Le syndrome du prince charmant (partie 3)

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Nue dans la chemise de Kévin, blottie contre son torse, Lola ne pouvait se résoudre à quitter le contact de sa peau. La passion consommée, la chaleur de ses caresses courait toujours dans les moindres pores de sa chair, nourrissant chaque veine, chaque vaisseau de son corps. Elle sourit intérieurement de la hardiesse dont elle avait usée. Jamais elle n'aurait pu agir ainsi si un feu érotique ne l'avait pas consumée. Avec lui, elle osait tout sans tabou !

Kévin l'encerclait de ses bras puissants, embrassait ses cheveux, respirait son odeur à pleins poumons. Ce soir là, il prit conscience que cette femme si belle, serrée tout contre lui, était celle qu'il attendait depuis toujours. Elle remplissait toutes les parties vides de son être. Ils étaient faits l'un pour l'autre pour la vie.

— Tu es bien ? s'enquit-il en caressant doucement son ventre brûlant.

— Hum... ronronna-t-elle telle une petite chatte.

Les yeux clos, Lola leva la tête et lui tendit ses lèvres qu’il s’empressa de couvrir des siennes. Elle refusait de quitter le contact chaud et humide de sa bouche mais son estomac émit un grondement sourd.

Elle se leva à regret et improvisa une petite table romantique : une nappe blanche, deux couverts, le champagne au frais dans son seau à glace et une rose dans un soliflore.

Les amoureux mouraient de faim. Ils dévorèrent leurs assiettes, les yeux dans les yeux. La salade de poulet semblait plaire à Kévin... Cela rassura Lola.

Levant son verre de champagne, celui-ci porta un toast.

— À toi ! À la plus belle... À la plus formidable... À la plus désirable des femmes... Je t'aime comme jamais je n'ai aimé.

— Je t'aime aussi, susurra-t-elle, rouge cramoisie par cette déclaration.

Elle vint s'asseoir en amazone sur ses cuisses et ils burent chacun dans la coupe de l'autre, scellant ainsi leur serment d'amour.

Leur repas terminé, ils s'installèrent sur le canapé. Entrelacés, ils bavardèrent, se racontèrent leurs journées respectives, se moquèrent gentiment l'un de l'autre. Ils étaient l’image parfaite d’un couple amoureux. Lola, radieuse, riait de ses taquineries, de ses chatouilles.

— Personne ne t'aime comme moi je t'aime, chuchota-t-il contre ses lèvres. Pourquoi ne viendrais-tu pas t'installer chez moi ? Mon appartement est spacieux et je te veux tous les jours près de moi... Tu es le sel de ma vie, mon Amour !

Sur le moment, Lola fut troublée par cette demande. Elle ne s'attendait pas à un tel aveu. C'était si rapide, si soudain...

Jusqu'à présent, dans ses relations amoureuses, elle avait toujours tenu à garder son indépendance. Avec Kévin, les choses s'accéléraient. Elle l'aimait comme une folle, sur ce point, aucun doute dans son esprit, seulement la routine du quotidien lui faisait peur. Oui... elle avait horriblement peur ! Peur que cette routine annihile l'excitation et le désir qui la submergeaient à chacun de leur rendez-vous.

Elle prit le temps de lui répondre, ne voulant pas le blesser.

— Je suis très touchée Kévin. Mais tu ne penses pas que c'est précipité ? Sa voix était douce, à peine audible... presque un murmure.

— Mais pourquoi ? Nous nous aimons, non ? On s'entend bien et pas que pour le sexe. La sienne était triste... presque douloureuse.

Lola prit alors son visage en conque entre ses mains, plongea ses yeux dans les siens et déposa un chaste baiser sur ses lèvres.

— Oui je t'aime… Oui on s'aime… Alors donnons-nous du temps... Tu veux bien mon chéri ? Pour ne pas tout gâcher... Je te promets d'y réfléchir très vite.

Kévin ferma les yeux et acquiesça.

— D'accord, tout ce que tu voudras ma princesse. J'attendrai.

Il lui rendit son baiser puis retrouvant son enthousiasme, il poursuivit.

— Tu vas pouvoir y réfléchir pendant deux jours et goûter au bonheur d’être deux... Je t'enlève pour le week-end. Deux jours où nous serons seuls au monde. Tu veux bien ?

