Chapitre XXVI : Une tâche à accomplir

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Amanda ouvrit les yeux, découvrant le plafond marbré de sa chambre à coucher. Ses draps étaient trempés de sueur, elle avait encore beaucoup transpiré cette nuit.

Le soleil perçait à travers les quelques fenêtres de la pièce, faisant fi des rideaux fins et orangés.

Elle soupira longuement, le regard dans le vide et l'esprit encore embrumé par les caresses nocturnes, et les affres de ses cauchemars.

Elle repoussa le tissu qui la drapait et se leva, enfilant un simple pagne entouré de dentelles pour cacher son sexe.

La jeune femme approcha de son miroir, accroché sur le mur au-dessus de sa commode, et contempla son image.

Ses cheveux n'étaient plus vraiment bruns, mais oscillaient entre le noir profond et le roux foncé, et seul quelques mèches dépassaient ses épaules pour descendre jusqu'à sa poitrine.

Une partie de son crâne était rasé de près, surtout sur le côté droit de son visage, autour de l'oreille. À l'arrière, elle portait une grande tresse, serpentant pour arriver au milieu de son dos.

Ses yeux étaient d'un rouge éclatant, brillant presque comme des rubis, lui donnant un air très surnaturel.

Le plus dérangeant était son visage, complètement impassible et fermé. Ses sourcils étaient presque entièrement rasés, et une cicatrice de brûlure marquait sa joue droite, remontant jusqu'à son front, aux commissures de ses lèvres, jusqu'en-dessous de son œil, puis vers son oreille en partant même sur son crâne. En somme, une bonne partie de son visage était complètement brûlé.

Elle palpa la cicatrice de ses doigts fins, la piquant du bout de ses longs ongles qui semblaient taillés comme des pointes de flèches. Puis, elle en toucha une autre, sur son épaule gauche, et une autre qui ceignait ses flancs, ainsi que d'autres brûlures moins importantes sur ses bras et ses jambes, jusqu'à ses pieds. Son corps entier semblait avoir subi des dégâts liés au feu, de manière éparse.

« Je n'y suis pas allé de main morte », murmura-t-elle. Sa voix était légèrement plus grave qu'auparavant. Elle se racla la gorge et soupira de nouveau. La vision de sa peau calcinée et presque morte ne la dérangeait pas, au contraire. Voir cela lui rappelait une chose : la souffrance qu'elle avait endurée, la douleur. Cela n’était rien comparé à la stérilisation.

Elle avait souhaité mettre fin à ses jours plusieurs fois, sans jamais pouvoir aller jusqu'au bout. Les marques pouvaient être effacés, car la médecine en avait la capacité, mais elle préférait les garder.

« J'espère que si je ne suis plus belle pour personne, on me laissera tranquille », s'était-elle dit.

Elle se détourna de son reflet pour ouvrir une grande armoire, dans le but de s'habiller. Elle revêtit donc un corset, fermé par quelques ceintures et autres lanières, et sur lequel figurait le dessin d'un phœnix, vu de face. Ses ailes ouvertes couvraient la poitrine de la jeune femme.

Puis, elle passa un pantalon fait d'un cuir souple et recouvert par endroit d'écailles de reptiles, des gants fins, toujours en cuir, des brassards à lacets ainsi qu'un long cache-poussière avec un grand col rigide, qu'elle pouvait lever pour passer plus inaperçu, et dont les manches s'arrêtaient au niveau des coudes.

Pour finir, elle saisit un chapeau marron, aux bords très large et piqué d'une plume verte, qui était accroché à un porte-manteau.

Son apparence laissait penser qu'elle était troubadour, ou musicienne. Sa petite taille ainsi que sa silhouette gracile attestaient de son jeune âge, bien que son visage et son corps paraisse plus vieux qu'auparavant. Elle faisait à présent beaucoup plus la vingtaine que le début de l'âge adulte.

La jeune femme s'approcha d'une fenêtre et regarda en contrebas : Tropyrr était agitée, comme toujours, bien que l'activité dans les rues était normale. À cette heure, les commerçants commençaient à peine leur journée, les étals de marchandises et de nourritures étaient donc encore bien garnis et les habitants étaient au rendez-vous.

Elle vit passer de nombreux hommes et femmes en armes. Des unités de lanciers, mais aussi des fantassins. Tous avaient de grand sac à dos de survie, rempli à craquer. Son regard pointa en direction du quartier général des armées, ou l'activité semblait beaucoup plus importante.

