1/4 - Et le monstre fut...

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Qu’est-ce qu’un monstre ? La définition couvre toute l’étendue de la psyché humaine, entre rationalité (un être vivant présentant une anomalie physique importante), morale (un individu incarnant le mal et la cruauté) et pure fantasmagorie (une créature surnaturelle, étrange et fantastique, le plus souvent effrayante). Toute l’histoire des monstres, du moins dans notre sphère occidentale, constitue un dialogue entre ces différentes perceptions du fait « monstrueux ».

Depuis que l’homme s’est éveillé à la conscience, il a la faculté de s’étonner de ce qui lui semble excessif ou incompréhensible, de donner vie à ses peurs sous forme d’étranges êtres qui hantent ses nuits. Mais ce n’est que dans la Rome antique, au IIe siècle avant Jésus Christ, qu’apparaît le mot monstrum : il désigne alors ce qui porte atteinte à l’équilibre cosmique en sortant des schémas établis, qu’il s’agisse de créatures effrayantes ou mal-formées, de phénomènes météorologiques ou de comportements inhabituels. Le terme dériverait, selon les sources, du verbe monstrare (montrer) ou monere (avertir) et remonterait à une racine plus ancienne se rapportant à « la manifestation de l’esprit divin ». Car un « monstrum » est toujours interprété comme un avertissement des dieux, un présage le plus souvent néfaste.

Par extension, le monstrum finit par désigner tout être effrayant ou excessif, qu’il s’agisse des animaux exotiques mal connus ou des créatures composites de la mythologie. De prodige, il devient objet de curiosité voire d’étude. Même parmi ceux qui cherchent à les inventorier et les classifier avec un souci clairement scientifique, tel Pline l’Ancien dans son « Histoire naturelle » (1er siècle après J.C.), la superstition n’est jamais très loin et dans un univers encore mystérieux, les frontières du réel sont assez floues. Le Physiologue, texte grec rédigé au IIe siècle, s’intéresse plus à la symbolique des êtres et des minéraux qu’à leur nature véritable.

Au Moyen-Âge, le monstre devient omniprésent et adopte toute une variété de formes, issues de la mythologie antique, des croyances locales ou de textes religieux peuplés de figures démoniaques ou de funeste augure. C’est au XIIe siècle que le mot se francise sous sa version actuelle de « monstre ». À l’instar du Physiologue qui les inspire, les ouvrages dits « Bestiaires » rassemblent des descriptions d’animaux réels ou imaginaires, mais aussi de végétaux et de pierres ; ils se chargent de valeurs symboliques : vices et vertus, piété, hérésie... C’est entre morale et fantasme qu’évolue le monstre médiéval qui peuple les textes, les enluminures, les sculptures ou des tableaux comme ceux de Jérôme Bosch à la fin de la période.

Néanmoins, il ne faut pas trop dramatiser cette perception : le monstre, à travers ses excès, revêt également un aspect cocasse, souvent parodique, qui permet de braver impunément les contraintes morales et sociales de la société, d'où sa grande popularité dans les représentations artistiques de l'époque.

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