Chapitre XXXVII : Convalescence

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La sergente s’installa sur un tabouret, auprès d’elle, tandis que la caporale resta debout face au lit et croisa les bras. Amanda se frotta les yeux, ses pensées étaient encore embrumées, son rêve avait été bien trop réaliste à son goût, et ce n’était pas la première fois. Auparavant, Glaross lui était apparu de la même façon, en rêve, juste après son opération pour lui dicter sa destinée. Au fond, elle avait espéré ne plus jamais subir cette expérience onirique, mais c’était sans compter sur le tout puissant dieu du Feu.

Elle jeta un œil par la fenêtre : le ciel revêtait une teinte flamboyante, entre le jaune et l’orange clair, signe que le soleil allait bientôt se coucher. Dans les rues, on allumait déjà les lanternes, le calme régnait dans la cité et les passants se faisaient rares. L’agitation ambiante n’était plus présente, le gros des troupes avait dû se mettre en marche pour rejoindre la frontière, et le camp principal de l’armée.

« Que s’est-il passé ? », demanda-t-elle, le regard toujours perdu sur les pignons ombragés et les façades lisses des habitations du centre-ville.

« Vous vous êtes évanoui, l’air était en feu autour de vous, vos pouvoirs ont continués à se déchaîner même après votre perte de connaissance. Cela me coûte de l’avouer, mais c’est Maître Yann qui vous a sortie d’affaire. Personne d’autre ne pouvait s’approcher de vous, il a utilisé ses pouvoirs, je ne saurais vous expliquer clairement », avoua Lilith en faisant la grimace. Elle n’osait pas regarder le Maître de la Terre dans les yeux et était visiblement gêné.

« Je t’avais dit que j’étais là pour te protéger. Au royaume de la Terre, nous n’avons pas l’habitude de lancer des paroles en l’air ». Il fronça les sourcils, un peu vexé que l’on ne le prenne pas au sérieux, avant de hausser les épaules, résigné.

« Merci », bredouilla Amanda en observant ses mains. Elle avait encore l’impression que son corps était chaud, ses paumes étaient toutes rouges et ses anciennes brûlures la faisaient de nouveau souffrir.

« Pas de quoi, et puis ton unité me verra différemment, avec un peu de chance », répondit Yann. Visiblement satisfait de son petit effet, il affichait un petit sourire en coin un petit peu déplacé.

« Nous te sommes reconnaissant, mais que ça ne te monte pas à la tête, il ne manquerait plus que tu charmes nos soldates », grommela Maxim, appuyée par Lilith.

Le Maître laissa flotter quelques secondes, pendant lesquelles il les dévisagea toutes les deux, avant d’éclater de rire, ce qui surpris les trois femmes. Elles échangèrent de brefs regards, en se demandant ce qu’il y avait de si drôle.

Il balaya l’air devant lui, avant de répondre, « Je préfère les hommes, mais ceux de votre royaume ne sont pas mon genre, ne vous en faites pas ! ».

« Peu importe ! Là n’est pas la question ! », rétorqua la guerrière en haussant le ton. Amanda ne put s’empêcher de pouffer de rire, avant de changer de sujet et de leur demander si elle avait été absente longtemps, et comment c’était passé la descente du volcan.

« En fait, nous sommes en début de soirée, il ne nous a pas fallu longtemps pour rentrer à Chisé et il ne s’est rien passé sur la route, donc vous n’êtes resté évanouie que quelques heures, je dirais quatre ou cinq », lui expliqua Lilith. « Tout le monde était très inquiet de votre état, mais les mages nous on dit que vous pouviez être transporté sans problème, alors plusieurs se sont relayés pour vous porter, même Achille alors qu’il était également blessé ».

« Il a fallu user de notre autorité pour qu’il vous lâche et qu’il conserve ses forces, nous ne voulions pas qu’il aggrave ses blessures » ajouta Maxim.

Ému par ce résumé, Amanda les remercia, baissa les yeux et plongea dans ses pensées. Maintenant que les phœnix étaient ralliés à leur cause, il fallait rejoindre au plus vite la ligne de front et la frontière avec les terres infectées, ou l’armée stationnait actuellement dans l’attente des derniers régiments. Elle n’avait aucun doute et savait que la croisade ne débuterait pas sans elle et les créatures ailées, ces dernières allaient probablement se déplacer de volcans en volcans, en suivant la troupe à bonne distance jusqu’à atteindre un endroit qui leur conviendrait, et qui ne serait pas trop éloignée de l’armée. Les phœnix agissaient ainsi lorsqu’ils venaient prêter main-forte.

Comme s’il avait entendu ses pensées, Yann lui demanda : « Tu es sûre que les oiseaux de feu viendront après ce que tu as fait ? Ils pourraient tout aussi bien rester dans leur volcan, qu’est-ce qui nous prouve qu’ils seront présents ? ».