Elle sortit de sa chambre en grande hâte, passant devant la sentinelle qui était postée là, et qui se mit à la suivre, la main sur la garde de son épée. Pestant intérieurement, elle prit une mine résignée : depuis son retour à la capitale, il y a des mois de cela, la reine lui avait adjoint un garde personnel, du nom de Théo. Elle ne l'aimait pas du tout, il était toujours sur ses talons et prenait sa mission très à cœur.

Il était plus grand qu'elle et avait des cheveux bruns très courts, qui bouclaient légèrement, des yeux noirs, une bonne carrure – pour un militaire – ainsi qu'un bouc tressé. Il devait avoir un peu plus de vingt-cinq ans. Généralement, il ne parlait pas, ce qui avait don de l’agacer encore plus, elle qui n'aimait pas les silences, car cela la plongeait trop dans ses pensées. Les rares fois où il lui adressait la parole n’était guère mieux, cela-dit.

Le duo traversa l'aile des Maîtres pour descendre au rez-de-chaussée, ou les nobles et autres seigneurs discutaient en petits groupes éparpillés. La plupart se tournèrent au passage de la Maître du Feu, lui adressant de respectueuses salutations, qu'elle ignora copieusement. Théo fronça les sourcils.

Elle savait qu'il détestait qu'elle ne respecte pas l'étiquette, c'était donc délibéré de sa part. Cela aussi, il devait le savoir, cependant, il ne fit aucun commentaire, mais ce permis une question.

« Où allez-vous de si bon matin, Maître Amanda ? ». Sa voix était grave et autoritaire.

« Tu verras », répondit-elle d'un ton évasif. Elle fit claquer son cache-poussière et accéléra, direction l'entrée du palais.

« Je me dois de vous rappeler que vous n'avez pas le droit de quitter la ville ».

« Je ne quitte pas la ville ».

Une fois passer les portes, la foule se dévoila à eux, leur barrant le passage. Elle baissa la tête et ajusta son chapeau, avant de s'y engouffrer, suivi de près par son garde du corps, qui jouait des coudes pour se frayer un chemin et protéger la Maître des civils pressés.

Les rues se succédèrent, faisant place à des avenues un peu plus grande, ou bien à des ruelles étroites ou ils eurent du mal à avancer. Amanda était patiente, même si celle-ci avait des limites. Elle pensa un instant à déclencher un incendie pour que les gens s'écartent, mais cela ne créerait que plus de confusion, ainsi, elle se ravisa.

Ils arrivèrent dans un quartier d'artisan, comptant beaucoup de forge et d’atelier en tout genre : des tanneurs, brasseurs, menuisiers, couturiers... etc. La jeune femme se dirigea vers l’échoppe d'un forgeron renommé, qui était connu pour son grand savoir-faire, et ses matériaux de qualité.

Elle entra dans une pièce où il entreposait ses œuvres pour les vendre : il y avait là de nombreux outils disposés sur des râteliers, plus utile à la population que les armes, qui étaient plus ou moins réservés aux militaires.

Ces dernières étaient dans le fond de la salle, accroché au mur derrière un comptoir. Il y avait les armes homologuées par l'armée, qui étaient toutes forgées selon des modèles bien précis afin que tous les soldats bénéficient des mêmes, mais aussi des armes plus personnelles, voir exotiques.

Il n'y avait pas de lumière, seul les rayons du soleil passant par une minuscule fenêtre près de l'entrée éclairaient l'échoppe.

Des coups de marteaux se faisaient entendre depuis une autre pièce. Une jeune fille à la tignasse rousse fit dépasser sa tête du comptoir, elle ne devait pas avoir plus de six ans.

« Bonjour ? », déclara la demoiselle, d'une voix mal assurée.

« Bonjour petite, ton papa est là ? ».

La gamine fit signe que oui, « Il est en plein travail, je ne dois pas le déranger. Je peux vous aider ? ». Elle sourit, dévoilant qu'il lui manquait une dent de devant.

« Oui, en allant lui annoncer que sa cliente spéciale est ici. Je l'attends s’il doit finir son travail. Tu peux aller lui dire ? ».

Elle réfléchit un instant. « Il va me gronder si je le dérange... », dit-elle en faisant la grimace.

