Les deux font la paire (partie 3)

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Au fil des jours, des semaines, leur relation amoureuse évolua, passant de la fusion à la relation durable. Petit à petit, sans griller les étapes, tout en respectant l'altérité de chacun, ils apprirent l'art subtil de partager leur espace, leur intimité, leurs forces, leurs faiblesses… leur histoire. Leur amour était si intense que chaque éloignement était un déchirement pour chacun d'eux et leurs retrouvailles, un pur bonheur.

Kévin ne cessait de lui répéter qu'elle était celle qu'il attendait depuis toujours… qu'ils étaient faits pour se rencontrer. Quant à Lola, elle découvrait des aspects de la vie qu'elle n'aurait jamais envisagés sans lui. Son amour lui donnait des ailes. Cet homme était l'image parfaite du partenaire idéal qu'elle s'était toujours projetée. Bien sûr, comme tout le monde, il avait des défauts mais ceux-ci étaient gommés, tellement elle l'idéalisait.

Durant ces mois passés à s'apprivoiser l'un l'autre, ils vécurent à l'écart de leurs amis. Ils ressentirent ce besoin d'être seuls avec eux-mêmes pour se chercher… se trouver… pour ne plus se quitter.

Beth se réjouissait du bonheur de Lola mais son amie lui manquait énormément. Les deux amies s'appelaient toujours de façon régulière, au minimum une fois par semaine mais cela faisait une éternité qu'elles n’étaient pas sorties exclusivement entre filles. Elles en discutèrent maintes fois.

— Tu me manques aussi ma chérie, admettait Lola. Mais je ne peux pas laisser Kévin, seul, le soir à la maison.

— Tu ne peux pas vivre couper de tout le monde, la sermonnait alors Beth. Tu dois retrouver une vie sociale en dehors de Kévin et de ton travail. C’est une question d’équilibre !

Lola était consciente de négliger son amie. Pourtant Beth n’avait pas tort… et particulièrement ces derniers temps. Kévin rentrait plus tard à la maison. Accaparé par son projet, il restait à travailler au bureau, longtemps bien après que toute son équipe ait fini la journée.

Et Lola attendait, seule, à l'appartement…

À son retour, Kévin se confondait en excuses et la berçait dans ses bras. Il lui répétait qu’il souffrait aussi de ne pas être auprès d'elle mais il faisait ce sacrifice pour eux… pour qu'elle soit fière de lui. Il l'aimait d'un amour incommensurable. Il voulait lui offrir le meilleur. Il lui promettait sincèrement de se rattraper une fois le projet abouti. Et devant ses arguments irréfutables, la frustration de la jeune femme fondait comme neige au soleil.

Un soir, la nuit était tombée depuis deux bonnes heures lorsque Kévin poussa la porte de l’appartement. Il trouva Lola endormie comme une souche sur le canapé. Avec une infinie précaution, il la souleva dans ses bras, la porta jusqu'à la chambre et la déposa sur le lit avec délicatesse. La jeune femme grommela dans son sommeil mais n'ouvrit pas les yeux. Kévin remonta la couette sur ses épaules et s'allongea près d'elle. Instinctivement, elle se pelotonna contre lui tel un petit animal fragile.

Au matin, elle fut surprise de se retrouver toute habillée dans le lit. Elle n'avait même pas le souvenir de s'être couchée. Elle se tourna sur le côté mais la place de Kévin était vide. La tête cotonneuse, elle se leva et se dirigea vers la cuisine avec la lenteur d'un escargot.

— Bonjour ma chérie ! l'accueillit joyeusement celui-ci. Café ?

— B'jour ! Oui, café s'il-te-plait.

Il posa une tasse de café fumant et deux tartines grillées sur la table avant de déposer un baiser sur ses cheveux. Lola le remercia et but le breuvage à petites gorgées. Une fois sa dose de caféine et ses biscottes avalées, elle immergea de son état léthargique mais elle se sentait toujours aussi lasse.

— Je ne t'ai pas entendu rentrer hier soir. C'est toi qui m'as mise au lit ? l'interrogea-t-elle.