Elle s’assit sur le bord du lit avant de lui répondre en s’étirant, « J’ai vaincu l’alpha, il s’est incliné devant moi et a parfaitement compris ce que je lui ai dit. Ce sont des créatures extrêmement intelligentes, et très fidèles : l’alpha s’étant avoué vaincu, il mènera son groupe au combat comme je le lui ai ordonné, c’est la dure loi du plus fort ».

« Il aurait pu te déchiqueter avec ses serres, ou son bec ».

« Il aurait pu essayer, dans ce cas-là, mes faucilles m’auraient bien servie, ou sont-elles d’ailleurs ? ».

Lilith se tourna et fit quelques pas en direction d’une table haute ou était disposé les deux lames de la jeune femme, ainsi que son arbalète, ses carreaux, son cache-poussière et son chapeau. Elle récupéra le tout et lui amena, puis l’aida à s’équiper après s’être tout de même assuré qu’elle était en état de se lever.

« Nos éclaireurs vont un peu mieux ? », demanda-t-elle en mettant son couvre-chef.

« Oui, beaucoup mieux, mais ils sont encore très faibles. Achille et Koïra étant blessés, j’ai pensé que nous pourrions passer la soirée en ville et partir demain dans l’après-midi. Il est de toute façon trop tard pour monter l’expédition, et certains membres de l’unité sont assez fatigués après avoir marché toute la journée » argumenta la caporale en se massant nerveusement la joue.

« Hum, oui c’est juste… alors ils ont quartier libre jusqu’à demain ? ».

« Je vais leur annoncer, et leur dire que vous allez bien, cela devrait les rassurer », répondit Maxim en se levant. Elle lui adressa un signe de tête et se dirigea vers la porte, pour quitter la salle.

« Quant à moi, je vais faire un tour rapide avec les intendants pour vérifier s’il nous manque des choses pour la route, puis je passerais aux écuries m’enquérir des chevaux. Shôr et Jaken sont devant la porte, si vous avez besoin d’aide », elle jeta un regard en biais au Maître de la Terre, qui lui fit les gros yeux, puis elle s’en retourna, marchant dans les pas de Maxim en direction de la sortie.

« Ta caporale commence à m’exaspérer, je t’ai sauvé et elle agit encore comme si j’étais votre ennemi », s’offusqua Yann en fronçant les sourcils. Avec sa grosse barbe et ses cheveux mal peignés, il avait l’air d’un ours mal léché.

« Elle fait son travail, rien de plus, et je ne dirais pas que tu m’as sauvé, mais tu m’as bien aidé, en effet ».

« Hum ».

S’en suivi un silence gênant, durant lequel ils se regardèrent sans trop bouger, puis Amanda s’avança plus loin dans la pièce, pour voir si des soldats de son unité se reposaient également ici, mais il n’en était rien. Intérieurement, elle s’en voulait d’avoir perdu connaissance comme cela, en tant que Maître, elle avait un contrôle total et presque infini sur son élément, mais depuis sa stérilisation les choses avaient changé, son état physique affectait sa connexion avec la magie.

« Ça m’a fait tout drôle de te voir t’effondrer comme ça, j’ai bien cru qu’il n’y aurait de nouveau plus aucun Maître du Feu ».

« Cela risque de m’arriver encore, et plus d’une fois. Je vais finir par me dire que tu es vraiment là pour veiller sur moi, comme tu l’as fait ».

« C’est à cause de ce que t’ont fait les inquisiteurs que tu es comme ça ? Je n’ai jamais vu un Maître s’évanouir en utilisant ses pouvoirs ».

Amanda tressaillit, rien que le nom de ses tortionnaires lui donnait des frissons. Elle baissa les yeux, et respira un grand coup pour se calmer. Yann le remarqua, et s’excusa. « Désolé, je manque de tact, c’est un de mes défauts ».

Elle lui fit signe que ce n’était rien. « Oui, en effet c’est à cause de cela, mais je ne veux pas en parler, tout ce que tu as à savoir c’est que trop user de magie me fait souffrir, et si je vais vraiment mal, j’ai cette gourde, et la potion qu’elle contient m’aide un petit peu lorsque je souffre ». Elle lui montra la flasque qui pendait à sa ceinture, et qui n’était qu’à moitié pleine.

Yann haussa un sourcil et la considéra avec attention. « Qu’est-ce qu’il y a là-dedans ? De l’alcool de poire ? ».

« Non, imbécile. C’est une substance alchimique assez basique, un remède. Je ne saurais pas te dire tous les ingrédients que cela contient, je sais juste qu’il y a des graines de blé d’or, du lotus blanc, de l’huile de pavot, et des feuilles de vignes curatives broyées ».

Le Maître de la Terre siffla, et mis les mains dans ses poches. « Ah oui, je vois. Des ingrédients qui entre souvent dans la préparation des potions de soins militaires. Qui t’a donné ça ? ».

« Le général Mens, il m’a dit que je pouvais en demander à n’importe quel alchimiste, il faut d’ailleurs que j’en trouve un, j’espère qu’il n’est pas trop tard ». Elle se dirigea vers la sortie, et Yann l’accompagna, il n’avait de toute façon rien d’autre à faire et préférait donc rester avec elle, bien qu’elle ne lui ait rien demandé.

