Le recrutement d’Elore

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Le lendemain, je me rendais au bureau pour travailler tout en pensant à la proposition de la coursière, Elore, alias de Bettina. Étant donné la situation d’une potentielle guerre ouverte avec le territoire américain de l’Aest, il est tout à fait possible que Sojusz décide de profiter et de mener des attaques plus ou moins sporadiques, voire de mener des attentats. Je ne sais pas combien il y a de cellules de traîtres encore actives à Europa, quand bien même les Chasseurs de la Légion les traquent sans relâche. Je ne pouvais pas laisser passer l’opportunité d’avoir cette coursière comme alliée, mais il était aussi impossible de lui faire entièrement confiance. Quoi qu’il en soit, elle allait devoir prouver son honnêteté. Elle possède déjà un diplôme, mais ce dernier est frauduleux, de fait je devais lui en faire passer un réel pour connaître ses compétences concrètes.

Alors que le soleil se levait à peine, cela faisait déjà plusieurs heures que je faisais mon travail de Dictatrice, à assumer la gestion de la Fédération. Les premiers rayons de soleil illuminaient la magnifique Capitale, Néo-Narbonne, lorsque je fus contactée par le directeur de la prison où était placée Bettina. J’avais visiblement rendez-vous avec lui en cette magnifique journée. M’excusant pour mon absence et mon futur retard, j'ai immédiatement pris la direction de la prison tout en contactant Adélaïde, devenue il y a quelques temps Conseiller du Recensement. Environ une heure plus tard, je me retrouvais devant Bettina, qui semblait toujours aussi fatiguée mais tenait la tête haute. Elle attendait ma décision, si j’acceptais sa proposition elle vivrait, passerait un véritable Diplôme, sa famille serait protégée et elle devrait trahir Sojusz pour s’allier avec Europa. Si je déclinais, alors seule la prison à vie ou la peine capitale l’attendait. Elle le savait.

  • J’accepte ta proposition.

À ces mots, la tête basse, elle relâcha sa respiration et esquissa un début de sourire de soulagement. En toute honnêteté, elle ne devait mon choix qu’à la situation vis-à-vis de l’Aest, je n’aurai jamais pris le risque de faire entrer une potentielle vipère à l’intérieur d’Europa sinon. Elle pouvait vraiment remercier Sojusz, ses anciens alliés, qui venaient finalement de lui sauver la vie. C’est alors qu’elle releva son visage pour me faire face.

  • Très bien. Alors je peux désormais te dire tout ce que je sais, toutes les informations que je possède.
  • Je n’en attendais pas moins. Dis-moi tout sur Sojusz, ses membres, son mode de fonctionnement, les traîtres présents ici, les Europans concernés, les lieux. Tout ce que tu sais. Ensuite, tu passeras un Diplôme.

A ces mots, Bettina nous indique absolument tout ce qu’elle savait sur la situation avec Sojusz. Elle nous donna quelques noms, ou plutôt des pseudonymes, mais la majorité étaient ceux de simples autres coursiers. Elle nous donna tout de même le pseudonyme d’un Chef, celui qui lui envoyé les ordres. Elle nous indique cependant des localités, comme des lieux d’échanges d’informations ou de rencontre entre des Europans et des coursiers. Ses différentes informations permirent sur les semaines suivantes d’arrêter d’autres traîtres et espions comme elle, permettant de glaner de nouvelles informations peu à peu.

Elle s’était montrée coopérative à chaque fois et la surveillance sous laquelle elle se trouvait n’avait pas identifié d’élément démontrant qu’elle faisait double-jeu. Assurée de sa motivation, je la fis passer directement un Diplôme d’Elite pour pouvoir intégrer La Capitale. Je voulais surtout faire en sorte qu’elle soit affiliée à Adélaïde comme Assistante de Renseignement. J’en discutais alors avec les deux concernées, qui me faisaient face dans mon bureau.

  • Adélaïde, je voudrais que Bettina soit sous tes ordres et ta responsabilité. Est-ce que tu peux t’en occuper ?
  • Hum, bien sûr ! Fit Adélaïde tout en regardant les résultats de Bettina. Elle a obtenu de bons résultats sur son examen, elle a les capacités. De toute façon, le renseignement elle semble avoir ça dans le sang non ?
  • C’est vrai ! Rigola Bettina, qui était présente à côté d’Adélaïde. Enfin, fit-elle de façon plus sérieuse, je l’ai appris de Sojusz après...
  • Bien. Cependant, je ne peux pas directement décider ça. Je dois faire voter le Conseil.

