Un prince pas si charmant (partie 3)

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La jeune femme avait beaucoup de mal à lui parler alors que lui, faisait son possible pour que leur couple retrouve la sérénité et la chaleur d'avant. L'espace d'un court instant, elle se sentit fautive de sa passivité face à la situation… Mais comment pouvait-il en être autrement ? La douleur était si fraîche.

Elle se leva et emmena son plateau vide à la cuisine.

— Tu veux manger dehors ou à l'intérieur ? l'interrogea Kévin tandis qu'elle déposait sa tasse dans le lave-vaisselle. Il leva son regard vers elle en continuant de tourner sa cuillère dans la casserole.

— Euh… sur la terrasse… si tu veux bien, hasarda-t-elle, peu sûre de sa voix. Le temps est magnifique…

— Parfait ! se contenta-t-il de répondre avant de retourner à la préparation de sa sauce.

Lola se rendit compte que tout son corps s'était raidi, rien qu'au son de sa voix. Elle s'en voulut une fois de plus de sa réaction.

Elle l'observa quand même à la dérobée. Il était rasé de près et les effluves délicats de son eau de toilette lui parvenaient. Sur un pantalon de toile, sa chemise de lin entrouverte laissait deviner son torse puissant. Il est beau comme un Dieu ! ne put-elle s'empêcher de penser.

Ressentant une intrusion sur sa personne, Kévin releva la tête et la tourna avec grâce dans sa direction. Un sourire ensorcelant ourlait ses lèvres. Mal à l'aise, Lola détourna aussitôt le regard.

Tentant de faire bonne figure, elle entreprit de dresser la table. Elle emporta nappe et couverts sur la terrasse.

Allongée sur le transat, Lola profitait du soleil quand la voix de Kévin la fit sursauter.

— Si tu veux manger, c'est prêt !

Il était quatorze heures, son estomac reprenait son rituel et il criait famine.

Durant le repas, la jeune femme ouvrit à peine la bouche, sauf pour se nourrir des plats délicieux préparés par Kévin. Elle se contenta de l'écouter et de hocher la tête de temps en temps. Il lui parla de tout et n'importe quoi, de la pluie ou du beau temps. Il s’efforçait, tant bien que mal, de combler ce silence embarrassant qui s'était installé entre eux. Lola remarqua aussi qu'il n'avait bu qu'un seul verre de vin. Et ce détail, non seulement la réconforta mais la conforta dans la promesse qu'il lui avait tenue au lendemain de l'accident.

Ils débarrassèrent la table et firent la vaisselle dans ce même silence oppressant.

— Tu veux sortir ? Tu veux qu'on aille se promener avec ce beau temps ? lui proposa-t-il à brûle pourpoint, alors qu'il rangeait la dernière assiette dans le placard.

— Je suis un peu fatiguée… Je préfère rester à la maison. Je vais m'allonger sur la terrasse avec un bon livre.

— Comme tu voudras ! No souci pour moi. Je vais regarder la télé pendant que tu te reposes.

Lola le remercia d'un sourire de sa sollicitude. Elle se dirigea vers la chambre, récupéra son livre de chevet et son lecteur MP3 tandis que Kévin se vautrait sur le canapé. En traversant le salon, elle lui jeta un regard en coin, il semblait passionné par une émission sportive. Une fois de plus, sa beauté nonchalante accrocha ses yeux.

La jeune femme s'installa confortablement sur le bain de soleil à l’ombre du parasol, vissa les écouteurs sur ses oreilles, monta le volume et se plongea dans sa lecture.

*****

Kévin s'approcha à pas de loup du transat où Lola s’était endormie. Il se tint debout un long moment à la contempler, incapable de détacher son regard de ce corps qui le troublait jusque dans sa chair… Elle était si belle ! « Une Belle au Bois Dormant que je réveillerais bien d'un seul baiser », se dit-il. Il en mourrait d'envie mais n'en fit rien. Il expira bruyamment puis pressa fortement ses paupières pour s'arracher à cette pensée douloureuse. Il se contenta d'enlever, avec beaucoup de précaution, le livre resté ouvert sur la poitrine de sa bien-aimée et de le poser silencieusement sur la table basse à côté du bain de soleil.

À cet instant, Lola ouvrit les yeux et poussa un cri de surprise en le voyant penché au dessus d'elle.

