérifia la perfusion, y suspendit une poche d’antalgique puis ressortit après s’être enquise si la jeune patiente avait besoin de quelque chose. Diffusés par le goutte-à-goutte, les tranquillisants administrés grignotèrent les bords de sa conscience et Lola sombra rapidement dans un sommeil sans rêves.

*****

À son réveil, une douleur lancinante martelait toujours son crâne. La jeune femme porta sa main sur le bandage qui lui enveloppait la tête et grimaça. Elle se redressait péniblement contre la tête du lit de fer lorsqu'on toqua légèrement à la porte.

— Entrez !

Elle pensait qu'on lui apportait son petit-déjeuner mais la personne qui entra dans sa chambre fit bondir son cœur dans sa poitrine.

— Oh Beth ! Comme je suis contente de te voir, articula-t-elle d'une voix ténue. L'émotion était si forte que ses yeux se brouillèrent.

Beth faillit défaillir en découvrant son visage gonflé et couvert de bleus.

— Comment te sens-tu ? balbutia-t-elle, des sanglots dans la gorge.

— Hormis un mal de tête et des côtes cassées qui m'élancent quand je respire, ça peut aller. Je m'en sors pas trop mal, cela aurait pu être pire. Je sors aujourd'hui. Cath et Paul m'accueillent chez eux, le temps de me remettre.

— Oh Lola ! Je suis tellement désolée… murmura Beth alors que des larmes coulaient sur ses joues.

Elle s'approcha du lit. Les deux amies s'étreignirent à pleins bras. Elles pleurèrent longtemps blotties l'une contre l'autre. Beth s'en voulait tellement de n'avoir pas été là au moment où sa meilleure amie avait eu le plus besoin d'elle.

Lola la réconforta de son mieux.

— Tu n’as rien à te reprocher ma chérie. Tu as ta vie aussi et tout ce qui compte c’est que tu sois là maintenant à mes côtés. Avec Cath et Paul, j’ai les meilleurs amis au monde. Je ne demande rien de plus.

Beth hocha la tête en reniflant. Elle sera éternellement reconnaissante aux époux Meyer d'avoir sauvé la vie de Lola.

— Si j'avais ce salopard en face de moi, je lui flanquerais bien un royal coup de genou dans les burnes ! fulmina-t-elle. Comment est-ce possible qu'on ait rien vu ? Je le prenais pour un gars gentil, aimable alors que c'est une vraie ordure !

Lola sourit de ce portrait peu flatteur mais pourtant si proche de la réalité.

— Il nous a tous bernés ! Je m'en veux aussi de l'avoir laissé faire… Je m'en veux de ne t'avoir rien dit… Ce n'était pas la première fois, tu sais… J'aurais du partir dès la première gifle mais je l'aimais tellement ! J'étais si aveuglée et j'ai adopté une attitude de déni…

En entendant de la propre bouche de son amie que ce salopard avait déjà levé la main sur elle, Beth éprouva une forte pulsion à lui arracher les yeux.

— Il ne t'a jamais forcé, au moins ? s'inquiéta-t-elle. Dis-moi, je t'en supplie, qu'il ne t'a jamais violée…

Lola secoua la tête de gauche à droite et Beth ferma les yeux en soufflant de soulagement.

À cet instant, une infirmière entra dans la chambre. Elle vérifia la température et la tension artérielle de sa patiente qu'elle nota sur sa fiche. Puis elle lui apprit que le médecin devait passer en fin de matinée avant de signer l'autorisation de sortie avant de rajouter dans un sourire apaisant :

— Il y a deux policiers qui désirent vous parler… Vous vous sentez assez bien pour leur répondre ?

Lola opina du chef bien que terrorisée à l'idée de revivre son calvaire. Mais il fallait qu’elle exorcise ce moment pour aller de l’avant.

Faire sa déclaration des faits lui fut insoutenable mais grâce à la présence de son amie à ses côtés, elle parvint à aller au bout de son récit, sans s'effondrer.

Les policiers désapprouvèrent son intention de ne pas porter plainte… Sentiment que partageait Beth qui tenta de la faire changer d'avis. Plus que tout, elle désirait voir cette ordure derrière les barreaux. Il y avait assez d'éléments à charge pour le mettre hors d'état de nuire à nouveau. Mais malgré tout, Lola campa sur ses positions au grand dam de son amie. Kévin sera donc gardé dans sa cellule le temps de sa garde à vue.

— Bien ! Comme vous voudrez ! statuèrent les deux hommes en uniforme. À votre sortie, pensez à venir au commissariat, signer votre déclaration.

Lola acquiesça.

Les forces de l’ordre prirent congé au moment où Cath et Paul arrivèrent.

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