Assis en face d'elle, une tasse entre les mains, Kévin la regardait un sourire au coin des lèvres.

— Oui, tu dormais si bien que je n'ai pas voulu te réveiller.

Lola souleva un sourcil.

— Tu vas bien ? rajouta-t-il soudain, inquiet. Tu n'as pas l'air dans ton assiette. Tu es toute blanche.

— Je me sens un peu vaseuse mais ça va passer. Ne t'inquiète pas…

Aussitôt, ignorant son explication, Kévin se leva et porta la main à son front. Il était froid. Lola n’était pas fiévreuse, il fut rassuré. Il en profita pour embrasser sa joue.

— Je te dis que je vais bien ! trancha-t-elle une bonne fois pour toute. Son homme avait tendance à oublier qu'elle n'était plus une enfant. Cela avait le don de l'agacer.

— Ce soir, je viens te chercher à ton boulot et je t'emmène où tu voudras. J'ai assez travaillé ces jours-ci, décréta-t-il faisant fi de sa mauvaise humeur. Donc à seize heures trente pétantes, je serai devant la boutique.

Les yeux de Lola pétillèrent aussitôt. Le sourire jusqu'aux oreilles, elle scruta son beau visage rasé de près. Était-il sérieux ?

— Quoi ? J'ai un bouton sur le nez ? ironisa-t-il.

— Euh… Non ! balbutia la jeune femme. Je suis si contente ! Tu ne peux même pas imaginer. C'est génial !

Finie la morosité, la jeune femme se précipita dans ses bras. Son amoureux la serra très fort et déposa un petit bisou sur le bout de son nez.

— Va vite te préparer ! Je vais te déposer et après je file bien vite au bureau.

Lola obtempéra dans un salut militaire. Trente minutes plus tard, elle était douchée, habillée, coiffée et maquillée… Record battu ! Et il leur fallut trente minutes supplémentaires pour arriver à la boutique.

La voiture garée le long du trottoir, la jeune femme lui souhaita une bonne journée et l'embrassa avant de descendre de l’Audi. Elle traversa la route d’un pas rapide puis sur le point d’entrer dans la boutique, elle se retourna vers son amoureux et lui envoya un autre baiser de la main d'un geste lent. Lorsqu’elle passa la porte, elle vit Monsieur Meyer, les mains dans les poches qui l'observait avec des yeux rieurs, un petit sourire en coin. Lola se sentit troublée par son regard. Elle lança un « bonjour » collectif et se hâta vers les vestiaires. Je dois être rouge comme une pivoine, pensa-t-elle.

— Je ne voulais pas vous embarrasser, s'excusa son responsable en entrant dans la salle après y avoir été invité. Je vous ai vue avec votre amoureux et j'ai trouvé le tableau charmant. Vous faites un joli couple.

— Merci, répondit simplement la jeune femme dans un murmure.

Cette fois, aucun doute… elle était rouge cramoisi !

*****

Comme promis, à seize heures trente tapantes, Kévin était là sur le trottoir d'en face à faire le pied de gru. Le cœur de Lola s'emballa tandis qu'elle l'observait derrière la vitrine. Une multitude de papillons virevoltait dans son ventre. Cette délicieuse sensation, elle la ressentait chaque fois qu'elle posait les yeux sur lui.

Après s'être assurée que l'on n'avait plus besoin d'elle, elle se hâta d'aller chercher son manteau au vestiaire pour aller le rejoindre. Monsieur Meyer lui serra la main, lui souhaita une bonne soirée puis lui ouvrit la porte galamment. Il la suivit des yeux. La jeune femme courut vers cet homme qui faisait battre son cœur et lui sauta au cou. Celui-ci lui encercla la taille de ses bras puissants et la fit tournoyer dans le vide. Les amoureux échangèrent un long baiser.

Kévin ouvrit la portière et aida Lola à s'installer dans la voiture. Faisant le tour du véhicule, il croisa le regard appuyé de Monsieur Meyer derrière la vitrine. L’homme sentit aussitôt une sourde colère monter en lui et serra les poings. Les iris des deux hommes se livrèrent à un numéro de duellistes intense mais de courte durée. Nullement impressionné par le regard glacé dont Kévin le gratifiait, Paul Meyer, sourire éclatant, haussa les épaules avant de tourner les talons.