« Dis-moi, ça à quel goût ? ».

« Un goût minéral entre la terre et la cendre, avec un arrière-goût amer assez dégoûtant par ailleurs. Pourquoi, tu veux goûter ? » lui demanda-t-elle en souriant sous son chapeau.

« Non merci, je vais m’en passer pour le moment ».

La Maître passa la porte et découvrit qu’en effet, les deux gardes royaux étaient postés là. Ils s’animèrent comme des pantins à son approche et lui adressèrent chacun un salut militaire classique, avant de lui avouer être content qu’elle aille mieux. Shôr poussa même un soupir de soulagement en la voyant.

Elle leur indiqua qu’elle devait trouver un alchimiste, et ils lui proposèrent de l’emmener voir l’herboriste le plus proche, qui possédait apparemment une boutique non loin des quartiers de l’armée, car il commerçait souvent avec les militaires pour leur fournir du matériel, que cela soit des onguents et des baumes pour l’infirmerie, ou des potions de regain pour les mages conscrits.

Le petit groupe partie donc en direction de l’entrée de la caserne, et ils ne croisent que très peu de soldats : essentiellement des troupes en garnison, des très jeunes n’ayant pas totalement fini leurs classes ou des vétérans trop âgés pour partir en croisade. Ils allaient restés ici et veiller au maintien de l’ordre au sein de la cité, il devait également rester quelques généraux. Amanda constata que chaque ville avait sa façon de faire, en fonction des dirigeants locaux, car Tropyrr avait laissé beaucoup plus de troupe en faction, mais il s’agissait tout de même de la capitale. Yann aussi le remarqua et se permis quelques commentaires.

« Ce genre de chose n’arriverait pas dans mon royaume, nous ne laissons jamais nos cités affaiblies de cette façon, et pourtant, je vous garantis que nos jeunes et nos anciens sont costaux ».

« C’est pour ça que vous n’envoyez jamais de troupe nous aider ? », s’offusqua Jaken en lui lançant un regard mauvais.

« Vous n’en faites pas la demande, et nous avons nos propres frontières à garder ».

« Vous ne proposez pas non plus, et j’ai souvenir que notre reine vous ait demandé des renforts plus d’une fois, y compris pour cette croisade. Peu de soldats à vous se sont déplacés », grogna le garde, de plus en plus irrité.

« Nous subissons autant, voir plus d’attaque que vous, alors il est normal que nous ne puissions pas toujours aider. Par ailleurs, je vous ferais remarquer que notre royaume fournit déjà de la nourriture à tous les autres royaumes, et ce, toute l’année, notre soutien ne vient pas toujours de notre armée ».

« Vos ressources agricoles ne sauveront personnes si les monstres nous submergent, nous n’allons pas lancer des choux à la tête des orcs ! ».

« Alors investissez dans des arcs ! Comme ça, à défaut de lancer des choux vous tirerez des flèches ! ».

« Ah ! C’est facile d’accuser le matériel ! ».

« Non, c’est facile d’accuser ses voisins ! ».

Amanda intervint pour les calmer, car leur petite altercation ne menait pas bien loin et n’était en rien utile. « Vous continuerez cette conversation passionnante avec les piliers de bar de la taverne du coin, en attendant je ne veux pas vous entendre, c’est clair ?! ».

Les deux hommes grommelèrent puis firent silence, ce qui amusa quelque peu Shôr, qui se dit qu’il avait bien fait de ne pas prendre part au débat.

En chemin, le quatuor croisa Coraline, Tibalt, Capucine et Talann. Les deux derniers étaient présents au mont des lèvres rougeâtres et étaient donc en train de raconter ce qui s’y était passé, à grand renfort d’hyperboles et de métaphores grossières. Lorsqu’ils virent la commandante arriver, ils poussèrent des soupirs de soulagement et s’exclamèrent joyeusement à l’unisson, à tel point qu’ils en oublièrent presque de la saluer comme il se doit.

Le groupe avait au préalable croisé Lilith et Maxim, qui les avaient déjà mis au courant du plan pour les jours à venir, aussi allez-t-ils prendre du repos à la caserne, et passer la soirée à jouer aux cartes.

« Vous voulez vous joindre à nous, commandante ? je vous préviens, Coraline a horreur de perdre, je la connais bien », attesta Talann en arborant un grand sourire espiègle. Cette dernière ouvrit la bouche, choquée, et lui donna un coup de coude dans les côtés.

Amanda ricana, « Je passerai peut-être voir ça, alors, mais je ne promets rien, je suis encore un peu faible ». Sur ses mots, la Maître les laissa à leur occupation. Yann leur souhaita une bonne nuit, il essayait de se faire passer pour quelqu’un de sympathique, mais les militaires n’avaient pas oublié qu’il avait attaqué les éclaireurs quelques temps plus tôt, aussi très peu répondirent.

