Le syndrome du crapaud (partie 3)

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La hausse perceptible des températures des derniers jours, inhabituelles pour un mois de mai, laissèrent la place à de gros nuages menaçants, prémices d'orages imminents.

Un vent violent se souleva en bourrasque. Des éclairs zébrèrent le ciel. Lola entendit gronder au loin. Elle pressa le pas. En l'espace d'un court instant, un voile noir enveloppa la ville et ses habitants. Dans un fracas assourdissant, une pluie diluvienne se déversa sur l'asphalte en quelques minutes.

Trempée jusqu'aux os, Lola tremblait de tous ses membres lorsqu’elle pénétra dans l'appartement plongé dans l'obscurité. Elle actionna plusieurs fois l'interrupteur… en vain. L'électricité ne fonctionnait pas. À tâtons, elle se dirigea vers le coffret électrique afin de vérifier les plombs mais tout était normal.

— Manquait plus que ça ! maugréa-t-elle à voix haute.

Les vêtements plaqués au corps, les cheveux collés au crâne, elle dégoulinait sur place et sentait monter en elle la mauvaise humeur.

Des éclairs fourchus illuminèrent les murs de l'appartement de flashs aveuglants, tant le ciel était bas. La déflagration du tonnerre la fit sursauter. La jeune femme se précipita à la recherche de bougies qu'elle plaça un peu partout. Bientôt, leurs flammes vacillantes enveloppèrent la pièce d'une douce lumière. Rassérénée par cette ambiance feutrée, Lola se dirigea vers la salle de bain où elle se fit couler un bain moussant, bien chaud. Des bougies parfumées disposées près de la baignoire embaumèrent progressivement les lieux. Elle laissa tomber ses vêtements mouillés à ses pieds et se plongea dans la tiédeur de l'eau. Rapidement, une agréable chaleur l'envahit… Elle se détendit, ferma les yeux et se laissa aller doucement au sommeil.

Engourdie par la chaleur salvatrice de l'eau, Lola s’était assoupie quand un corps pénétra dans son bain. D'un bond, elle se redressa, affolée. Elle cligna plusieurs fois des yeux. S'habituant à l'obscurité, elle reconnut Kévin dans la pénombre. Quelle cruche tu fais ! se morigéna-t-elle bêtement. Qui veux-tu que ce soit ?

Son homme s'assit derrière elle, déposa un baiser sur ses cheveux et l'entoura de ses bras. Lola cala son dos contre son torse.

— Tu rentres tôt ! s'étonna-t-elle… mais elle était ravie de cette surprise.

— Impossible de travailler sur les ordinateurs avec cette coupure générale d'électricité. Alors autant rentrer à la maison et faire l'amour à ma petite femme chérie, susurra-t-il tout contre son oreille.

Lola renversa la tête en arrière et posa ses lèvres sur les siennes.

— J'ai envie de toi ! Là… tout de suite… dans ce bain, lui murmura-t-il le souffle chaud. Ta peau est si douce. Je veux te sentir… Sa main effleura un sein.

La jeune femme lui décrocha un sourire à tomber par terre. Le désir fourmillait, vibrait sous sa peau, oscillant en diapason avec celui de Kévin. Elle aussi, le voulait en elle. Ces mots prononcés de sa voix sexy et veloutée comme du chocolat chaud réveillèrent la femme fatale sommeillant en elle ; elle était incapable de lui résister. Elle laissa le feu l’envahir…

— Vos désirs sont des ordres, minauda-t-elle.

