2/4 - Entre approche rationnelle et création fantastique

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Un début d’approche rationnelle

Si le monstre n’a jamais disparu du paysage, le XVIe siècle voit naître un regain d’intérêt pour le sujet : en cet âge de découverte, la soif de savoir et la volonté de repousser les limites de la connaissance portent à examiner ces êtres et ces choses qui semblent se rebeller contre l’ordre général ou en montrer une facette incompréhensible.

Les auteurs qui se penchent sur la question ne sont plus des philosophes et des moralistes, mais des "scientifiques", tels le chirurgien Ambroise Paré (rédacteur en 1573 d'un Livre traitant des monstres et prodiges), l'anatomiste bruxellois André Vesale, ou des érudits qui aiment à rassembler en leurs "cabinets de curiosité" non seulement des êtres difformes ou exotiques, mais aussi des pierres étranges, des vestiges archéologiques voire des œuvres d'art. La démarche devient plus rigoureuse et l'ouvrage de Pline l'ancien est élevé au rang de référence majeure. Malgré tout, en ce siècle troublé où le monde oscille entre science, perception mystique d'un ordre cosmique et vision divine traditionnelle, l'idée du monstre comme prodige à valeur d'avertissement perdure.

Néanmoins, les bases d'une approche scientifique sont mises en place. Du XVIIe au XIXe siècle, philosophes et naturalistes trouvent le chemin d'une approche plus rigoureuse. La nature n'est plus régie par une puissance divine fantasque, mais par un ordre établi au sein duquel toute chose, fût-elle inhabituelle ou stupéfiante, découle d'une cause précise. L'observation directe prend le pas sur la rumeur ou le bouche-à-oreille. Des savants tels que Buffon (1707-1788) puis Lamarck (1744-1829), fondateur de la biologie, entreprennent la classification des espèce. Darwin (1809-1882) développe les premières théories d'un mécanisme évolutif. La tératologie, en tant qu'étude des malformations congénitales, est initiée par le naturaliste Geoffroy Saint-Hilaire (1772-1844) et l'anatomiste allemand Meckel von Helmsbach (1781-1833).

L'évolution fantastique et morale

Dans le courant du XIXe siècle, le monstre perd officiellement son statut d’être sacré et divin, même si pour le commun, il reste « maudit ». Avec le développement de nouvelles approches sociales et morales se dégage une perception de l'humain monstrueux non en tant que créature « anormale », mais différente, notamment dans le regard des autres. Certains auteurs font tomber la vieille croyance selon laquelle la laideur de l’apparence aurait été le signe d’une âme tout aussi laide.

Ce n’est pas forcément nouveau : dans les contes du XVII et XVIIIe siècle, il arrive souvent qu’un pauvre héros soit affublé d’un physique difforme et disgracieux, mais c’est toujours par l’effet d’une malédiction, dont il triomphera après une série d’épreuves. La créature de Frankenstein n’est devenue monstre qu’à travers le regard des hommes. Quasimodo, repoussant, infirme et reclus du monde, est capable d’amour. On s’insurge contre le traitement subi par les malheureux exhibés dans les foires. L’ambiguïté liée à la monstruosité intérieure comparée à la monstruosité extérieure trouve son apothéose en 1932 dans le film Freaks de Tod Browning, qui se déroule dans le milieu des "curiosités de foire".

Le monstre n’est pas forcément un repoussoir : il peut aussi revêtir un aspect plus séduisant, plus trouble, qui va à l’encontre d’une morale bien établie, en particulier dans ses avatars les plus « sexualisés », comme les vampires. La littérature « vampirique » en est un témoin pour le moins brillant ; on ne présente plus le Dracula de Bram Stoker, mais il est nécessaire de se pencher également sur ses versions féminines, encore plus intéressantes : la vampire lesbienne Carmilla du roman éponyme de Joseph Sheridan le Fanu, ou Clarimonde, la Morte amoureuse de Théophile Gauthier qui entraîne un prêtre dans une étrange double vie de plaisir et de sensualité, entre rêve et réalité.

La littérature actuelle continue, pour l’essentiel, à jouer sur ces différentes facettes instaurées au fil du temps.

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