Amanda sourit – plus pour la mettre en confiance que par envie –, « Non, ne t'inquiète pas, il te récompensera même, il sait à quel point nos affaires sont importantes. Allez, fait vite ».

La petite hocha la tête et disparu sous le comptoir. La porte située sur le côté droit de celui-ci s'ouvrit un moment, avant de se refermer, laissant la Maître et son garde seul dans l'armurerie.

Le duo ne parla pas, et la Maître ne jeta même pas un regard à Théo, elle examinait les armes quand elle tomba sur un glaive, forgé à la façon des artisans du royaume de la Terre.

« On dirait Tempête », murmura-t-elle.

« Pardon ? », questionna le garde.

La jeune fille ne prit même pas la peine de lui répondre, ses pensées vagabondèrent et elle revit les séances d'entraînement avec son Maître de la Terre. L'odeur du sable et de la sueur lui revient en mémoire, ainsi qu’un subtil parfum de framboise.

C'est à ce moment-là que la porte du fond s'ouvrit de nouveau, un homme grand et fort se tenait dans l'encadrement, une seule de ses mains devait faire la largeur de la cuisse de Théo. Il avait un gros tablier de cuir noirci par le charbon, par-dessus une tunique beige, des gants épais ainsi qu'un bandana blanc autour de la tête.

Il n'avait pas de cheveux, mais une grosse moustache rousse, et ses yeux étaient noirs comme de l'onyx.

Le forgeron sourit lorsqu'il aperçut Amanda. « Maître ! J'étais sûr que c'était vous, la petite m’a dit qu'une femme aux yeux rouges m'attendait pour des affaires importantes ! », déclara-t-il en riant d'une voix forte. Il s'installa au comptoir, détacha son bandana pour s'essuyer la figure avant de sourire à nouveau.

« Bonjour Richard, comment allez-vous ? ».

« Ah ! Bien, je vais bien ! J'étais justement en train de faire les derniers ajustements sur votre commande ! ».

« Et ? Comment est-ce ? ».

« C'est parfait ! Vous voulez les voir, j'imagine ? ».

« Si possible, oui ».

Il se pencha en avant et fit semblant de chuchoter. « Le monsieur derrière vous ne parle toujours pas ? ».

La Maître fit signe que non. « N'y prêtez pas attention ».

Le forgeron dévisagea le garde, impassible, avant d'éclater d'un rire franc et gras. « Bon ! Alors ne bougez pas, je reviens tout de suite ! ».

Il disparut quelques instants et resurgit avec en main une paire de faucilles brillantes, de près d'un mètre chacune. Il les posa sur le comptoir, devant la jeune femme.

« Admirez donc ! ». Le forgeron semblait très fier de son travail.

Amanda siffla d'admiration, « Elles sont magnifique ! ».

La garde des armes était faite en bois de rose, aux couleurs légèrement saumonées, à la teinte quelque peu jaune. Il y avait un pommeau sculpté en forme de tête reptilienne – sans doute une salamandre – et dans lequel il était possible de faire passer une petite chaîne, ou une corde pas trop large, au moyen du trou symbolisant l’œil de la créature.

Les lames en elles-mêmes avaient la couleur de l'or, mais en beaucoup plus brillant. Elles étaient droites sur une trentaine de centimètres avant de se courber, pour former des quarts de cercle quasi-parfait. Elle se terminaient par des pointes acérées, visiblement capable de percer même les plus résistants des plastrons.

« J'ai respecté vos consignes, les lames sont en solarium. J'ai rarement travaillé ce métal et je dois dire que c'est particulièrement difficile ! ».

« Vous me garantissez mon autre consigne, si je comprends bien ? ».

« En effet, je vous en prie ».

La Maître saisit ses armes, les soupesa un instant avant de fermer les yeux. Des étincelles jaillirent de ses mains et enflammèrent le métal, qui émit un crissement minéral. Les flammes virèrent au bleu et illuminèrent la salle tout entière, mais l'alliage tint bon.

Elle mit fin au sort et sourit, « Impressionnant ! Et le bois ? Résistera-t-il ? ».

Le forgeron fit la grimace, « Je ne crois pas, vous devriez voir s'il est possible de le faire enchanter par un mage ou quelqu'un dans ce genre-là, sinon il pourrait s’abîmer très vite et noircir. Il serait dommage de se passer de manches aussi beaux ! ».