Dos à lui, elle posa un genou de chaque côté de ses cuisses, ses fesses reposant sur son bas ventre. Ses doigts enserrèrent son membre dressé par l’excitation. Prisonnier dans sa paume, elle le sentait chaud et palpitant. Elle lui prodigua mille et une caresses pour l’amener à se gorger de désir, sous les râles sourds de Kévin qui lui parvenaient. Les mains de son amant frôlèrent ses cuisses chaudes, massèrent la peau de son ventre, s’attardèrent sur le galbe de son fessier. Une main mutine glissée dans l’aine rejoignit son intimité, un index lutina son bouton d’amour, se provoquant l’un l’autre de douces et si agréables sensations. « Chevauche-moi » coula-t-il à son oreille en déposant ses lèvres dans le creux de son épaule. De sa main, la jeune femme pantelante approcha son sexe du sien, introduisit le gland dans sa cavité humide et bascula légèrement. Elle opéra le mouvement de plus en plus profondément jusqu’à ce qu’il la remplisse entièrement. Puis avec précaution, elle effectua des mouvements de va-et-vient en se tenant aux rebords de la baignoire. Kévin caressa ses seins gonflés de désir, taquina ses tétons. Lola haletait de plaisir. Il fit glisser ses mains sur ses hanches et accompagna le balancement de ses reins. Quelques flaques d'eau sur le carrelage miroitaient sous les flammes vacillantes des bougies.

La sensation agréable de l’eau sur la nudité de leurs deux corps, l'effet de flottement, rendaient leurs gestes fluides et décuplaient leurs sensations exacerbées. Leur excitation non dissimulée alla crescendo jusqu'à atteindre son paroxysme.

*****

L'électricité n'était toujours pas rétablie mais cette panne générale ne déplaisait à Lola. Les bougies disposées ici et là investissaient la pièce d’une atmosphère romantique, si chère à son cœur.

Le ciel continuait de déverser sa colère sur la ville et la pluie battait contre les carreaux avec fureur. Les roulements de tonnerre se répercutaient dans les profondeurs de la voûte céleste hachurée d'arcs électriques. Mais, malgré ce vacarme assourdissant, Lola était sereine… Elle se délectait pleinement du moment présent.

Emmitouflée dans son peignoir, les cheveux enrubannés dans une serviette, la jeune femme était assise sur le canapé, genoux repliés, fesses sur les talons. Elle sirotait un verre de vin blanc.

Il devrait y avoir plus souvent des pannes d'électricité, songea-t-elle amusée, ressentant encore le goût de Kévin sur sa peau, dans son ventre. Perdue dans ses pensées amoureuses, elle n'entendit pas son amant approcher avec deux plateaux-repas qu'il déposa sur la table du salon.

— Madame est servie ! dit-il d'un ton protocolaire. Il n'était vêtu que de son caleçon… Vision déroutante ! Situation ironique ! Cela la fit sourire.

Ils avalèrent leur dîner à la chiche lumière des bougies. La soirée coulait doucement dans une ambiance intimiste. Leur conversation, émaillée d'éclats de rire, allait bon train. Le timbre grave de la voix de Kévin résonnait dans la pénombre du salon et troublait Lola dans chaque fibre de son corps. À ses côtés, elle se sentait femme à part entière.

Il était près de onze heures et ils étaient toujours plongés dans le « Blackout » lorsqu'ils allèrent se coucher.

Tout contre son dos, Kévin enserrait Lola d'un bras protecteur. Enfouissant son visage dans ses cheveux, il émit un petit rire amusé.

— Qu'est-ce-qui te fait rire ? l'interrogea-t-elle.

— J'étais en train de penser que ce ne serait pas vraiment une surprise d'apprendre une hausse spectaculaire de la natalité dans neuf mois. C'est bien connu… quand il n'y a plus d'électricité… on fait des bébés ! Non ?

Dans le noir, Lola fronça les sourcils, redoutant où il voulait en venir.

— Euh… oui ! Les statistiques le prouvent, reconnut-elle.

Kévin n'ajouta rien.

Resserrant son étreinte, il l'embrassa dans le cou avant de lui souhaiter une bonne nuit puis rapidement, il s'endormit. Sa respiration calme et profonde berçait la jeune femme, pourtant, elle avait bien du mal à trouver le sommeil.

Cette histoire de « baby-boom » la tracassait. Bien qu'elle prenne la pilule, le risque zéro n'existait pas, cela elle le savait. Cependant, elle se laissa aller à quelques réflexions…

Quelle serait sa réaction si d'aventure elle tombait enceinte ? Et qu’en serait-il pour Kévin ? Serait-il heureux de cette nouvelle ?

