En face à face

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 Comme convenu, je rejoins l'Elite Diplômée Président Niogret au restaurant. Rien de luxueux ou de très prisé, au contraire il est simple et les tarifs ne sont pas élevés. C'est le genre d'endroit pour Monsieur et Madame tout le monde. Je suis étonnée qu'une personne de sa stature fréquente des établissements de ce genre : ordinaire.

 Mes préjugés sur les "personnes importantes" se sont forgés à cause d'une vie en Russie difficile et houleuse. Je n'étais qu'une fille "de la boue", c'est-à-dire une paysanne aux yeux de ces gens. Pourtant, mes parents et moi-même - ainsi que ma soeur - n'étions pas incultes, ni forcèment pauvres. Mais nos conditions de naissance et de vie se sont ancrés en nous comme une différenciation absolue pour les personnes qui naissent dans de meilleurs conditions.

 Je n'ai pas l'impression que les choses soient pareil à Europa, les gens ont l'air bien plus ouverts. Le principe d'égalité semble être important et très respecté. Les Diplômés sont sur pied d'égalité, il n'est pas question de richesse ou de naissance. Les Elites sont à peine au-dessus, mais de part le système méritocratique d'Europa, on ne peut pas dire qu'ils ne le méritent pas : ils ont travaillé dur pour ça.

  • Bonsoir Diplômée Propagande Avdeeva. Echanté de pouvoir te rencontrer en privé, s'annonce une voix suave dans mon dos.

 Surprise, je me retourne pour voir là un homme... entre vingt-cinq et trente ans. Cheveux noir, visage charmant, bien habillé. Le Président d'Europa sait se présenter. Je lui réponds timidement en croisant les doigts de mes mains.

  • Oh... bonsoir Elite Diplômée Président. C'est un honneur pour moi que de pouvoir...
  • Faisons fit des codes, me coupe t'il, tu peux m'appeller Lucien.
  • C'est un beau prénom. Moi, c'est Lina.
  • Nous nous étions rencontrés à Astrakhan, mais je ne me souvenais pas de ton prénom. Maintenant, ça me revient ! Enfin, entrons veux-tu ?

 Il m'invite à avancer, je pousse donc la porte du restaurant. Nous sommes recues par un serveur, je ne saurais dire s'il s'agit d'un humain ou d'une IA, mais je porterais mon choix sur la seconde solution.

 Une fois placés, nous commandons notre repas. Dans le même temps je remarque que Lucien me jette de bref coups d'oeils. Je trouve cela assez étrange, non pas que ça me dérange. Je suis aussi étonnée qu'il soit seul, sans garde du corps. J'en profite alors pour lui demander si ce n'est pas irresponsable de se balader ainsi. Il me répond qu'il a un garde du corps prêt à intervenir en cas de problème, il a cependant ordre de nous laisser manger tranquillement.

 Le repas arrive enfin, la bonne odeur qui s'en dégage charme mes papilles alors que je demande des explications à Lucien sur le hasard de l'avoir rencontré dans le tramway et à Astrakhan quelques années auparavant. Il termine d'ingurgiter sa soupe avant de me répondre.

  • Quand nous nous sommes rencontrés dans ta ville natale, j'étais simplement venu accompagné de mon père. Pendant qu'il faisait ses affaires, j'ai simplement profité de ce moment pour me balader.
  • Avec ton père ? Comment ça... je ne comprends pas.
  • Mon père était déjà Président... il est décédé l'an dernier. J'ai été élu par le Conseil comme nouvelle Elite Diplômée Président, sur la base des bons résultats de ma période comme Elite Diplômée Gestionnaire de Territorialité de France, poste que je conserve encore. Cela fait donc de moi le Président d'Europa, et le Maire de la Capitale. Et toi, qu'est-ce que tu as fais depuis notre dernière rencontre ?
  • Oh, pas grand chose ! Je suis simplement venue à Europa avec ma soeur, et je suis devenue Diplômée comme tu peux le voir.
  • Je vois ça, tu es dans la Propagande ? C'est une bonne chose, c'est un Diplôme très intéressant. Mais ça prend du temps !
  • Je fais aussi le professorat...

 Il me regarde en inclinant la tête et continue de manger sans me répondre. Je continue mon repas. De temps à autre,je remarque qu'il me jette des coups d'oeil assez discrète, mais pas assez pour une personne aussi attentive que moi. D'ordinaire, en Russie, je comprenais ce genre de regard d'un homme vers une fille ou une femme... mais ici, je suis en présence d'une Elite Diplômée. Du Président de surcroit ! Non pas d'un manant pervers et violeurs.

 Je le fixe alors du regard, jusqu'à ce le remarque en rougissant. Je lui plais, c'est indéniable. Pour le change run peu l'atmosphère, je lui parle de ce restaurant.

