Berlin

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 Je regarde ma soeur en souriant. Je suis tellement heureuse de la voir à mes côtés, une journée sans la voir, à me ronger le sang de savoir si elle est encore à Europa m'étais parue être une éternité. Je la prend dans mes bras quelques secondes avant de reculer et de lui répondre.

  • Il faut que nous allions à la gare, on va prendre le train t'imagines ?!
  • Oui, enfin calme-toi grande soeur. Ce n'est pas le train de tes livres d'Histoire.
  • Je sais... je sais, ce sont des train à sustentation magnétique... laisse-moi rêver un peu !

 Ma soeur me regarde avec un sourire moqueur. Je lui fais signe de nous mettre en route pour aller à la gare, qui, selon le Diplômé Ortiz, se trouve à une bonne vingtaine de minutes de marche. Le chemin nous permet de prendre plus connaissance de l'endroit qui nous entoure, une sorte de camp d'acceuil sobrement nommé AL1, pour Allemagne 1. En réalité une ville autrefois nommée Francfort-sur-l'Oder selon mon ex-professeur m'ayant expliqué qu'elle avait près de 100 000 habitants avant la guerre. Il est étrange qu'un endroit aussi grand ne soit réduit qu'à ça. L'absence de batiment anciens montre que les pays fondateurs d'Europa n'ont peut-être pas été épargnés dans leur intégralité durant la guerre. Les Europans ont pu ensuite raser ce qui apartenait au passé pour se projetter dans l'avenir. Quoi qu'il en soit, il ne reste aucune trace visuelle d'une ville ayant existé il y a quelques siècles, si ce n'est le batiment d'où nous venions de sortir. Autour de nous il n'y a que des immeubles assez modernes, certains gris, d'autres blancs... aucun ne semblant être des habitations, certainements des bureaux.

 Nous arrivons face à un batiment élancé sur plusieurs centaines de mètres, duquel sortent des pilones de bétons surmontés de rails sur la gauche. Il s'agit de la gare, elle est simple et sans ornements inutiles, les Europans ne s'embêtent pas à montrer de jolies et belles choses. Leur système ne fonctionne pas à travers la superficialité mais à travers sa pratique, et les choses pratiques n'ont pas forcèment à en mettre plein la vue. Surtout pour une gare d'un camp d'acceuil. Nous entrons, il n'y a pas grand monde, cette gare ne semble pas très active et ne doit servir qu'à extraire les nouveaux Diplômés vers d'autres endroits. Je m'approche du guichet, encore une fois une IA s'occupe des voyageurs. Je lui donne mon Diplôme de la façon dont le Diplômé Schulz nous a dit, ma soeur fait de même. L'IA valide nos autorisations de voyage gratuites pour quitter AL1. Comme il ne s'agit pas d'une grande gare nous avons un train directement à notre disposition qui doit partir dans une dizaine de minutes.

 Le train est assez petit et ne fait que trois compartiments. A l'intérieur du notre se trouvent trois autres personnes, je suppose qu'ils viennent aussi de réussir leur Diplôme. A part eux et nous, le reste semble vide. Le haut-parleur se met en marche, cette fois c'est un humain qui parle : Message à l'attention des voyageurs. Nous allons démarer dans six minutes. Nous vous prions de bien vouloir vous installer, arrêt Berlin.

 Le train se met en route, on ne ressent rien quand il commence à sortir lentement de la gare, avant de prendre sa vitesse de pointe. Le trajet ne dure que quelques minutes, je reste impressionnée de la rapidité pour parcourir une distance d'une centaine de kilomètres. Depuis les vitres du train j'ai eu brièvement le temps d'apercevoir le paysage, encore naturel par endroit, mais Berlin se montre comme étant une immense ville, la capitale-territorialité d'Allemagne. De hautes tours de verre semblent toucher le ciel et les étoiles, même à Moskva je n'avais rien vu de tel, d'aussi magnifique. Mes yeux ne sont pas habitués à voir autant de choses vivants, bougeant, fourmillant en même temps. Quand nous sortons du train, le hall ce cette gare est bondé de monde. Les Europans vont et viennent, le brouhaha de cette foule me vrille les oreilles. Je n'y suis pas habituée, et pourtant j'ai entendu bien pire avec mes armes, qui sont d'ailleurs restées confisquées par les soldats à notre arrivée. Voyant Aleksandra se boucher les oreilles, je suppose qu'elle partage mes sentiments.