« Les soldates et les soldats commencent à vraiment bien s’entendre, commandante. J’ai constaté que des groupes se formaient déjà, mais dans l’ensemble tout le monde s’apprécie, ce n’est pas donné à toutes les unités d’avoir une si bonne entente après si peu de temps », lui affirma Shôr en se rapprochant d’elle.

« Ah oui ? C’est étonnant, même au sein des gardes royaux comme vous ? ».

Le soldat ajusta son casque et se fendit d’un petit sourire, « Pour ce qui est des gardes royaux, c’est encore autre chose : la plupart du temps nous nous rencontrons à l’école de magie car, au départ, nous sommes avant tout des magiciens avant d’être des guerriers, puis nous faisons nos armes au sein de l’armée dans des groupes d’entraînement spéciaux. Ainsi, notre cohésion est déjà forte au moment où nous prêtons serment de protéger la famille royale ».

« Je vois. Et en termes de magie, je me demandais : vous devez être plus puissant que nos mages, n’est-ce pas ? ».

Shôr haussa les épaules, « Je ne parierais pas là-dessus. Nous autre, nous avons dû apprendre à nous battre au corps à corps, à porter des armures lourdes, nos compétences sont plurielles, tandis que les mages sont réellement des spécialistes en sortilège, ils n’ont rien d’autre ».

« Oui, c’est vrai. Il faudrait par ailleurs que vous ayez également des potions de regain sur vous, même si vous ne lancez que peu de sorts, une ou deux ne peuvent pas vous faire de mal ».

« J’y penserais, commandante, nous en toucherons deux mots à la caporale Lilith ainsi qu’aux intendants ».

Ils arrivèrent enfin devant la devanture d’une boutique somme toute relativement banale, qui disposait d’un étal au-devant de la porte, sur lequel était disposé une grande variété de plantes séchées de toutes les couleurs et de toutes les tailles. La plupart étaient sous forme de bouquets, d’autres encore allaient par paire et certaines étaient unique, notamment les plus grandes et les plus colorées.

Un homme d’une trentaine d’année drapé d’une toge brune et d’un panache noir ouvrit la porte, et s’étonna de les trouver là. « Oui ? Je peux vous aider ? ».

« Vous êtes l’herboriste ? ».

« Oui, c’est bien moi, je m’appelle Bobb. Vous êtes des soldats de l’armée, à ce que je vois, n’est-ce pas ? ».

« Je suis Amanda, la Maître du Feu, et voici Yann, le Maître de la Terre ainsi que ma garde personnelle ». Elle désigna Shôr et Jaken, qui le saluèrent d’un simple signe de tête.

L’herboriste écarquilla les yeux, il ouvrit la bouche mais ne savait visiblement pas quoi dire. Il s’appuya contre la porte et regarda dans la rue, à droite et à gauche, comme pour essayer de deviner s’il s’agissait d’une farce. Puis il plongea de nouveau les yeux dans ceux de la jeune femme.

« Je… je suis véritablement honoré de votre visite, Maître ! J’ai eu vent de votre arrivée en ville grâce à mes clients, mais j’étais loin de penser que j’allais vous rencontrer en personne ! ».

« Merci, je viens vous voir car j’ai besoin de vos services, cette gourde que voici est presque vide, il faut que je la remplisse. C’est dans vos cordes ? ».

« Oui, oui ! Bien sûr, rentrez je vous en prie ! ». Il s’écarta du passage et lui tient la porte pour la laisser passer.

La jeune femme ordonna à Shôr d’attendre devant la porte, ils n’avaient pas besoin de tous pénétrer à l’intérieur. La pièce principale était une petite salle aux murs recouverts d’étagères, sur lesquelles étaient disposés des fioles et des bocaux remplis d’essences de fleurs, de pétales et de feuilles chamarrées. Il y avait également des caisses de matériels, et flottait dans l’air une odeur d’encens très subtile, ainsi que des effluves de cannelle, de coriandre, et d’herbes aromatiques. Un comptoir siégeait à l’autre bout de la pièce, c’est derrière celui-ci que s’installa Bobb en retirant son chapeau, découvrant sa courte chevelure brune.

« Alors, voyons donc cette gourde, si vous voulez bien », il tendit la main vers son comptoir et fouilla parmi les papiers, les herbes et les petites bourses de pièces et en sortie une paire de lunette ronde.

Amanda lui passa la gourde, et lui énuméra les quelques ingrédients qu’elle contenait et quelle connaissait. Elle ajouta qu’il avait normalement de quoi la remplir facilement, car c’était une substance relativement courante en médecine.

L’herboriste déboucha le bouchon et l’approcha de son visage pour sentir la potion. Son visage s’illumina soudainement.

« Ah ! Oui, je vois, j’ai ce qu’il vous faut, ne bougez pas. J’en ai pour, disons, environ une minute ». Il se dirigea vers un alambic, et fouilla dans plusieurs tiroirs pour en tirer des ingrédients. « La tête que vont faire mes collègues commerçants lorsque je vais leur raconter vous avoir rencontrer… ».

« J’imagine parfaitement », lui répondit-elle, l’air vaguement blasée. Derrière elle, Jaken était aux aguets tandis que Yann étudiait les bocaux, les mains dans le dos.