« Je ne vous le fait pas dire ». Elle se promis intérieurement de s'appliquer à enchanter tout cela comme il faut, lorsqu’elle aurait une minute.

« Vous fallait-il autre chose ? Il me semble que nous avions parlé d'une arbalète, je me trompe ? ».

« Vous avez bonne mémoire : une arbalète à une main, avec un système de rechargement rapide. Vous avez ça ? ».

L'artisan hocha la tête, « C'est une spécialité naine, mais il se trouve que j'en ai une qui pourrait convenir. J'ai dû fouiller dans mon fatras pour la trouver, je n'ai jamais pu m'en séparer car c'est un modèle unique, mais si c'est pour vous... ».

Il fouilla sous le comptoir pour en sortir une petite arbalète, de la taille d'un avant-bras, munie d'une sorte de crosse à l'arrière.

« Vous voyez, la crosse permet une prise en main facile et est à bonne distance du levier de tir. Un petit bras de levier accroché à l'avant vous facilite le rechargement mais vous n'êtes pas obligée de le mettre si vous voulez tendre la corde à la main. Oh, et il y a une mire pour que vous puissiez viser ».

« Hum. La partie en métal peut se remplacer ? ». Elle désigna l'arc de l'arme.

« Je peux vous en faire une plus solide, oui ».

« Ça serait parfait, mais je voudrais quelque chose de plus résistant que le simple acier, c'est possible ? ».

Richard tritura sa moustache et pensa à voix haute, « Voyons, il faut un métal souple pour faire l'arc, mais quand même résistant, solide, si possible à l'épreuve du feu... Hum... Oui, je vois... ». Il claqua des doigts, « Je peux vous le faire en fer blanc, ça ne rouille pas, c'est un bon métal, ou bien en verre ? ».

« Pourquoi pas en mithril ? ».

Le forgeron fit la grimace, « Il ne tiendra pas la chaleur ».

« En titane alors ? ».

« Si j'en avait ! ».

« Si je vous en trouve ? En passant par le quartier général je dois pouvoir en avoir une caisse, qu'en dite vous ? Vous garderez le surplus en guise de payement ».

Les yeux de Richard se firent ronds comme des billes, il ouvrit la bouche pour parler mais ne sut quoi dire.

« Parfait, alors je reviens d'ici quelques heures. D'ici là, vous pourriez la confier à un ébéniste ? Le bois doit avoir besoin de soin. Ensuite, il me faudra des carreaux, vous avez ça en stock ? ».

L'artisan montra du doigt une armoire en verre dans laquelle se trouvait toute une série de projectile, allant des flèches aux carreaux de toute taille.

« J'en choisirait quand je repasserais, j'espère que vous en avez en argent. Il me faudra aussi une chaîne solide pour mes faucilles, ainsi qu'une ou deux pierres à aiguiser ». Sur ses mots elle fit volte-face et se dirigea vers la sortie. « Un plaisir de travailler avec vous, Richard ! », lança-t-elle en quittant l'échoppe, ses armes sous le bras.

« Vous comptez visiter une autre boutique, mademoiselle ? », questionna Théo d'un ton neutre, une fois qu'ils furent sortis.

« Oui, je dois me trouver une pochette pour mes futurs projectiles. Il me faut un bon travailleur de cuir ». Elle arpenta tout de suite la rue à la recherche de ce qu’elle voulait.

La matinée passa rapidement à mesure qu'Amanda se préparait. Elle avait pu trouver, non pas une, mais deux pochettes pour ses carreaux, qu'elle avait fait coudre à son cache-poussière au niveau de son épaule gauche. De façon à avoir des projectiles sous la main rapidement, elle se fit fabriquer une sorte de bandoulière en cuir, percé de nombreux trous, pour pouvoir en disposer quelques-uns à sa portée.

Elle avait eu le temps d'apporter les matières premières à Richard, qui n'avait pas manqué de la remercier mille et une fois. Le titane était rarement utilisé par les forgerons autre que royaux, c'était un alliage très solide.

« Je lui ferait parvenir une autre bourse de pièce d'or, pour ses services, et pour le solarium de mes lames. Ce n'est pas un métal facile à trouver non plus », pensa la jeune fille en détaillant ses nouvelles armes.