Mais bon sang ! Pourquoi je me pose toutes ces questions ? finit-elle par se dire en son for intérieur. Je fais attention ! Il est peu probable que je tombe enceinte ! Mais alors, pourquoi je pense à ça ?

Elle secoua la tête, revenant à la raison. À quoi bon me mettre la rate au court-bouillon ? Je serai fixée à la fin du mois.

Se pelotonnant contre Kévin, elle ferma les yeux. Quelques minutes plus tard, elle dormait.

*****

Le printemps tirait sa révérence et dans quelques jours l'été prendrait le relais.

Les badauds s'agitaient comme des fourmis dans les rues et les artères de la ville. Ça sentait bon les vacances. Enfin presque…

Une véritable fourmilière humaine battait le pavé sous un ciel aussi bleu que la mer. À la recherche de la dernière petite robe à la mode ou encore du maillot de bain de rêve, l'agitation était partout et les défilés incessants dans les commerces et les boutiques.

Lola et ses collègues croulaient sous le travail afin de répondre aux exigences des nombreuses clientes avides de dénicher la tenue à la dernière mode pour cet été.

Sa soirée entre filles prévue avec Beth avant qu'elle ne parte sillonner les routes était programmée pour la fin de la semaine. La perspective de cette soirée la mettait dans un tel état de surexcitation que Lola en piétinait sur place en y pensant. Mais avant tout, elle devait trouver de quoi s'habiller pour l'occasion. Cela faisait longtemps qu'elle n'avait pas fait de shopping. Acheter un ensemble à la boutique n'aurait pas été pour lui déplaire mais elle n'en avait pas les moyens financiers. Elle allait devoir faire les magasins comme tous ces badauds.

Le vendredi approchait à grands pas et Lola n'avait toujours pas trouvé sa tenue. La cohue dans les magasins la décourageait. Puis elle était flapie lorsqu'elle regagnait l'appartement les fins d'après-midi.

Les soirées avec Kévin ne s'éternisaient pas trop tard dans la nuit. Elle se sentait de plus en plus fatiguée et lui aussi d'ailleurs était harassé par ses journées de travail. Elle avait cru comprendre que son projet n'avançait pas comme prévu, comme il l'aurait souhaité et ses nerfs étaient à fleur de peau. La jeune femme se sentait un peu coupable de cet état… Après tout, s’il rentrait plus tôt c’était pour être auprès d'elle, au lieu de plancher sur son logiciel.

Mais cette culpabilité s'évaporait comme par magie dès qu'il la tenait dans ses bras et plus rien d'autre n'avait d'importance alors.

*****

C'était une belle journée d'été ! Les rayons du soleil inondaient la cuisine où les deux amoureux prenaient leur café du matin. La nuit dernière, ils étaient tombés comme des masses tant ils étaient exténués l'un et l'autre.

— N'oublie-pas que ce soir, c'est ma soirée avec Beth, lui rappela la jeune femme après avoir avalé une gorgée du liquide brûlant.

— Non, je sais ! Comment veux-tu que j'oublie ? Tu ne me parles que de ça depuis une semaine, la taquina Kévin. D'ailleurs, j'ai prévu de rentrer tard ce soir. Puisque tu m'abandonnes, je vais me noyer dans le travail. Son ton était celui d'un homme malheureux comme les pierres.

— Oh ! Tu veux que j'annule ? hasarda Lola, se sentant fautive.

— Tu verrais ta tête… C'est à mourir de rire ! s'esclaffa-t-il après un court instant.

Vexée de s'être laissée avoir une fois de plus, elle lui tira la langue en guise de réponse.

Kévin, lui, était ravi de son petit effet. Il attrapa sa veste et son porte-documents puis il l'embrassa tendrement avant d'ajouter.

— Amusez-vous bien les filles ! Embrasse Beth pour moi et souhaite-lui bonne chance de ma part.

— Promis ! Bonne journée mon chéri ! Je t'aime !

Un dernier baiser et il quitta l'appartement.

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