« Puis-je vous demander pourquoi vous avez besoin de cette potion ? Ce n’est pas un petit remède, c’est de la grosse médecine alchimique ».

La jeune femme ôta son chapeau et l’épousseta. « Je n’ai pas spécialement envie d’en parler, désolé ».

« Non, c’est moi », s’excusa-t-il, un peu gêné, il en profita pour changer de sujet. « Et vous concernant, Maître Yann ? La dernière fois que vous êtes venu au royaume c’était pour le conseil des Maîtres, à Tropyrr, il y a de cela presque un an maintenant. J’en avais entendu parler. Vous accompagnez l’armée en croisade ? ».

L’intéressé se retourna, nonchalamment, avant de répondre. « Ouais, on peut dire ça. J’accompagne surtout Amanda, en fait ».

« Oh ! Je vois, c’est une bonne chose, Anava doit nous porter dans son cœur. À ce propos, votre compagnon Loukas ne viendra pas, j’imagine ? J’ai cru comprendre qu’il avait été renié, et n’était plus ni prince, ni ambassadeur de votre royaume ».

Très mal à l’aise, Yann jeta un regard vers Amanda, sans savoir vraiment comment répondre à cela. L’herboriste se rendit compte du malaise, et agita les bras. « Non enfin, ce n’est pas ce que je voulais dire, je m’excuse ».

Yann leva une main. « Ce n’est rien, ce n’est rien, vous avez malheureusement raison. Je préférerais qu’il puisse venir combattre avec nous, mais le destin en a décidé autrement, je ne sais même pas où il se trouve… ».

Bobb se fendit d’un petit rire nerveux, quelques gouttes de sueurs perlèrent sur son visage lisse, il était apparemment stressé et commençait à être un peu mal à l’aise. Il finit par se concentrer sur sa potion, qu’il termina cependant assez rapidement.

Il rendit la gourde à sa propriétaire, et lui nota les ingrédients nécessaires pour la réaliser, au cas où elle n’aurait pas d’herboriste ou d’alchimiste sous la main.

« Je ne vous fait pas payer, c’est un service que je vous rends, alors n’hésitez pas à revenir s’il vous faut autre chose ! ». Il afficha un immense sourire et lui tendit la main.

Amanda la serra, et lui adressa un signe de tête entendu. Elle ne comptait pas réellement revenir par ici de sitôt, mais n’avait de toute façon pas envie de répondre. Elle sortit de la boutique en buvant une petite gorgée de sa potion, plus pour calmer les effets résiduels de son évanouissement que pour autre chose. Yann serra également la main à Bobb, qui lui affirma qu’il pouvait aussi revenir quand il voulait : les opportunités commerciales entre le royaume du Feu et celui de la Terre pouvaient se créer, les échanges pouvaient se faire même malgré la conjoncture actuelle, certaines plantes ne pouvaient être trouvées que dans le désert… etc.

Le Maître de la Terre dû l’interrompre dans son monologue, car il n’avait pas que cela à faire et que les autres s’impatientaient quelque peu.

« Au plaisir de vous revoir, chers Maîtres ! », leur lança-t-il en sortant à son tour. Il resta dans L'encadrement de la porte jusqu’à ce qu’ils passent dans une autre rue.

« Il est un peu indiscret, et bavard », chuchota Yann en revenant vers eux, le regard un peu dur.

« C’est un commerçant, pardonne-lui d’être jovial et d’avoir de la voix », lui répondit Jaken, sur le même ton.

Amanda ne les écoutait pas, elle marchait devant, les mains sur les manches de ses armes et l’air pensive. Il lui restait du temps avant de prendre la route, le lendemain, et elle hésitait quant à la façon de l’employer : Elle pouvait aller rejoindre les troupes, s’enquérir de l’état des éclaireurs, voir si Lilith n’avait pas besoin d’une aide quelconque, embêter Théo en lui donnant des ordres divers et variés… Elle fit le vide en elle-même pour se décider, et il se trouva qu’elle avait plus envie d’être seule.

« Je rentre à la caserne, dans mes quartiers. Ne me suivez pas ». Elle les distança.

Shôr tenta de la rejoindre, mais elle le congédia sans ménagement. Il s’en trouva déçu et rejoignit les autres, qui la regardèrent s’éloigner.

« Quelque chose la préoccupe ? », demanda Yann.

« Sans aucun doute. Je ne saurais dire quoi, mais je ne suis pas très doué pour parler aux gens, mes mots ne sont pas des plus doux », s’excusa Shôr en baissant la tête, déçu.

« Les miens non plus, mon frère. Allons voir la sergente et la caporale, elles sont plus à même de lui parler et d’adoucir ses peines », lui confia le second garde royal en le prenant par une épaule.

La jeune Maître ne mis pas longtemps pour rejoindre sa chambre, la caserne étant presque intégralement vide. Elle fit d’abord un crochet par les cuisines et se prépara un en-cas avec des restes, car elle avait une faim de loup, et remonta ensuite. Le calme régnait en ce lieu, et le soleil déclinant, Amanda alluma quelques bougies en un claquement de doigt, et s’assit en tailleur sur le plancher.