  • Ce n'est qu'un petit restaurant ! Fait-il en levant la main. Il y a bien mieux à la Capitale !
  • Ah oui, la Capitale. Mais seule les Elites peuvent s'y rendre. J'aimerais bien pouvoir réussir à m'y rendre un jour. De ce que je sais,c'est fabuleux là-bas.
  • Ce n'est pas différent d'ici, mais je dois avouer que la Capitale possède son charme. Je veux dire, tu ne seras pas perdue : des grands batîments, des gens partout, ça bouge, c'est dynamique. Mais c'est surtout de là-bas que se gouverne l'ensemble d'Europa !
  • Je sais... et même, c'est situé sur la Méditerranée. Je dois travailler encore énormément.
  • Si tu veux devenir une Elite, le travail est la clé. Lucien pose ses coudes sur la table et croise ses mains en se penchant vers moi. Nous sommes dans une société qualifiée de méritocratique. Malgré ses défauts, elle fonctionne. Je vais te dire comment faire...

 Par la suite, Lucien m'explique que pour devenir Elite il me faut m'inscrire aux listes de demande. C'est nécessaire, comme l'inscription à devenir Diplômé. Notre implication à la vie Europanne, notre travail effectué pour servir Europa... tout est étudié, le Conseil fait office de jury, et seul lui délibère de l'obtention ou non d'un passage comme Elite. Le Président a aussi son droit de vote.

 Je constate que ça n'a pas l'air très complexe, et que je suis impatiente de le devenir. Mais son visage devient un peu plus grave qu'avant. Lucien avale un verre d'eau avant de poursuivre sa tirade explicative forte instructive.

  • Malgré l'approbation du jury, il faut être introduit lors du Bal de Fin d'Année qui a lieu à la Capitale lors du Nouvel An. Toutes les nouvelles Elites sont présentée et certifiée à cette datte. Sauf la prochaine cérémonie arrive dans peu de temps...
  • Et alors, je ne vois pas où tu veux en venir.
  • Devenir Elite aussi rapidement est très rare. Peu de personnes ont réussis, je ne veux juste pas te donner de faux espoirs. Ni te décourager !
  • Je ne suis pas du genre à me décourager facilement, tu sais !
  • Je n'en doute pas Lina. En tout cas, je soutiendrais ta demander sans aucun doute. Tu as un bel avenir à Europa, j'en suis persuadé !
  • Merci... je voudrais aussi... si ma soeur fait aussi la demande, vous pourrez la soutenir, elle aussi ?

 Lucien me fait signe d'appréciation en finissant son fondant au chocolat. Je termine ma glace au nougat que j'ai commandé en dessert. Il paye pour moi, en rétorquant que je suis son invitée lorsque je proteste afin de règler ma part. Nous sortons ensuite du restaurant, Lucien me propose de me raccompagner chez moi. J'accepte. En chemin, nous en profitons pour discuter un peu de divers sujets.

  J'en viens à lui demander ce qu'il faisait au Bureau des Habitations. Pour les affaires, élude t'il ma question sans doute trop curieuse. Tant pis, je n'aurais pas ma réponse mais ça ne me concerne pas non plus.

 Nous arrivons après quelques dizaines de minutes à pied, profitant de la douce fraicheur d'un soir de Müllrose, face à mon appartement. Lucien me fait remarque que ce n'est pas très grand. Je me braque un peu en lui répondant que je ne suis pas une Elite Diplômée Président, moi.

  • Hé Lina, te vexe pas Je plaisante voyons ! Rit-il fortement en se moquant de ma mou boudeuse.
  • Ce n'est pas très drôle Lucien !

 Il est vrai que je me vexe très facilement, je n'ai aucune notion d'humour et encore moins d'ironie, de second degré... je suis bien trop rationnelle et terre à terre pour ça. C'est peut-être l'une des raisons pour lesquelles je n'étais pas trop appréciée plus jeune... les gamins d'Astrakhan voulaient s'amuser. Moi, je voulais étudier, lire et écrire !

 Jamais je ne fus une fêtarde, trop timide, trop introvertie. Même si je me suis "bonnifiée" en grandissant. Je rattrape le coup avec Lucien en lui faisant une petite tapper sur l'épaule, en espérant que son garde du corps ne prenne pas ça pour une agression. Heureusement, je ne vois personne pour venir me plaquer sur le mur de l'immeuble.

 Lucien a vu mon inquiétude à ce sujet, alors avant de se quitter alors, il me prend doucement par le bras. Il se met à mon niveau pour me chuchotter.

  • Tu sais, j'ai commencé à lire tes travaux. C'est un peu confus... mais c'est très prometteur. Si tu travailles dur, tu y parviendras. Bonne soirée.

 Je n'ai pas le temps de répondre qu'il s'en va sans se retourner. Je le remercie dans le vide à voix basse, en restant seule devant la porte de mon appartement. Je le vois disparaître en marchant rapidement dans la rue.

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