Chapitre 1 : Partie 2

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Finalement, les deux ennemis se retrouvèrent à peine quelques minutes après le scandale au-devant du bâtiment, seuls dans les mètres qui les entouraient, quelques habitants se promenaient dans les alentours et les deux iomons à l'entrée qui avaient une vision sur eux sans pour autant s'introduire dans leur future conversation.

Il s'approcha d'elle et ne perdit pas une seconde de plus.

– T'en as pas marre de faire ton cinéma ?! s'agaça-t-il en chuchottant. Tu sais que tu devrais plutôt te faire petite.

– Je ne vois pas de quoi tu parles, rit-elle.

– Bientôt je te coincerai et tu auras la peine maximale d'exclusion pour venger mes prédécesseurs.

– Les anciens porte-paroles ? haussa-t-elle les sourcils. Ne sont-ils pas morts d'un accident ?

Il serra sa mâchoire avec l'espoir de se retenir d'exploser de rage et prit une longue seconde pour rassembler son impassibilité.

– Tu les as tués, je le sais et je ne vais pas me laisser faire.

Elle fit quelques pas de plus vers lui, son visage à une quinzaine de centimètres du sien, ses yeux, embellis par des strasses aux mille reflets qui zigzaguaient jusqu'à traverser ses sourcils et ses paupières comme un serpent le ferait, plongés dans les siens, elle murmura de la plus douce voix possible une sincère réponse.

– Je te promets de m'occuper de toi. Tes iomons ne pourront pas être avec toi éternellement et à la seconde où tu seras seul, je serai là.

Après un instant de silence électrique, tandis qu'il gardait une parfaite maîtrise de soi, seul ses yeux pivotèrent vers le dessus de son épaule gauche, scrutant avec intérêt quelque chose au loin derrière elle. Son insistance la fit suivre le mouvement, tournant sa tête vers l'arrière afin de constater ce qui le captivait tant.

Ce fut alors qu'elle aperçut son partenaire, habillé d'un costume rouge dont la veste était assez courte pour laisser apparaître ses hanches, centrée pour mettre en valeur sa taille et ouverte, laissant suggérer son torse. Cet aspect travaillé était accordé avec ses cheveux coiffés par du gel qui les dressait entièrement vers le haut, séparés par une raie au milieu, formant deux pointes comme des cornes insinuées par ses deux cicatrices au front.

Son regard était perçant, appuyé vers Erian, dont ses iris bleus contrastaient avec un maquillage foncé. Planté là, les mains dans ses poches, l'air inoffensif bien que redouté comme s'il avait les capacités de faire plier qui que ce soit, mais qu'il s'en abstenait. Cependant, le meneur de l'assemblée ne se défilait pas, tenace face à l'intimidation qu'il subissait, il n'était pas prêt à se laisser abattre.

– Toi et Ocrate n'êtes que des tueurs.

Tandis qu'il défiait du regard son ennemie qui l'importunait tant jusqu'à tester sa patience, celui se trouvant à quelques mètres d'eux l'interrompit dans sa provocation.

– Ne me mets pas dans le même panier, je n'ai tué personne moi, sourit-il.

Avant même d'obtenir une réponse, une femme se montra entre les deux iomons qui gardaient l'entrée. C'était la même personne qui les avait ramenés dans l'enceinte du bâtiment pour rétablir un calme forcé, reconnaissable à ses cheveux bruns détaillés par une frange sur son front et ses yeux foncés en forme d'amande. Elle s’immisça dans leur zone de conflit en s'avançant, l'air intrigué et inquiet.

– Tout va bien Erian ?

Ce dernier se retourna vers elle, loin de montrer sa bienveillance habituelle, il dégageait une forte haine assumée. Il s'approcha d'elle et lui répondit d'une frêle voix étouffée par ses dents serrées.

– Elwynn, ce sont des dangers. Il faut s'occuper d'eux rapidement.