Même si j’étais Dictatrice, il y avait des choses que le Code Europan m’interdisait, et la modification des membres du Conseils ou de leurs assistants devait passer, pour des raisons d’équilibre des pouvoirs, par l’aval du Conseiller concerné lorsque je désirais leur attribuer un assistant, ou par mon autorisation lorsqu’ils voulaient en obtenir un de leur décision. De plus, les autres membres devaient voter pour valider la modification. De la même façon que pour l’Election du Dictateur finalement, où les membres du Conseil vote pour son élection. Le Président, qui assumait le rôle de chef de la Fédération d’Europa, était lui élu par un panel beaucoup plus ouvert de personnes mais toujours limité aux Élites Diplômés. Les simples Diplômés pouvaient cependant voter pour les membres du Conseil et pour les Chefs de Territorialité. Globalement les élections politiques d’Europa sont compliquées et n’ont, à mon goût, absolument aucun sens.

J’étais parvenue à faire intégrer de force sans l’avis des autres membres Adélaïde, mais c’était surtout grâce à quelques petites magouilles de ma part et le fait que le Conseil était incomplet depuis la mort de Samy, Theresa et Hiroki. Le vote ne pouvait malheureusement pas se faire car nous avions besoin d’une nouvelle personne comme Conseiller du Recensement dans l’urgence vue la situation, il n’était pas bon de perdre du temps en discussions et élections. Ces arguments étaient suffisants. Mais pour renforcer le pouvoir d’Adélaïde – et le miens par extension – en ajoutant une Assistance, encore choisie par moi, il n’était pas possible de couper court les élections cette fois. De plus, cette Assistante n’est pas entièrement nécessaire pour le travail d’Adélaïde.

Le Dictateur n’a pas le droit de voter pour la modification du Conseil et Adélaïde non plus puisqu’elle est concernée par le changement. Il y avait donc cinq personnes pour voter et j’avais besoin d’au moins trois Conseillers qui voteraient pour l’intégration de Bettina comme Assistante d’Adélaïde. Si l’idée venait de moi, j’étais certaine de me retrouver avec au moins deux Conseillers qui s’y opposeraient automatiquement : Asma et Anu. Du côté des alliés, j’étais certaine d’avoir les voies de la part d’Evans et d’Adeline. Lucas s’était toujours montré neutre lors des différentes réunions, sans pencher de mon côté ni de celui de mes opposants. De fait, l’intégration de Bettina reposait sur son avis.

Nous avions donc fait en sorte que l’idée vienne directement d’Adélaïde, et argumenter sur le fait que les connaissances de Sojusz de Bettina seraient utiles. Finalement, seule Asma, têtue mais surtout amie de Theresa, ne veut pas de cette intégration.

  • Nous n’avons rien à redire à la nomination de cette femme, si Adélaïde le demande alors elle doit avoir ses raisons. S’exprima Evans, au fait de notre manigance.
  • Je ne trouve pas normal qu’elle rejoigne Adélaïde si tôt, déjà que cette dernière n’a pas été placée ici suite à une élection du Conseil !

Asma était en colère, elle comprenait très bien que tout ceci n’était qu’une mascarade. Mais les faits étaient là, le Conseil avait voté pour introduire Bettina comme assistante à la Conseillère du Recensement. Bien sûr, avant de procéder à cette intégration, j’avais fait vérifier les premières informations données et toutes c’étaient avérées justes. Je la retrouvais à la sortie du Conseil, après que les autres membres du Conseil s’étaient retirés. Elle semblait contente, affichant un sourire discret, qu’elle avait du mal à contenir visiblement.

  • Tout se passe bien. Ta famille reste en sécurité et tu es désormais une de mes alliées. Tu as vite changé de camp, pour une personne se disant acquise à la cause de Sojusz initialement…
  • Hum, fit Bettina gênée, n’osant pas me regarder. Je reste toujours en accord avec les idées de Sojusz mais…

Elle marqua une pause de quelques secondes, et me regarda directement dans les yeux cette fois. Son visage était ferme, froid. Cet instant dura, un petit moment, un ange passa, avant qu’elle ne bouge ses lèvres pour murmurer faiblement.

  • Je suis une lâche. Elle sourit alors d’un coup, d’un sourire radieux mais triste.
  • Ce n’est pas lâche de désirer une meilleure vie.
  • Non. Tu ne comprends pas. J’ai abandonné mes idées, mes anciens alliés. Je l’ai est tous trahis. Mais en vérité, rien ne me retenait vraiment à eux. Après avoir goûté au luxe d’Europa, pour une nouvelle vie, je te serais entièrement fidèle.