Lola explosa de joie.

— Et où va-t-on ?

— Sur la Côte d'Albâtre, non loin de Dieppe, j'ai loué un gîte face à la mer.

*****

Lola comme Kévin furent accaparés par leur travail respectif, le reste de la semaine. Monopolisé par des réunions tardives, Kévin ne put rejoindre la jeune femme à son appartement depuis son invitation mais ils se téléphonèrent tous les jours. Leurs conversations duraient des heures et irrémédiablement c'était dans une souffrance non dissimulée que chacun suppliait l'autre de raccrocher le premier.

Ces deux jours allaient leur faire le plus grand bien, autant à l'un qu'à l'autre.

Le vendredi soir, Lola prépara sa petite valise pour son week-end en amoureux avec soulagement et excitation. Éreintée, elle s’endormit très vite. Kévin lui avait promis d'être chez elle à la première heure, le lendemain.

*****

Lola déposa son mince bagage dans le coffre de l'Audi sportive. Kévin lui ouvrit la portière passagère. Elle s’assit confortablement et boucla sa ceinture. Il s’installa derrière le volant, se pencha pour lui donner un baiser et tourna la clé de contact.

L’Audi avalait l’asphalte avec souplesse sous sa conduite sportive mais cependant il était prudent et respectueux de la vitesse autorisée. Kévin était très concentré sur la route et sa passagère se sentait en sécurité dans le bolide à ses côtés. Au bout de quelques kilomètres, Lola ferma les paupières, bercée par le ronronnement de la mécanique.

Le trajet se déroula en silence, seul le CD de musique emplissait l'habitacle. Lorsque Kévin tourna la tête furtivement, il vit que Lola s'était assoupie. Il lui sourit malgré tout et baissa le volume du poste.

Un peu plus de deux heures plus tard, la voiture stoppa dans une allée de graviers. Lola s'éveilla et bâilla à s'en décrocher la mâchoire, un peu honteuse de s'être ainsi endormie mais le ronronnement du bolide avait eu raison d'elle.

À l'extérieur, dans le lointain, le soleil rayonnait sur la Manche au pied de hautes falaises blanches. Le paysage était tout simplement splendide. Face à la mer, tout de béton, d'acier et de verre, leur gîte s'intégrait harmonieusement avec l'environnement naturel et sauvage. S’étirant avec la grâce d'un félin, Lola respira à pleins poumons. Les effluves marins vinrent lui chatouiller les narines.

Kévin, la mine réjouie, lui prit la main et la guida en courant tels deux gamins vers leur « pied-à-terre » pour le week-end.

Dès que les amoureux franchirent le pas de la porte, la jeune femme fut subjuguée... Où que l'on se trouvât dans le gîte, la vue y était exceptionnelle grâce à de larges baies vitrées. Lola écarquilla les yeux et poussa un waouh en découvrant une magnifique terrasse panoramique, face à la mer. Le décor intérieur « design » de toute beauté n’était pas sans rappeler les maisons de campagne traditionnelles emplies d’un charme caractériel ; l’élégance des meubles en matériaux naturels alliait avec brio le style vintage. Allant de la table de cuisine en bois incrustée de grès émaillé jusqu’aux fauteuils carrosse en chêne massif et coton gris d’une nuance légèrement plus claire que les murs cirés d’un gris souris. Dans la chambre à coucher, un lit « King Size » leur tendait les bras, des voilages crème transparents filtraient la lumière du jour au travers de larges vitres, préservant l'intimité de la pièce. Lola se retourna vers Kévin, affichant un large sourire jusqu'aux oreilles puis elle lui sauta au cou. Les bras autour de son cou et ses jambes encerclées autour de sa taille, les amoureux tourbillonnèrent sur eux-mêmes, ivres de joie avant d’atterrir sur le lit dans un grand éclat de rire.

La jeune femme n’avait pas le souvenir d’avoir été aussi heureuse. Même sans ce décor intimiste voué aux amoureux, elle mesurait combien cet homme était prêt à tout pour l'aimer sans retenue, la respecter, la choyer… Elle était totalement love de lui.