 Nous marchons vers la sortie tant bien que mal en poussant doucement quelques personnes sur notre passage, parfois certains nous bousculent d'un coup d'épaule. Ils se retournent parfois pour nous pardonner, et repartir tout aussi rapidement. Une fois sorties nous pouvons respirer l'air libre, contempler le ciel bleu. Je peux voir les gratte-ciels, si près ils me donnent l'impression que de n'être qu'une fourmie, un microbe... nous sommes si petites. Astrakhan ne ressemble en rien à cette ville. La Russie, ne ressemble en rien en ce nouveau monde. Berlin, à elle seule, me fait tourner la tête.

  • C'est... c'est impressionant.
  • Je te comprends Lina. Je me sens perdue ici... pas toi ?
  • Un peu, il y a tant de gens que je pourrais croire que tout Europa est dans cette ville. Et ce n'est qu'une ville, justement...
  • Mais comment nous allons retrouver l'endroit où nous devons nous rendre.
  • Quelqu'un doit bien savoir où ça se trouve...

 Je vois un Europan qui semble attendre son train en fixant l'holo-TV affichant les horaires. Il s'agit d'un homme assez jeune, noir aux cheveux blond. Je m'approche de lui.

  • Excusez-moi, je cherche le Bureau de Propagande et ma soeur celui de Médecine.
  • Oh, fit l'homme surpris. Le Bureau de Propagande ? C'est pas très loin d'ici. Vous voyez cette tour là-bas ? fit-il en me désignant une étrange tour semi-cubique semi-ovale. Vous devez vous y rendre. Pour le Bureau de Médecine, rendez-vous à l'hôpital en longeant juste la route face à la gare et vous devriez y être assez vite.
  • Merci, souris-je.

 Il me rend mon sourire, je m'éloigne un peu pour parler avec ma soeur.

  • Bon Aleksandra, on se sépare pour le moment petite soeur. Tu te rends à ton Bureau et moi au miens. On se retrouve devant la gare ?
  • C'est noté Lina ! Je t'attendrais ici même !

 Je prends ma soeur dans mes bras, puis commence à partir en direction du Bureau de Propagande. La petite balade me permet de jeter quelques coups d'oeil sur cette vie qui s'anime autour de moi. Au pied des gratte-ciels, les gens passent sans se regarder. Certains portent des uniformes noirs, d'autres de couleurs. Certains sont habillés de façon plus libre, comme moi. Je sais que les uniformes sont obligatoires pour les horaires de travail. Je suppose donc que ceux qui en portent sont actuellement en train de faire leur boulot, des Diplômes dont je ne connais certainement pas l'existence tant il y en a, en tant que Diplômé Propagande j'ai appris ceux qui sont essentiels. Je ne saurais reconnaitre tous les différents uniformes non plus, peut-être bien que certains sont réservés pour les Diplômés travaillant Europa, d'autre pour des patrons privés. Je remarque que chaque uniforme possède un jeu de couleur supplémentaire, indiquant le Diplôme de la personne, là encore si j'en reconnais quelques uns, certains me sont inconnus. Ainsi, les uniformes noirs sont pour les personnes travaillant dans l'administration d'Europa, et les Diplômés Propagande ont des jeu de couleur bordeaux. Un second exemple, les personnes qui travaillent dans les services de santé ont des uniformes bleu gris, avec des bandes blanches latérales éclairante pour celles étant Diplômés Médecin... Il existe un véritable code d'uniforme pour les Diplômés, à l'image des couleurs des maisons médiévales et leurs armoiries.