Kévin claqua fortement la portière en s'installant au volant. Lola sursauta.

— Que se passe-t-il ? s'enquit-elle aussitôt.

— J'aime pas du tout comment ce type te regarde ! grommela-t-il une pointe de colère dans la voix.

— Qui ? Mon responsable ? Monsieur Meyer ?

Lola pouffa de rire tellement c'était grotesque.

— Mais ma parole, tu es jaloux ! claironna-t-elle encline tout de même d'une certaine fierté. Voyons mon chéri ! C’est mon patron.

Kévin acquiesça d'un grondement sourd quasi inaudible.

— C'est trop mignon ! Je t'aime ! minauda-t-elle en se penchant vers lui pour déposer un doux baiser sur sa joue.

L’amoureux ombrageux coula un regard en coin à la jeune femme qui riait sous cape puis démarra.

L'incident oublié, ils passèrent une agréable fin d'après-midi. Ils se promenèrent et flânèrent main dans la main. Allongés sur la pelouse du parc Monceau, ils offrirent leur visage au soleil printanier. Ils firent un détour par un salon de thé où Lola dont l'estomac criait toujours famine, engloutit un éclair au chocolat et une tasse de café fumant. Avant de rentrer, ils firent quelques boutiques puis s'arrêtèrent pour acheter des plats à emporter au restaurant chinois du coin de la rue.

De retour à l'appartement, la jeune femme se laissa tomber à la renverse sur le canapé.

— J’ai les pieds en compote ! Arpenter les rues en talons aiguilles n’est décidemment pas une bonne idée.

Lola ôta ses escarpins avec soulagement puis étendit ses longues jambes sur les coussins. Kévin prit place à ses côtés. Il souleva ses pieds et les déposa sur ses cuisses.

— Je vais te faire du bien, détends-toi.

Saisissant ses jambes avec douceur, ses pouces frottèrent le dessus de son pied, remontèrent lentement des orteils jusqu’à la cheville plusieurs fois avant de masser sa voûte plantaire. Ce merveilleux et exceptionnel massage détendit la jeune femme de toute la tension accumulée pendant la journée. Un pur moment de bien-être ! Et un excellent moyen de se faire câliner !

Ils improvisèrent ensuite leur dînette sur la table du salon en regardant le journal télévisé. Une fois terminé, Lola emporta les cartons de leur repas dans la poubelle de la cuisine tandis que Kévin se servait un verre de Cognac. Ces derniers jours, il boit un peu trop, constata la jeune femme mais elle s'abstint de toute remarque sachant qu’il subissait une forte pression au boulot, la charge de travail due à ce nouveau concept de logiciel était dure à gérer. Difficile pour lui de se poser un peu… de décompresser. Un petit remontant ne peut pas lui faire de mal, pensa-t-elle… mais avec parcimonie.

Lola avait toutes les peines du monde à garder les paupières ouvertes. Elle était épuisée ces derniers jours. Un rien la mettait dans un état de fatigue intense.

— Je vais me coucher, déclara-t-elle, étouffant un bâillement. Bonne nuit ! Elle ne rêvait que de se glisser dans les draps et dormir.

Kévin l'embrassa et lui promit de la rejoindre un peu plus tard. Il voulait regarder un reportage politique à la télévision.

Elle opina du chef. C'était le genre d'émission qu'elle avait en horreur.

Aussitôt couchée, elle ne tarda pas à sombrer dans un sommeil profond, bercée par le brouhaha du téléviseur.

Vers minuit, Kévin vint se coucher. Il se serra tout contre son dos. Avec douceur, il la réveilla avec des caresses tout en déposant de doux baisers dans le creux de son épaule. Son souffle empestait les relents d'alcool. Lola en eut la nausée.

— J'ai sommeil, grogna-t-elle en le repoussant gentiment.

Kévin n'insista pas. Il grommela des mots incompréhensibles et se tourna sur le côté opposé. Bientôt, aux ronflements qui envahirent la chambre à coucher, elle sut qu'il s'était endormi.

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