Cette femme était tout aussi calculatrice que moi, abandonner ses idées et son combat pour avoir de meilleures conditions de vie n’était pas quelque chose de lâche mais d’audacieux. Ce sont ceux qui pensent de cette façon qui réussissent leur vie, pour le bonheur personnel, il n’y a pas de place à la bonne morale et à l’éthique, il faut savoir être égoïste. J’avais désormais acquis sa loyauté, achetée avec la protection de sa famille, de l’espoir d’une paix confortable derrière les murs d’Europa et surtout par l’accès à un petit peu de pouvoir. Les humains sont parfois si faciles à corrompre.

  • Par ailleurs, je dois t’avouer une chose. Je connais l’emplacement d’un officier de l’Unité des Os.
  • Tu… Tu disposais vraiment de ce genre d’informations ? En tant que coursière informatrice ? Etonnant.
  • Ah, oui. Disons que j’ai partagé quelques moments de… douceur avec celui-là. Mais il m’a traité comme de la merde après ça. Je n’ai pas de regret, ce ne sera que vengeance personnelle.

Intéressant. Bon ses histoires de plaisir sexuel ne me concernaient pas mais si ça pouvait me permettre de mettre la main sur un officier de l’Unité des Os alors c’était bienvenue dans ce cas. Par ailleurs puisque son arrestation avait été faite en toute discrétion, comme la mise sous protection de sa famille, tout de même restée hors d’Europa, les autres membres de Sojusz n’étaient pas au courant de son changement de camp. Je fis la proposition, en privé par le Réseau, à Adélaïde, à Evans et au Consul Arcadia, de faire passer Bettina toujours comme coursière pour qu’elle puisse obtenir de nouvelles informations.

Réponse à la conversation ouverte par la Dictatrice Conseillère AVDEEVA Lina – Gestionnaire Propagande : « Envoyer Bettina espionner Sojusz ».

Du Conseiller BROOKE Evans – Gestionnaire des Armées pour : « Je ne sais pas… C’est risqué. Tu as confiance en elle ? »

Moi : « Ses informations étaient correctes jusque présent. Et on a sa famille en otage en soit… ».

De la Conseillère MOREAU Adélaïde – Gestionnaire Recensement : « Je vais rester le plus en contact avec elle puisqu’elle est devenue mon assistante. Je vais la surveiller ».

De ARCADIA – Consul Légionnaire : « Je vais aussi la place sous la surveillance de la Légion. En toute discrétion, il va de soi ».

C’était un pari à prendre. Si elle était réellement honnête alors tant mieux, sinon on ferait en sorte de lui faire passer le message en s’attaquant à sa famille. J’en profitais donc de faire cette proposition à Bettina, tout en la mettant en garde sur le fait d’un retournement de veste. Bien qu’elle n’ait pas apprécié la menace, plaidant qu’il était dommage que je n’aie pas entièrement confiance en elle après toutes les informations partagées, mais avait accepté et renouvelé sa fidélité.

  • En vérité j’ai toujours désiré devenir Diplômée à Europa mais je n’avais pas les moyens. J’étais frustrée, du coût financier que cela représentait. J’ai rejoint Sojusz plus parce que je voulais devenir Europanne qu’autre chose, eux ils veulent plutôt détruire les murs, moi je veux que ce soit gratuit pour passer le Diplôme pour les personnes non nées sur place. En même temps, ce boulot me permettait de vivre. Mes idées diffèrent de celles de Sojusz, c’est bien pour ça que je n’ai pas de regret, mais les quitter… Je craignais qu’ils s’en prennent à mes proches alors justement, ne fait pas comme eux, ne les menaces pas !
  • Si ce n’est que ça tu devrais être ravie, tu as obtenu un Diplôme, et de niveau Elite, gratuit et ta famille est sous protection désormais. Je m’excuse pour cette menace. Je te comprends sur le coût financier, j’ai travaillé durement en Russie pour deux, pour ma sœur et moi, j’ai réuni la somme.
  • Oui… C’est vrai que tu n’es pas issue d’Europa. Tu peux me comprendre.

A ces mots, je l’invitais à venir déjeuner avec moi dans un restaurant proche de la Mairie. Il était déjà midi après tout et il n’y a rien de mieux que de partager un repas pour mieux se connaître.

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