« Elles sont belles, mais ne passent pas inaperçu », se dit-elle en observant les réactions des habitants à son passage. Théo était toujours derrière elle et la suivait comme son ombre.

Alors qu'ils revenaient vers le palais, une sentinelle vint à leur rencontre.

« Maître ! Les généraux vous cherchent partout ! La reine elle-même a failli donner l'alerte, l’assemblée a lieu bientôt. Il faut que vous vous rendiez dans la salle du trône sans perdre un instant ».

« Je sais. J'avais des choses à faire, et il serait prudent que vous ne me parliez pas sur ce ton, soldat ». Elle fronça les sourcils, et bien qu'ils furent à l'ombre, la chaleur devint soudain plus étouffante.

« Je... Oui, pardon Maître... », s'excusa l'homme en baissant la tête.

La jeune femme s'empressa donc de rejoindre la salle en question, bien qu'elle aurait souhaité mettre ses affaires dans sa chambre avant.

« Ce n'est peut-être pas plus mal, qui sait. J'aurais vite besoin de m'en servir ». Elle ajusta son chapeau en entrant dans le palais. Les nobles étaient encore plus nombreux à présent, et beaucoup se dirigeait en petit groupe vers la salle du trône.

La voix du général Mens perça à travers les voûtes et les colonnes qui soutenaient un immense dôme scintillant, perché autour d'une pièce circulaire. Au centre de celle-ci se trouvait le trône du royaume du Feu : un siège d'or et d'argent, aux formes arrondies et épurées, surmonté d'un petit cousin rouge entouré d'un ruban blanc.

Saràn se tenait à son côté, la main sur l'un des accoudoirs. La reine portait une robe uniformément rouge, au dos échancré, ainsi que des souliers de la même couleur. Le bas de son vêtement avait quelques reflets orangés, rappelant les lumières du crépuscule.

Les cheveux détachés et le visage grave, elle observait l'assemblée de ses concitoyens. Sa couronne en solarium sertie brillait presque plus que le siège royal.

Le général des armées se tenait non loin d'elle, ainsi que sa garde personnelle, constituée des meilleurs soldats que pouvait compter le royaume : les templiers des brasiers. Certain parmi eux était des mages puissants, on pouvait les reconnaître facilement, car ils ne portaient pas l'accoutrement des soldats de corps à corps, préférant porter des tuniques longues, ou bien des robes enchantées, cousues de runes magiques.

La sécurité dans la salle avait été renforcée, constata la Maître du Feu. Contrairement aux nobles et aux seigneurs, elle ne s'installa pas entre les colonnes de la salle, tout autour, mais s'approcha de Mens.

Le vieux général ouvrit les bras vers elle lorsqu'il la vit.

« Mon enfant, te voici enfin ! ». Il parut soudain soulagé de la voir, les rides qui ornaient son front se détendirent, mais il changea d'humeur en remarquant les lames qui ornait ses flancs.

« Tu t'es procuré des armes ?! ».

Elle lui lança un regard assassin, « Depuis quand me tutoyez-vous ? Ce n'est pas dans vos habitudes ». Elle saisit les manches de ses faucilles.

Une goutte de sueur perla sur sa joue creuse, alors que ses cheveux gris se dressaient sur son crâne. « Pardonnez-moi, mademoiselle, je me suis emporté... C'est que, il me semblait vous avoir dit que vous n'aviez pas à porter d'arme ! Je n'ai pas été assez clair ? ».

« Vous avez été très clair : ''Pas d'arme pour vous au royaume du Feu''. Or, je ne vais pas y rester bien longtemps, et là ou je vais, il me faudra des armes, vous en conviendrez ». Elle haussa un sourcil, convaincu d'avoir raison.

Le vieil homme ne trouva quoi dire, il hocha simplement la tête et adressa un regard entendu à Théo, avant de s'écarter.

La Maître s'approcha de sa souveraine, mais les gardes l'en empêchèrent. La température de la pièce augmenta d'un coup, et les flammes des braseros se mirent à danser dans leur direction.

« Laissez là passer », commanda la reine. Les guerriers obéirent, certain laissèrent échapper un soupir de soulagement. Affronter une Maître du Feu ne semblait pas constituer un défi acceptable pour eux : trop peu de chance de survie.

« Je vois que tu as transgressé les ordres de Mens », fit-elle remarquer en souriant légèrement.