En peu de temps, aussi incroyable que cela puisse lui paraître… Kévin était devenu l'oxygène nécessaire à sa vie.

*****

L'endroit était idéal pour se ressourcer, se remettre en question. Lola put prendre conscience… toucher du doigt ce que pouvait être la vie à deux... leur vie à deux. Entre les longues balades sur la plage située à deux pas et les couchers de soleil grandioses, dont les amoureux ne se lassaient pas, elle apprécia sa présence au quotidien à ses côtés. Comment pouvait-elle douter de lui ?

Il était le plus doux des hommes, à l'écoute de ses moindres désirs, les anticipant même. Comme ce soir là…

« Lola sortait de la chambre pour rejoindre Kévin au salon avant d’aller dîner à l’extérieur. En pénétrant dans la pièce, elle se figea sur place. Sur la table recouverte d’une longue nappe blanche retombant jusqu’au sol, un superbe plateau de langoustines accompagné d’une bouteille de Puligny-Montrachet. La main posée sur sa bouche, la jeune femme s’approcha de lui. Les flammes des bougies des chandeliers se reflétaient dans ses yeux pétillants.

— La table de Madame, lui dit-il en écartant la chaise. Tu m’as bien avoué avoir une mortelle envie de langoustines ?

— Oui mais je pensais qu’on irait au restaurant ?

— Ici, le décor est plus intimiste et l’écailler m’a assuré qu’elles étaient pêchées de ce matin. »

Durant ces deux jours, ils firent l'amour dans toutes les pièces sauf dans le lit « King Size », tant la passion les dévorait. À l'image de ce matin là, où sortant de la douche, Kévin l'embrassa puis, attrapant la ceinture de son peignoir, il lui attacha délicatement les poignets derrière le dos... La jeune femme pouvait facilement les détacher mais elle n'essaya même pas...

Les amoureux passèrent deux jours féériques, seuls au monde. Lors de ce week-end, quelque chose de magique se passa entre eux. Cette explosion de sentiments divinement dévastatrice, Lola ne l'avait jamais vécue, ni ressentie avec personne. Cette passion physique les transportait tous deux dans des corps à corps sulfureux jusqu'au vertige. Ils étaient vraiment accros l'un à l'autre. Sous les caresses de cet homme, Lola découvrait en elle un épanouissement sexuel, insoupçonnable jusque là. Cet état lui donnait une énergie débordante et elle se laissait aller à ses pulsions, sans honte.

« Mais justement, cette passion physique n'est-elle que... physique ? Pas sûr... lui soufflait une petite voix dans sa tête ».

Les jours et les semaines suivants, les amoureux ne se quittèrent plus. Lorsque Lola n'était pas à son travail, elle était avec lui. Tantôt elle passait ses nuits chez lui, tantôt Kévin passait ses nuits chez elle. Plus jamais elle ne dormit seule.

Ils enchaînèrent les sorties à deux : cinéma, restaurant, musée, concert mais aussi soirées films et repas romantiques à l'appartement.

Corps et âme à son idylle, Lola en négligea Beth. Elles se parlaient bien évidemment de longues heures au téléphone mais cela faisait longtemps qu’elles ne s’étaient pas vues ou qu’elles n’avaient pas déjeuné ensemble.

— Je te promets d’essayer de me libérer un créneau, ma chérie, s’excusa-t-elle auprès de son amie.

— Promis ?

— C’est promis.

— Tu me manques tant Lola !

Beth était déçue, bien que compréhensible et heureuse pour son amie.

Faudrait être aveugle et sourde pour ne pas voir que Lola nageait en plein bonheur.

*****

Kévin était nostalgique de leur week-end passé en amoureux dans le gîte. Ils avaient été si heureux d'être ensemble. Ils s'entendaient à merveille, se suffisant à eux-mêmes. Les autres n’existaient plus. Lola était celle qu'il attendait depuis toujours. Elle prenait toute la place dans sa vie. Il ne vivait que pour elle. Leur amour était fusionnel. Ils ne formaient qu’un seul être.

À maintes reprises, Kévin relança la jeune femme pour qu'elle vienne vivre avec lui… en vain. Cette peur de perdre leur complicité amoureuse la tenaillait férocement mais pour autant Lola déclinait toujours sa demande. Elle avait besoin de temps.

