Philosophie de comptoir

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Lorsque nous entrons dans le bar, plusieurs personnes se tournent vers nous comme le font si bien les gens quand une personne entre dans une pièce, le regard de curiosité porté sur ce nouvel arrivant. En général ils retournent vaquer à leurs occupations quelques secondes après avoir vaguement dévisagé, analysé et jugé ce dernier. Cependant ils continuent de nous fixer, jusqu’à ce qu’une personne commence à applaudir, suivit d’un autre, d’un autre, et encore un autre, jusqu’à ce qu’enfin l’ensemble du bar nous applaudisse. Je ne saisis pas la raison d’une telle ovation, quand un homme assis au comptoir se lève et vient me parler.

  • Dictatrice Avdeeva, c’est un… un véritable honneur pour tout le monde de vous voir ici ! Je pense que nous serons tous d’accord ici pour dire que vous méritez des félicitations ! Je vous en conjure Avdeeva, soyez ferme et tenez bon face à Sojusz ! Nous savons que vous avez déclaré la guerre et nous vous soutenons ! Tous, tous les Europans, nous sommes avec vous !
  • Oui ! S’exclame une jeune femme assise à une table. J’ai perdu un proche lors de l’attentat. Ce qu’il s’est passé avec les otages est terrible mais… vous aviez raison. Vous devez exterminer ces miliciens. Et l’invasion de la Pologne… Ils étaient impliqués, aucun regret !
  • Je suis… je suis vraiment touchée par ce que vous dites. Croyez-moi je luterais… Non, Europa lutte contre Sojusz, contre les nations ennemies extérieures aussi. Je n’ai pas souvent l’occasion de venir voir les Europans, même quand je n’étais que membre du Conseil. Mais je suis touchée par votre soutient. Vraiment, merci…
  • Ne pleure Lina, vient me soutenir Alexane, sois forte et ferme. Merci à vous pour votre soutient, s’énonce-t-elle à la foule, mais votre Dictatrice souhaiterait se reposer et commander à boire !

Je remercie Alexane d’un gratifiant sourire, bien sûr comme la Légion est un corps militaire secret vaguement mystifié personne ne peut reconnaître les Faucheurs. Cependant en tendant l’oreille sur les différentes conversations politiques des alentours, il ne fait nul doute que leur existence en tant que t’elle est plus ou moins connue sous le nom de « redoutables assassins » ou « tueurs implacables ». Tous ces gens me regardent du coin de l’œil. Alors que je pensais faire de mauvais choix, d’être potentiellement détestées ou mal-aimées après l’exécution des otages… et ils m’ont montrée leur soutien sans faille, tel que me l’avait dit Alexane dans son discours sur sa loyauté. Ce sentiment me porte à sourire. Alexane pose sa main sur la mienne, ce qui me surprend.

  • Malgré tout ce qu’il t’est arrivé… La mort de Lucien, la pression de la situation, la disparition de ta sœur, et nous la retrouverons, je te le jure… Eh bien, tu es toujours souriante. Tu es magnifique, Lina.
  • Merci Alexane. Mon père me disait d’ailleurs souvent quand j’étais triste qu’il y a des heures où il s’avère que nos armures fléchissent mais que les revers les plus sévères comme les murs se franchissent.

Alexane serre un peu plus ma main en faisant la moue triste. Mon sourire n’était que temporaire car je reprends une mine grave, tout en retirant ma main de la sienne, Alexane semble surprise et gênée de mon « refus ». Les beaux mots d’Alexane ne changent pas une réalité froide et cruelle, toute cette histoire ne pourra aller que de pire en pire. La guerre n’est pas à prendre à la légère et ce même si notre supériorité militaire et technologique sur l’Aest est évidente. Les Faucheurs vont devoir retourner au combat.

  • Tu devrais profiter de l’instant Alexane… Au lieu de parler de l’actualité politique. D’ailleurs comment avez-vous étés recrutés par la Lé… Je me coupe en me rendant compte qu’il valait mieux ne pas prononcer ce mot, entourée de cette foule. Dans l’armée, je veux dire… Vous me comprenez…

Arsen et Ahmed s’échangent un regard un bref instant.

  • Oh oui, je vois… Commence Ahmed. Eh bien dès que je suis arrivé à Europa en tant que migrant j’ai décidé d’intégrer l’armée. Mais comme je venais d’arriver ils m’ont refusés ce poste, les migrants ne peuvent pas intégrer l’armée avant d’avoir passé une année à Europa. Alors j’ai fait un Diplôme d’ingénierie pour travailler sur le montage d’armes, j’étais sur une base militaire en Espagne… Pas très grande, mais j’ai rencontré des gens pour me faire un réseau. Et au bout d’un an, j’ai demandé à passer le Diplôme de militaire. Ensuite, après trois ans dans l’armée j’ai été remarqué pour mes talents de tireur… Et voilà.
  • Quant à moi, reprend Alexane, tu sais l’histoire… Donc j’y ai été intégrée d’office. Et Arsen, puisque tu es un Europan de naissance, tu n’as pas eu à attendre n’est-ce pas ?
  • En effet ! Dès l’âge obligatoire de passer le Diplôme j’ai choisis l’armée. Mes parents étaient dans l’armée, les parents de mon père l’étaient aussi, les grands-parents aussi… Bref, logique que ma sœur et moi continuons l’histoire familiale militaire ! Mais je suis le premier de la famille à porter tu sais quel grade.
  • Vos dernières missions n’ont pas été trop difficiles ?