— Tu m'as fait peur, articula-t-elle, posant une main sur son cœur battant.

— Désolé ! Je ne voulais pas te réveiller, s'excusa l’homme d'une voix triste.

Son visage s'assombrit, Kévin baissa la tête puis partit s'asseoir sur une chaise à quelques pas d'elle.

— ça va là ? Je suis assez loin de toi… Tu n'as plus peur ?

Son regard était blanc, sa voix insipide. Lola ne distinguait aucun trait de colère sur son visage, pas l'ombre d'une explosion de violence à l'horizon. Rien ! Juste l'image d'un homme dépité.

Il resta assis, les bras croisés sur son torse à scruter un point dans le néant, droit devant lui.

Réfugiée dans son mutisme, la jeune femme lui jetait quelques coups d'œil. Il était comme absent, vidé de toute vie... vidé de sa substance. Il semblait si malheureux, si anéanti, si désespéré qu’elle ressentit l'envie de le bercer dans ses bras, comme elle aurait cajolé un enfant… Son enfant qu'elle avait perdu.

Elle se mordillait la lèvre nerveusement tout en l'observant à la dérobée. Kévin n'avait pas cligné des yeux une seule fois. Lola eut de la peine pour lui et son cœur se pinça.

Elle n’avait pas vraiment peur, elle se sentait juste angoissée. Une boule se forma dans sa gorge, elle avala sa salive avec difficulté. Elle prit une profonde inspiration pour se donner du courage puis se leva et s'approcha de lui. Décidée à se débarrasser de cette appréhension qui l'empêchait d'avancer vers la réconciliation ou tout du moins, dans l'immédiat, l'atténuer, elle s'assit sur ses talons, à ses pieds. Les battements de son cœur pulsaient jusque dans ses tempes, guettant une quelconque réaction. Prostré, Kévin ne réagit pas. Hésitante, Lola posa délicatement sa tête sur ses genoux. Elle n'ouvrit pas la bouche mais ferma les yeux et attendit avec appréhension un geste de lui.

De longues minutes passèrent ainsi, sans que ni l'un ni l'autre ne bougent. Soudain, Kévin immergea du brouillard épais dans lequel il était plongé et revint à la réalité. Surpris, il baissa un regard hagard sur cette chevelure soyeuse. Un voile humide dans les pupilles, il approcha une main tremblante avant de se raviser, ne sachant pas s'il faisait bien. Finalement, il ne put résister et caressa doucement ses cheveux d'un geste tendre et paternel, éprouvant un immense soulagement en constatant que Lola acceptait son contact. Depuis le fâcheux « accident », c'était la première fois que la jeune femme l'autorisait à la toucher. Il pensait douloureusement que cela ne reviendrait jamais… Que plus jamais il ne pourrait serrer ce corps contre lui et il savait, aussi sûrement qu’il puisse l’être, qu'il était incapable de survivre sans elle.

Kévin expulsa fortement l'air contenu dans ses poumons, ses lèvres se mirent à trembler et des larmes silencieuses coulèrent sur ses joues lorsqu'il ferma les paupières.

— Merci… souffla-t-il d'une voix émue. Si tu savais combien je t'aime fort…

— Je le sais Kévin, lui répondit simplement la jeune femme sans lever la tête. Je t'aime aussi.

Ils venaient de franchir une première étape, Lola avait fait un pas décisif envers lui. Elle était consciente qu'il leur faudrait encore du temps pour retrouver entièrement la complicité d'avant dans leur couple mais elle savait, aussi sûrement qu'elle puisse l'être, parce qu'elle le sentait au plus profond de son cœur, que l'amour était toujours aussi fort entre eux… L'amour ne les avait pas désertés, il suffisait juste d'une étincelle pour qu'il brille à nouveau et les éclabousse de ses bienfaits.

Les heures s’écoulèrent. Ils restèrent ainsi, sur la terrasse sans se dire un mot de plus. Respectivement perdus dans leurs pensées, le brouhaha de la circulation leur parvenait en sourdine, n’altérant en rien le calme de cette fin de journée. Le soleil entamait doucement sa descente derrière les immeubles, plongeant peu à peu la terrasse dans l'ombre.

Un vent léger se leva et fit frissonner Lola.

— Tu as froid ? Tu veux rentrer ? l'interrogea Kévin.