Ses pensées vagabondèrent, elle vit ses proches, notamment la reine, mais aussi ses parents, le général Mens, ses amis d’enfance, et bien entendu Loukas et Claod. Ces derniers restèrent longtemps dans son esprit, malgré sa volonté de faire le vide, elle ne pouvait s’empêcher de les voir et de penser à eux. Elle se remémora alors à ce que lui avait dit Glaross, lors de son rêve : qu’elle avait une certaine affection pour les énergies de la Terre, et que cela venait sans doute du lien qu’elle avait eu avec Loukas.

Après une dizaine de minute de méditation, elle ouvrit les yeux, et abandonna. Les bougies s’éteignirent, sauf une, en face d’elle. Tandis qu’elle l’observait, une larme se forma au coin de son œil et coula sur sa joue. Quelques autres suivirent, mais elle resta impassible, le regard perdu sur la flamme. Trois brefs coups sur le bois de la porte lui fit reprendre contenance.

« Qui est-ce ? ».

« C’est moi ». Elle reconnut la voix de Yann.

« Je n’ai pas envie de discuter, il est tard, tu devrais te reposer, toi aussi ».

« Si tu ne veux pas parler, moi, je parlerais. Ouvre-moi, je t’en prie ».

Après quelques secondes d’hésitation, elle leva le loquet et le laissa entrer.

« Merci ».

Elle ne répondit pas, et se rassis là où elle se tenait un peu plus tôt.

« Tu recherches la solitude. Je peux le comprendre. Nous, les Maîtres, sommes généralement seul, au moins dans nos cœurs ».

« Ne me fait pas la leçon, j’ai moi aussi lu le livre de Maître Trodd, ‘’Pouvoir Divin’’. Je sais que les Maîtres sont des éternels incompris, que leurs pouvoirs les isolent ».

Il leva les mains en signe de reddition et sourit. « Je vois, désolé. J’essaie de trouver les mots pour te faire te sentir mieux, j’ai l’impression que tu ne vas pas bien. Je me trompe peut-être ? ».

Pour toute réponse, elle haussa les épaules, sans le regarder, et s’affaira à mettre de l’ordre dans ses cheveux, ils étaient secs comme de la paille.

« Je ne suis pas très doué pour ces choses-là, tu sais. Rassurer et consoler, ce n’est pas mon fort. J’ai essayé avec Loukas, lorsque nous étions au royaume de l’Eau, juste avant d’être convoqué par ta reine, mais ça n’a pas vraiment fonctionné. Tu as pleuré ? ». Il montra du doigt les sillons creusés par ses larmes, ainsi que ses yeux encore un peu rouges.

« Ce n’est rien… ».

« Tu sais, tu peux m’en parler… Je ne suis pas de très bon conseil, mais je peux écouter, c’est d’ailleurs le minimum, et c’est ce que font les amis ». Il lui sourit, et s’assit en tailleur en face d’elle.

Elle soupira et se frotta les paupières, sans prendre la peine de lui rappeler qu’elle ne le considérait pas du tout comme son ami. « Je ne sais même pas par quoi commencer, je suis fatigué ».

« Mais encore ? Pourquoi pleurais-tu ? ».

« Je ne sais pas, je méditais, je pensais à des gens, des connaissances, des amis, ma famille ou ce qu’il en reste ».

« Tu as de la peine en pensant à eux ? ».

« Peut-être… ».

Il ne répondit pas, attendant qu’elle s’ouvre un peu plus à lui sans pour autant la forcer à parler. Ce n’était pas dans ses habitudes de fouiner, même s’il était d’une nature plutôt curieuse.

Après près d’une minute de silence, elle continua. « Je pensais justement à Loukas… ».

« Tu as eu une nouvelle vision ? ».

« Non, je repensais aux moments que j’ai eu avec lui, il n’en reste que des souvenirs, et des cicatrices… ». Elle posa une main sur son ventre, le visage crispé par la douleur, la colère et la tristesse. Elle ne s’était jamais ouverte à quelqu’un depuis son opération, et avait toujours affiché un masque de résignation, de détachement et d’insensibilité, comme si elle était devenue imperturbable et inatteignable, mais il n’en était rien, en vérité.

« Avec les récents événements, j’ai du mal à garder le contrôle sur mes émotions, mes sentiments. Il ressurgit sans cesse dans ma tête, je vois son visage quand je ferme les yeux, je pourrais le dessiner si je le voulais. Cela ne me faisait pas cet effet-là quand j’étais au château, à Tropyrr. J’arrivais à ne pas penser à lui, mais là, c’est très difficile, et ces visions ne sont pas là pour m’aider… ».

« Mais… je redoute un petit peu de te poser cette question, mais elle me semble importante : es-tu toujours amoureuse de lui ? ».