Réponse mitigée pour Arsen et Ahmed, ils n’ont pas eu beaucoup de missions ces derniers temps mais celle en Pologne était intense, surtout pour Alexane qui était partie assassiner les membres du gouvernement polonais. C’est ce que l’on attend de maîtres de l’assassinat tels que sont les Faucheurs après tout.

Alors que la conversation sur différents sujets lié à la vie de mes amis ou la politique Europanne, discutions auxquels viennent se joindre d’autres clients du bar, le temps passe rapidement jusqu’à ce qu’Arsen se rende compte de l’heure tardive.

  • Il serait peut-être temps pour nous de rentrer à la base, on va recevoir un blâme sinon.
  • Ah oui en effet ! Je devrais aussi rentrer me coucher, j’ai fort à faire avec le Conseil et tout ce bordel !

Arsen se lève en saluant les autres clients. Ahmed derrière lui. Alors que je me lève pour les suivre à mon tour, Alexane qui est restée assise m’attrape par le bras.

  • Euh… Lina… je voudrais discuter un peu avec toi en privé avant de partir…
  • Ah… Oui bien sûr, je me rassois face à Alexane tandis que les deux autres se rendant compte que nous ne suivons pas reviennent vers nous. Je leur fais signe d’attendre un peu. Qu’est-ce que tu me veux dire ?
  • Je m’excuse si je t’ai embêtée en te prenant la main je n’aurai pas dût. Je ne sais pas pourquoi j’ai…
  • Ce n’est pas grave Alexane, coupé-je cours les excuses de mon amie. Tu ne m’as pas gênée en plus, c’était agréable même. C’est de ma faute.
  • Mais, Lina…

Comme Alexane laisse sa phrase en suspens avec un regard vide posé sur moi, je suis obligée de la reprendre.

  • Alexane ? Tu as quelque chose à ajouter peut-être ?
  • Oui, je… Je ne sais pas trop comment te le dire en fait… Mais…
  • Qu’est-ce qu’il y a ? Tu m’inquiètes Alex…

Avant que je n’ai le temps de terminer ma phrase, Alexane s’approche de moi et m’embrasse tendrement pendant plusieurs secondes. Je m’arrête de bouger, paralysée, ne sachant comment réagir. Et rapidement le doute laisse place au plaisir, je l’attrape par la taille pour être plus à l’aise. Ces secondes-là qui me paraissent des heures sont bien plus intenses que notre câlin chez moi… ces secondes sont emprises de douceurs, pleines de passions, les lèvres fruitées d’Alexane au contact des miennes me calme énormément. Je suis emportée par ce baiser sur un rivage bien loin du stress de la politique, du Conseil et de tout le reste. Ce baiser, je voudrais qu’il continue encore, qu’il reste sur mes lèvres pour l’éternité. Je n’avais pas ressenti une telle passion pour quelqu’un depuis la mort de Lucien, et le fait qu’Alexane soit aussi une fille rend ce baiser terriblement excitant par ce côté inédit et inconsciemment désiré, il est différent sur tant de choses que je ne saurais définir que j’en oublie les regards braqués sur nous de toutes les personnes alentours. J’apprécie pleinement la savoureuse découverte sans me préoccuper d’autrui car il n’y a que les lèvres d’Alexane qui comptent.

Après cet instant de saveur, nous nous relâchons l’une l’autre pour nous regarder intensément plusieurs secondes. Sans un mot, et un seul petit sourire timide, nous sortons du bar pour rejoindre Ahmed et Arsen qui attendent Alexane dehors.

  • Eh bien Alexane, il semblerait que tu ais décidé d’enfin sauter le pas ! S’esclaffe Ahmed.
  • Devant tout le monde dans le bar, moi je dis bravo, en rajoute Arsen.
  • Bon écoutez je… je me passerais bien de votre avis ! Ah je sens que vous allez me saouler longtemps avec ça… Mais oui, j’aime Lina.
  • Tu vas bien Lina, me questionne Arsen voyant que je n’écoute pas vraiment leur conversation.
  • Oui… Oui c’est juste que… Merci Alexane. J’en avais besoin.

Alexane me salue et m’embrasse sur la joue, ils doivent rentrer à la base militaire avant que leur permission de sortie ne soit terminée. De mon côté je rentre chez moi en gardant ce précieux baisé en mémoire. Je peux encore sentir le goût de ses lèvres sur les miennes, j’en rougis bêtement seule dans les rues de la ville. Quelle soirée merveilleuse, je retrouve là le bonheur que j’avais avec Lucien au début de notre relation, mais Alexane est une personne bien différente, c’est quelque chose de commun tout en étant nouveau.

Pas de télévision ou de travail ce soir, juste être à l’aise et me coucher dans mon lit. Pas de stresse, pas de Sojusz, pas de guerre, pas de politique, rien du tout.

Jusqu’à ce que je me réveille avec un message reçu tôt le matin : convocation au Conseil d’urgence.

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