Malgré l'effroi que son visage affichait, elle resta la plus inexpressive possible, observant le couple les laisser dans la peur qu'ils ressentaient.

– Allons chez Halès.

Sans tarder, les deux individus s'abandonnèrent à continuer l'assemblée et partirent s'isoler rue après rue jusqu'à passer la porte d'un immeuble de deux étages. Elesi était bien loin d'être une nation qui regorgeait de millions d'habitants, en réalité, ils étaient suffisamment pour que chaque logement respire grâce à la pureté du paysage. La nature prônait sur la création des citoyens, chacun des bâtiments était couvert de verdures à l'allure de cristaux ambrés jusqu'à en devenir apaisant. Toute structure était blanche neige, gravée de diverses décorations, et semblait régulièrement entretenue.

Ce n'était pas loin du centre-ville qu'ils se réfugièrent chez leur ami Halès qui leur ouvrit la porte. Un homme aux cheveux longs bouclés et roux, les yeux turquoise et au corps baraqué. Sa posture droite le rendait intimidant, s'opposant avec le souci qu'il se faisait en constatant les visages démoralisés de ses compares.

Il ne leur laissa que le temps de s'asseoir au salon qu'il se laissa submerger par sa curiosité.

– Qu'est-ce qu'il s'est passé ?!

Erian posa sa main sur son front, totalement dépité par ce qui venait de se produire. Il était si dépassé par ses sentiments qu'il grommela.

– D'après toi, je vais finir comme les autres.

– C'est encore cette garce ?

– Elle m'a fait des menaces de mort ! Je ne sais même pas pourquoi elle m'en veut autant.

Elwynn ramena deux verres d'eau, utilisant cette action pour masquer le tracas qu'elle se faisait, l'attention fixée sur l'eau qui vaguait vers les rebords. Elle se servit tout en répliquant calmement, détachée des conséquences prochaines.

– Elle veut le pouvoir, on le sait tous.

– Elle sait pourtant très bien où notre dernier dirigeant nous a menés. Je refuse de laisser un tyran nous gouverner encore une fois. C'est très bien de ne pas en avoir, que tous les Elesiens soient égaux, pourquoi elle ne veut pas l'admettre ?

– Parce qu'elle est mauvaise. Il n'y a rien de plus à comprendre, certaines personnes ne sont tout simplement pas altruistes.

L'hôte les rejoignit sur le sofa sans cacher ses lamentations, exaspéré par ce sujet qui était rabâché constamment sans que la situation n'avance.

– Il faut te protéger. Elle a déjà tué les deux précédents porte-paroles, elle va s'en prendre à toi aussi.

– Je ne mérite pas de mourir pour avoir protégé les citoyens, dit-il ému.

– Ça, elle s'en balance. Elle veut prendre le contrôle d'Elesi et toi, t'es un obstacle à son but parce que t'es justement le porte-parole. Il faut agir comme elle le ferait.

Erian se redressa subitement, les sourcils froncés et les yeux humides. Son esprit se battait entre morale et survie, accroché à toute la personne qu'il s'était forgée sans pour autant vouloir la perdre.

– On ne peut pas la tuer, on n'est pas comme ça. Je refuse de m'abaisser à son niveau. La seule chose qu'on puisse faire, c'est de l'attraper pour qu'elle se fasse juger.

– C'est que de la légitime défense.

– Non. Je ne veux pas faire de mal à quelqu'un, même elle. On se doit de garder nos valeurs et d'être de bonnes personnes.

La jeune femme s'était perdue dans ses pensées, le regard vide figé sur son verre, quand une idée lui vient en tête.

– Fais lui passer le message. Montre lui que tu vas te défendre. C'est parce que tu as peur d'elle qu'elle se permet tout ça.

– Super, et je continue ma vie jusqu'à ce qu'elle m'égorge ?

Elle soupira longuement, agacée par l'aspect dramatique dont il fit preuve.

– Tu prends deux iomons pour te protéger.