Plusieurs autres larmes coulèrent de ses yeux, et elle se fendit d’un petit rire cynique. « Je ne sais pas, et c’est ce qui me rend la chose encore plus insupportable. L’opération que j’ai subie n’altère pas seulement mon lien avec la magie, mais inhibe aussi certaines sensations, certaines émotions et sentiments. J’ai un mal fou à savoir clairement ce que je ressens pour lui, et ça me rends folle quand j’y pense trop… Je ne comprends pas… Glaross et Anava avaient pourtant tout orchestré, il ne s’agissait pas d’un amour normal, nous étions en partie envoûté par nos dieux ».

« Je ne pensais pas les dieux capables de faire de tel choses à leurs champions sur terre ! C’est d’une incroyable cruauté, je ne saisis pas leurs intentions… ».

« Ils voulaient que je devienne forte, ils voulaient que je parte en croisade, avec l’armée, pas que je sois amoureuse… Ils se fichaient éperdument des sentiments que je pouvais avoir… ».

« Mais c’est ridicule ! Maintenant au lieu d’avoir deux Maîtres unis avec des pouvoirs presque illimités, ils ont deux Maîtres brisés aux pouvoirs affaiblies ! Car j’imagine que Loukas est lui aussi en partie en décalage avec la magie ! ». Il se leva et fit les cent pas dans la pièce, une main sur le front. Amanda sanglotait toujours.

Lorsqu’il s’arrêta, son regard se posa sur elle alors qu’elle pleurait de plus en plus, visiblement à bout de nerf. Il s’agenouilla à sa hauteur et lui saisit les mains.

« Hey, ça va aller. Je suis sûr que tes sentiments se révéleront un jour, vu que de toute évidence ils sont là, mais sont simplement enfoui très profondément. En faisant suffisamment d’exercice et de méditation, tu arriveras à mettre des mots sur ces sentiments, tu verras. Tu es bien plus forte que ça, j’ai pu le voir aujourd’hui ».

« Il y a bien un sentiment que je ressens quand je pense à lui, c’est le sentiment d’être vide, de n’être plus rien… Je le ressens d’autant plus depuis le début des visions, après notre départ de Tropyrr, j’ai presque l’impression que le sentiment de dépendance que j’avais vis-à-vis de lui est en train de ressurgir… ».

« Non, tu n’es pas rien, Amanda, tu es unique. Tu as commis des erreurs, certes, mais même les Maîtres peuvent en commettre, et puis, si je comprends bien, tu n’es pas vraiment responsable de ce qui est arrivé, tu l’as surtout subit... Il faut maintenant te reconstruire, et apprendre à t’aimer, et peut-être réussiras-tu à clarifier les choses en ton fort intérieur. Tu es jeune, tu as tout le temps devant toi ».

« Comment pourrais-je m’aimer… J’ai transgresser les lois, j’ai fauté… ».

« Je le sais, mais tu peux te pardonner, les membres de ton unité l’on bien fait, eux. Ils t’acceptent tel que tu es, avec tes défauts et tes qualités. S’ils le peuvent, tu peux le faire également ».

Elle hocha la tête, car cela faisait écho à ce que lui avait dit Lilith, quelques temps plus tôt.

« Je… Je vais essayer… ». Elle avait déjà fait beaucoup pour changer après son retour à la capitale du royaume du Feu : physiquement, elle n’était clairement plus la même, et son état d’esprit avait également beaucoup changé, elle était plus froide et plus distante avec tout le monde, afin d’éviter de s’attacher à eux, par peur de souffrir encore une fois. Les liens qu’elle commençait à tisser avec les membres de son unité l’aidait à ce niveau-là, afin qu’elle ne se renferme pas plus.

Yann lui sourit de plus belle. « Alors c’est parfait, je ne peux pas t’en demander plus ».

« Tu sais, lorsque je suis devenu une Maître du Feu, je me suis dit que j’avais beaucoup de chance, que c’était un grand honneur. Aujourd’hui je n’en suis plus tout à fait sûre… », lui confia-t-elle en baissant les yeux sur l’unique bougie qui éclairait la pièce. Sa faible lumière se reflétait dans ses yeux écarlates, qui luisaient ainsi comme des rubis.

« Je peux le comprendre. J’ai déjà parlé de ça avec Loukas, il m’a dit qu’il se contentait de vivre et essayant de faire le plus de bien avec son pouvoir. Il ne considère pas qu’il soit chanceux ou béni, mais qu’il a une responsabilité, un peu comme toi qui décide de partir en croisade avec l’armée de ton royaume. Aucun d’entre nous n’a demandé à devenir un Maître, c’est ainsi, nous n’y pouvons rien. Ce que nous pouvons faire, c’est décider comment utiliser au mieux ce ‘’don’’ ».

« Ça je le sais, c’est d’ailleurs une des rares choses dont je sois sûre ». Elle leva une paume devant son visage et sa main s’enflamma, formant une sphère à l’intérieur de sa paume. Le feu lécha sa peau sans lui faire le moindre dégât.

« Je peux te poser une question ? », lui demanda-t-elle.

« Je t’en prie ».

