Le Foudroyant

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Par conséquent, Bertrand terminait exténué les vendredis avec une mine de citron pressé, épuisé de trop penser sans pouvoir s’exprimer de façon authentique. Cinq jours à se languir de retrouver sa liberté et de mener tambour battant ces deux autres journées.

Il passait donc ses weekends en quête d’attention. Il avait un besoin irréfrénable de verbaliser, d’expulser toutes ses idées réprimées. Et comme il n’avait pas d’amis, il déambulait seul. Il avait pris l’habitude d’aborder le premier venu ou en tout cas celui qui se laissait capter. Mais en règle générale, le passant ne faisait que passer et se passait souvent assez bien de ces paroles pressées qui ne lui étaient pas expressément destinées.

Ces entrevues s’achevait bien souvent en queue de poisson. Ses facultés communicatives habituées à être malmenées le poussait à disserter, dans une frénésie neuronale, sur tout et n’importe quoi. Résultat : ses idées s’auto-stressaient dès leur conception dans le cortex. Comme il les retenait la plupart du temps, au moment de sortir, elles se catapultaient littéralement entre elles avec la force de blocs de lave projetés lors d’une éruption. Chaque journée apportait en plus son lot de nouvelles pensées qui s’accumulaient aux précédentes. Ce cercle vicieux rendait son débit de paroles foutraque et délivré en vrac, à la va-vite. Son élocution n’avait ni queue ni tête pour son auditeur, alors que pour Bertrand tout semblait clair et limpide. À coup sûr, il mixait deux sujets, voire plus, dans la même phrase. Cela provoquait, hélas, des résultats cocasses.

Une fois au restaurant, il s’apprêtait à commenter la densité de la purée et venait d’apprendre un avis de tempête. Il avait voulu exprimer ceci : « Je regrette que votre cuisinier n’ait pas utilisé de presse-purée traditionnel, cela aurait rendu la texture de la purée moins élastique et gluante. » En vrai, il s’adressa au serveur ainsi : « La houle du mixeur dégrade la consistance. Quand le presse-tempête souffle, la chute d’écrasés s’intensifie et la “gluanteur” redouble. » Ce à quoi le serveur répondit poliment « Très bien Monsieur, je vais le signaler en cuisine ». Les deux camps semblaient satisfaits, alors qu’en réalité seul Bertrand exultait, laissant le jeune garçon médusé. Ce genre d’écueils se répètaient à l’infini. Bertrand tournait en rond avec lui-même et n’entretenait aucune interaction sociale de qualité.

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