Pourquoi refusait-elle d'officialiser leur couple en venant s'installer chez lui ? Peut-être ne l'aimait-elle pas aussi fort que lui ? Avait-il fait ou dit quelque chose qui l'avait blessée ? Kévin ne comprenait pas ! Toutes ces questions le rendaient fou ! Il était malheureux de ces refus répétés.

— Foutaises ! s’écria-t-il un soir, excédé d'être éconduit une fois de plus.

Leur première dispute venait d'éclater.

— La vérité c'est que tu ne m'aimes plus aussi fort... Tu veux juste t'envoyer en l'air avec moi quand tu en as envie.

Lola fut groggy par ses paroles. Elles claquèrent comme un coup de poignard en plein cœur. Des larmes dans les yeux, elle scruta le visage de son bien-aimé, incapable d'articuler le moindre mot.

Kévin but une large lampée de whisky. C’était son troisième verre d’affilé. Il fit rouler son verre dans ses paumes, attendant qu’elle assimile ses mots violents puis avala cul sec le reste du liquide ambré.

Il poursuivit ensuite ses vociférations, la voix saoule d'une profonde rancœur. Jamais Lola ne l'avait vu ainsi, si misérable... si minable.

Pourquoi et comment en sont-ils arrivés là ? Est-elle cette femme égocentrique qu'il décrivait ? Pourquoi a-t-elle si peur de s'engager ? Pourquoi lui fait-elle autant de mal ? Pourquoi LEUR fait-elle autant de mal... ? Toutes ces questions se noyaient dans son crâne.

— Si on finit par se séparer, tout sera de ta faute ! l'accusa-t-il soudainement.

Ces mots douloureux la sortirent de sa torpeur.

— Jamais je ne te quitterai, murmura-t-elle, la voix tremblante et l'œil humide. Comment peux-tu penser une chose pareille ?

Elle ôta le verre vide de ses mains, le déposa sur la table basse puis se rapprocha de lui. Leurs visages se touchaient presque. Ses doigts agrippèrent sa nuque. Son front se posa sur le sien.

— Je t'aime trop fort pour faire une chose aussi stupide, chuchota-t-elle contre ses lèvres. Une larme roula sur sa joue.

— Tu me le jures ? geignit-il.

— Juré !

— Personne ne t'aime comme moi je t'aime ! Personne !

*****

Les semaines suivantes, ce sujet de controverse revint régulièrement entre eux. Et régulièrement cela finissait en dispute. Kévin devenait de plus en plus pressant et Lola souffrait de ces querelles… Elles ne menaient à rien et ne faisaient que gâcher leur relation.

Sa soif d'indépendance était grande mais son amour inconditionnel pour cet homme prit le dessus lorsqu'un soir, il la menaça de la quitter...

— Je ne vais pas attendre que tu te décides. Je préfère te quitter plutôt que devoir vivre sans toi à mes côtés. Ça fait trop mal ! Quel gâchis, tu as fait Lola ! À croire que notre amour n’est pas aussi fort que je le pensais.

Ultimatum ? Chantage ? Oui... Non... Peut-être ! Peu importait... Cela lui fit un électrochoc.

Comment pourrait-elle se passer de lui ? Rien que d'y penser, la jeune femme éprouvait une douleur insoutenable au creux de son ventre… un vide impossible à combler. Sa vie ne serait plus qu’un gigantesque tsunami.

Ne plus le voir... Ne plus lui parler... Ne plus le toucher... Ne plus embrasser ses lèvres, son corps... Ne plus ressentir ce feu incandescent si délicieux qui la consumait de l'intérieur… Impensable ! Ils étaient tellement semblables tout en étant si différents. Ils étaient indissociables et complémentaires… À l'image de deux charges électriques opposées qui s'attirent, ils étaient le parfait exemple d'une liaison ionique.

Lola ne survivrait pas à ce chaos sentimental. Elle était accro à lui comme une héroïnomane incapable de décrocher. Kévin avait fait d'elle une junkie de son amour ! Alors, pour ne pas le perdre tant elle l'aimait, Lola lui céda et lâcha son autonomie.

Le déménagement fut programmé pour le samedi prochain.

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