Convaincus, plus aucun des trois n'ajouta quelque chose, seul le silence suffit comme capitulation. Ils étaient déterminés à combattre, et ce, au prix de leur vie.

Enys et Ocrate avaient suivi le même plan, posés dans leur minuscule appartement dans un coin isolé de la ville. Ce quartier était abandonné, bien loin de la beauté du reste de la cité, la nature avait repris le dessus sur les murs jaunis par le temps. C'étaient de grands immeubles d'une dizaine d'étages, tous tassés, des coulures d'humidité à chaque recoin, à l'allure de l'ancienne époque. Plus personne ne semblait vivre dans ce taudis, si ce n'était le couple et deux étranges voisins.

Elle se débarrassa du superflu de sa tenue et s'avachit sur son lit, assise les jambes croisées et ses bras tendus en arrière pour supporter le poids du haut de son corps comme un point d'appui. Elle tourna des yeux, fuyant son conjoint, contrariée par son attitude excentrique.

– Tu n'étais pas obligé d'intervenir.

– Ça m'amuse.

Elle tourna la tête vers la fenêtre, son regard concentré sur celle opposée à la sienne, perdue dans son monde qui avait l'air de davantage l'intéresser que la réponse qu'elle reçut. Son obsession pour cette vue était telle qu'elle attirait l'attention de son interlocuteur. Son corps complètement statique, debout devant elle, où seuls ses yeux prirent vie entre l'extérieur et elle, il souffla du nez d'agacement, dérangé par ce manque de concentration.

– Tu t'es décidée ? demanda-t-il froidement.

Elle haussa les épaules accompagné d'un soupir.

– Faut bien le faire. Je vais le tuer, lui et cette politique faussement égale.

– Tu sais que ça ne suffit pas de le tuer. Il va falloir viser plus haut.

Il n'eut aucune réponse, elle était bien trop préoccupée par cette fenêtre pour l'écouter, ce qui avait don de faire serrer le poing d'Ocrate.

– Tu n'as pas besoin d'eux.

Elle détourna enfin son intérêt vers lui et afficha une expression du visage fermée. Sans aucun autre détail, elle comprit son sous-entendu et s'y opposa fermement.

– Je veux leur avis.

– Mon avis ne te suffit pas ?

– Bien sûr que non.

Il lui tourna le dos et se dirigea vers la cuisine, posa ses mains sur le buffet, la tête baissée entre ses épaules et les bras tendus. Lentement, il prit une large inspiration, contenant toute la colère qu'il éprouvait, et rétorqua d'une douce voix sans bouger.

– Ils ne sauront pas te conseiller correctement. Je sais ce dont tu as besoin, je te connais par cœur, ce que je te dis est bon pour toi.

– C'est moi qui dois agir, c'est donc moi qui décide. Le jour où tu pourras t'en prendre aux autres, peut-être que ton avis aura son importance.

– Je ne veux pas d'eux chez moi, ajouta-t-il encore plus doucement.

– Alors vas-t'en.

Il se retourna sans détacher ses doigts qui serraient le carrelage du meuble et la fixa sans rien ajouter de plus. Elle se leva devant lui, déterminée dans son opposition, et s'avança vers la fenêtre qu'elle ouvrit.

– Lycure !

Elle fit un signe de la tête et quitta l'appartement pour se rendre à la porte d'à côté. Elle toqua et sans attendre de réponse, elle réintégra son logement. En quelques minutes, une femme aux cheveux noirs qui s'arrêtaient à ses oreilles pour laisser la visibilité à ses nombreuses taches de rousseur, un rouge à lèvres noir aux reflets d'un violet métallique qui s'assortissait parfaitement avec sa peau matte, qui s'avérait être sa voisine de pallier, et un homme aux boucles blondes dont ses longs cils courbés faisaient ressortir le bleu de ses yeux accessoirisés de deux diamants sous chaque œil, qui habitait dans l'immeuble d'en face, intégrèrent le lieu.

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