« Est-ce que… tu crois qu’il me déteste ? Loukas ? ». Elle lui lança un regard dur, rempli de souffrance.

Légèrement surpris, Yann se releva et passa une main dans ses cheveux. « Et bien, je dois dire que c’est quelqu’un d’assez rancunier, mais je ne vois pas de raison pour qu’il te déteste, tu n’es pas plus fautive que lui dans cette affaire, si ? ».

« C’est moi qui ai craqué la première… J’ai tout avoué aux inquisiteurs quant à notre relation, tout est ma faute… Ça me pèse énormément... ». Son visage se tordait sous la crispation, elle avait l’air de s’en vouloir terriblement. Les flammes dansèrent de plus belle, avant qu’elle ne referme le poing, les étouffants par la même occasion.

« Ah… », fit Maître Yann, un peu gêné. « Je ne le savais pas… Dans tous les cas, les inquisiteurs auraient fini par obtenir la vérité d’une façon ou d’une autre, tu vous as peut-être évité plus de souffrance par ce geste. Mais cela ne change pas grand-chose concernant Loukas, le connaissant il doit être dans le même état que toi, actuellement. Bien qu’il ait l’air plus fort, ce n’est qu’une façade, c’est encore un petit garçon, tu sais ».

« Oui, je sais. C’est une chose qui me plaisait beaucoup chez lui… ».

« Moi aussi. C’est vraiment un très bon ami, un excellent bretteur et un magicien hors du commun. Il connaît des sortilèges que moi-même je ne maîtrise pas, comme la transmutation de minerai en fleur, il t’a déjà fait le coup ? ».

« Oui, une fois lorsque nous étions à Tropyrr. Il a cristallisé un morceau d’étain en sauge des neiges, après un entraînement, pour me montrer à quoi cette fleur ressemblait ». Sans même sans rendre compte, elle sourit en y repensant, adoucissant un petit peu sa peine.

Yann se mit à rire, et s’adossa contre un buffet en croisant les bras. « C’est un sacré phénomène, ça c’est sûr ! ».

« Comment vous êtes-vous rencontré ? ».

Il se frotta le menton et rassembla ses souvenirs, tout en s’installant à côté d’elle. « C’était il y a à peu près trois ans, je crois, peut-être plus. Son frère le roi nous avait fait venir pour le rencontrer, la nouvelle de sa réapparition avait eu un fort impact au royaume de la Terre, surtout à Nienlass et au sein de l’aristocratie. J’étais du côté des Montagnes du Nord à ce moment-là, j’ai mis un moment avant de rejoindre la capitale, les autres Maîtres de la Terre l’avait déjà vue, j’étais le dernier. Même son cousin avait fait le déplacement depuis les lignes de front, à l’est. Bref, tu sais que selon la tradition, pour devenir officiellement Maître, il faut rendre visite à tous les Maîtres de son élément, puis passer un entretien avec le roi afin qu’il nous accorde un vœu ? ».

La jeune fille fit signe que oui, d’ailleurs, si elle avait su ce qui allait arriver à Nienlass, elle aurait changé son vœu sans hésiter et demandé une résidence isolée et qu’on la laisse tranquille.

« Loukas n’a pas échappé à cette tradition, et c’est comme ça que je l’ai connu. On a beaucoup discuté pendant cette période, et on a même voyagé un petit peu ensemble, mais il a vite pris un autre chemin, il avait apparemment beaucoup à faire. Je crois que ce qui m’a frappé la première fois que je l’ai vu, c’est son émanation magique, qui a l’odeur de la framboise ». Il éclata de rire et se frappa la cuisse. « J’étais sûr que sa magie sentirait le métal, comme moi, ou même une essence de bois particulièrement dure, pour la simple raison que je pensais qu’il fallait ce genre d’odeur magique pour réussir à survivre aussi longtemps tout seul, dans les terres infectées qui plus est. Je m’étais donc attendu à quelque chose de puissant, de rude ».

« Les apparences sont trompeuses ». Elle lui sourit faiblement.

« Tu l’as dit ! Sa façon de combattre m’a vite fait comprendre mon erreur, ses trois épées ne sont pas là pour faire jolie ».

Les secondes s’écoulèrent sans un bruit, Yann avait croisé les bras et ricanait toujours un petit peu, mais son visage s’assombrissait.

« Tu avais raison, tu sais… ». Dit-il.

« À quel propos ? ».

« Lorsque tu disais que je l’avais trahi… Tu avais raison. J’ai voulu aller le voir, après l’opération, mais il était évanoui et son corps était en stase, alors j’ai aidé à dégager les décombres du séisme. Lorsqu’il est revenu à lui, seul son cousin et son frère ont pu le voir, avant qu’il ne disparaisse… Je n’ai pas pu lui faire mes excuses… ».

« Tu crois que nous le reverrons un jour ? Il semble que nous ayons tout deux des choses à lui dire… ».

Le Maître de la Terre fixa un instant l’unique flamme qui éclairait la chambre. « Je l’espère, Amanda. Je l’espère sincèrement ».

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