 Je vois quelques personnes en armure blanche avec un casque vitré noir. Il s'agit de Diplômé Police. Bien qu'Europa soit un endroit sécurisé, fermé, impossible à pénétrer clandestinement, il n'y a rien de laissé au hasard, et la délinquance n'est pas pour autant absente. De plus, c'est une société contrôlée. Je ne vois pourtant personne avoir peur ou être choqué de voir des policiers armés dans les rues. Ils doivent avoir l'habitude, et à vrai dire je préfère ça que leur absence comme à Astrakhan. Ici, ils ne font que marcher dans la rue, procéder à des contrôles de façon hasardeuse - notamment pour les personnes qui ne sont pas en uniforme - sans se soucier d'autre chose. Acte de présence.

 Après quelques minutes de marche, j'arrive face à l'immeuble que l'homme de la gare m'a désigné. Il possède une base rectangulaire, puis s'envole vers le ciel de façon torsadée. Même s'il n'est pas très haut, il reste impressionant. Et je ne suis pas au bout de mes surprises lorsque je me décide de pénétrer à l'intérieur. Je passe une porte vitrée qui s'ouvre automatiquement à mon approche, et débouche sur un gigantesque hall, bien plus grand que celui du bâtiment du camp AL. Plus petite que celui de la gare de Berlin. Le toit plat de couleur anthracite est parsemé de petites lumières bleues qui tamisent la pièce, les colonnes de béton gris donnent un certain aspect esthéthique, et le sol gris complète ce mélange de couleurs froides en faisant fusionner le blanc du mobilier et le vert des plantes dans un ensemble maîtrisé.

 Je m'approche de l'acceuil. C'est une vraie personne qui se présente à moi, une femme rousse en uniforme violet. Elle m'adresse un sourire en me voyant et me demade qu'elle peut bien faire pour moi. Je lui réponds que je suis une nouvelle arrivante et que l'on m'a dit de me rendre au Bureau de Propagande.

  • Je vais avoir besoin de votre Diplôme, Madame.
  • Diplôme Propagande Avdeeva.
  • Deux petites secondes... oui, je vois. Je vous signale auprès du Diplômé Administration responsable des nouveaux arrivant. Prenez l'ascenseur là-bas, fit-elle en désignant une porte grise dans l'angle du hall. Montez au dernier étage, vous arriverez sur une petite pièce face à une porte, une IA vous demandera votre Diplôme pour confirmer votre identité et ouvrir la porte. Vous êtes d'or-et-déjà attendue, alors dépêchez vous.
  • Je vous remercie.

 Après avoir remercié la femme, je file vers l'ascenseur, c'est la première fois que je monte dans ce genre d'engin. C'est étrange, petit, on se sent enfermé là-dedans, coincée entre quatre murs noirs. Sur l'un d'eux il y a un panneau de commande holotactile. Le dernier étage est le N°50, je me demande bien la vue que l'on pouvait avoir de là-haut. Je sélectionne ce numéro, je ressens l'ascenseur commencer son ascension silencieusement, quand d'un seul coup j'aperçois de la clarté naturelle, les murs noirs deviennent des vitres et laissent apparaître l'immensité de cette ville autour de moi. Je suis prise de vertige alors que je constate avec effroie que je monte vers les cieux, jamais de ma vie je n'ai été aussi élevée dans le ciel, je suis effrayée. Mais je me reprends, je ferme les yeux... je préférais quand il y avait les murs.

 L'ascenseur s'arrête au dernier étage de l'immeuble, je suis si haut que je distingue à peine les gens, en bas. Et pourtant, je peux apercevoir d'autres gratte-ciels faisant au moins deux fois la hauteur de celui du Bureau de Propagande. Je sors de cette cage de verre terrifiante... Comme la femme l'a dit, je me trouve dans une petite sale vide, avec juste une plante. Il y a une porte grise sur un mur noir face à moi, et une IA qui se tient à côté. Elle me demande mon Diplôme, je lui donne. Elle ouvre alors la porte.

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