La jeune femme opina d’un signe de la tête. Rester assise dans cette position l'avait ankylosée, une invasion de fourmis parcourait ses jambes. Il l'aida à se mettre debout et l'accompagna à l'intérieur.

Dans le salon, Kévin mit un CD dans le lecteur afin de détendre l'atmosphère. Les accords de musique léchèrent les murs, agissant comme un anti stress sur Lola. Petit à petit, la jeune femme se décontracta, se laissant envahir par la mélodie.

Après s'être assuré qu'elle était bien installée, Kévin partit à la cuisine. Il prépara quelque chose de vite fait, ni l’un ni l’autre n’avait guère d’appétit. Ensuite, il revint bien vite auprès de son aimée en prenant place juste à côté d’elle. Lola ne savait pas trop quoi lui dire et quelle attitude adopter. Elle voulait tellement pouvoir passer à autre chose… Elle voulait tellement que tout redevienne comme avant. Elle se força à sourire, faisant rouler son verre entre les paumes de ses mains. Kévin posa le sien sur la table puis il passa un bras protecteur autour de ses épaules.

— On va s'en sortir, lui assura-t-il. Aie confiance ! On va surmonter cette épreuve, ensemble !

Lola pressa les yeux subrepticement et acquiesça silencieusement. Elle le désirait plus que tout.

Peu à peu, la jeune femme glissa contre lui jusqu'à se retrouver tout contre son torse, alors seulement elle fondit en larmes. Kévin resserra tendrement son étreinte et la berça afin d'apaiser son chagrin. Il se sentait tellement coupable de sa peine et son état l'affectait sincèrement. Le visage ruisselant enfui dans sa poitrine, Lola en avait oublié à quel point la chaleur de ses bras était réconfortante. Elle s'y abandonna… Le plus dur est fait ! se dit-elle.

Une fois qu'elle eut vidé toutes les larmes de son corps dans son giron, la jeune femme se sentit bien mieux, soulagée d’un poids énorme sur sa poitrine. Elle renifla bruyamment et entrelaça sa main dans la sienne. Kévin poussa un soupir de soulagement en embrassant amoureusement ses cheveux.

Le couple dîna au salon, le repas entrecoupé de quelques mots. La prévenance de Kévin était perceptible. Il ne voulait pas la brusquer et prendre le risque de tout gâcher. Il but les quelques paroles qui sortirent de sa bouche comme on savoure un bonbon délicat fondant dans la gorge.

Entendre sa voix est déjà une victoire en soi, se réconforta-t-il sans détacher ses yeux des siens.

Cependant, malgré le malaise qu’elle ressentait, la jeune femme fit un effort surhumain en l’interrogeant sur l’avancement de son projet de logiciel. Lola savait que c'était le genre de conversation qu'il affectionnait particulièrement. Quand il parlait de son travail, on sentait l'homme passionné. Mais pas seulement pour cette raison… elle y avait beaucoup réfléchi et elle avait compris aussi que le stress et la pression qu'il subissait au bureau altéraient son comportement. Et en psy improvisé, elle espérait que de pouvoir en parler, évacuer les soucis et les craintes, pourraient contribuer à ce qu'il se sente mieux, qu’il se sente soutenu et s'il parvenait à se sentir mieux alors elle se sentirait mieux aussi. Et ainsi, tout irait bien mieux entre eux.

Kévin se lança aussitôt dans des explications que Lola ne comprit pas toutes, loin de là mais comme elle le pressentait, ses travaux n'avançaient pas vite et le retard commençait à s'accumuler dangereusement.

Soudain, il se tut au beau milieu de sa plaidoirie enflammée, le regard amusé.

— J'arrête de t'embêter avec tout ce charabia, déclara-t-il une fois son souffle repris. Je sais que tu n'y comprends pas grand-chose…

— Non… Non ! C'est intéressant, je t'assure, le coupa-t-elle d'une voix sérieuse.

Kévin arqua un sourcil incrédule avant d'éclater de rire. Puis il attrapa la télécommande de l'écran LCD et se cala au fond du canapé.

— Viens là ! lui intima-t-il en ouvrant son bras pour l'accueillir. On va plutôt regarder un film.

Lola posa sa tête au creux de ses pectoraux et naturellement, ses mains se posèrent sur son torse.

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