« Il n'a pas à me donner d'ordre, je suis une Maître. Vous n'avez pas à le faire non plus d'ailleurs. Je suis là car j'accepte de vous aider, et que j'y trouve mon intérêt, rien de plus ». Les yeux écarlates de la jeune femme ne renvoyaient aucune compassion, pour une Maître du Feu, elle était étrangement très froide avec tout le monde.

La monarque ne releva pas l'insulte, car personne ne l'avait entendu, « J'ose espérer qu'avec le temps, ton humeur s'adoucira, et que tu comprendras que tu dois servir notre peuple. Nous avons besoin de toi ».

« Faux. Vous avez besoin de mes pouvoirs, mais pas de moi. Je l'ai compris lorsqu'on a mutilé mon corps ». Des souvenirs intenses et douloureux surgirent tout à coup dans sa mémoire. À ses propres mots, elle ne put s'empêcher de tressaillir. Une petite brûlure dans le bas de son ventre se raviva.

Saràn soupira et joignit ses mains, « Tu es en colère. Je comprends cela... Nous en avons déjà longuement discuté, pas vrai ? Je suis convaincu qu'un jour, les choses iront bien mieux. Nous nous y emploierons ». Son visage trahissait sa conviction, elle était sincère.

L'assemblée était à présent presque silencieuse, bien qu'encore parcourue de quelques murmures. Mens s'occupa de faire mettre en rang les plus éminent chef de guerre du pays, avant d'adresser un signe à sa souveraine.

Cette dernière se dressa fièrement devant son trône. Amanda était à sa gauche.

« À vous qui êtes rassemblé en ce lieu, je tiens à vous remercier. Certain on fait une longue route. Je veux vous dire que vous n'êtes pas venu pour rien ! ». Elle marqua une pause, il n'y avait à présent plus aucun murmure, et sa voix faisait écho dans une grande partie du palais, jusque dans l'entrée.

Dans les rues aux alentours, les habitants tendaient l'oreille pour essayer d'entendre le discours. Les allées de la ville n’avaient jamais été aussi silencieuses.

« Aujourd'hui, moi, Saràn, reine du royaume du Feu, je proclame que plus jamais nous ne nous tiendrons sur la défensive. Nous ne nous laisserons pas anéantir par les forces des Ténèbres, et jamais nous ne céderons à la barbarie et à la folie ! L'heure et venue de faire payer le prix fort aux monstres et aux démons qui sont à nos portes. Il est temps ! Les jours sombres sont devant nous, et nous allons les accueillir, un flambeau à la main, avec Glaross à nos côtés pour guider nos pas ! ».

Des acclamations commencèrent à monter dans la salle.

« Aujourd'hui ! J'ordonne à nos armées de traverser la frontière, d'entrée en terres infectées et d'y éliminer les créatures corrompues qui y résident ! L'essentiel de nos forces entrera en croisade pour rejoindre les terres des nains, et avec leur aide, nous reprendrons tout le sud du continent ! ».

Des cris s'élevèrent et les gens applaudirent, affirmant leur accord avec leur souveraine.

« Les dieux sont avec nous ! Par ces paroles, je bénis nos guerriers, puissent-ils combattre avec force et férocité, accompagnés par notre Maître, Amanda ! ». Elle tendit la main vers la jeune femme, qui leva ses faucilles. Ces dernières s'enflammèrent, donnant plus de poids au discours galvanisant.

Les soldats frappèrent en cœur leurs boucliers, affirmant qu'ils étaient prêts à combattre, pour leur reine, pour leur patrie, jusqu'à la mort s’il le fallait.

« La croisade est lancée. À présent mon enfant, j'ai une mission spéciale à te confier ».

« Je vous écoute », déclara Amanda, sans quitter des yeux la foule en émois. Les chefs de guerre recevaient dans le même temps les ordres de Mens, qui leur distribuait des parchemins scellés du sceau officiel de la reine.

« Avant de rejoindre l’armée, je veux que tu ailles vers un endroit appelé le mont des lèvres rougeâtres, c’est un volcan. Je veux que tu y grimpe, il se trouve près de la ville de Chisé, au nord-est ».

La Maître fronça les sourcils et interrogea la reine du regard.

« Pour quelle raison ? ».

« Nous aurons besoin de renfort, et tu es la seule à pouvoir convaincre les créatures qui vivent là-bas de nous accompagner dans un voyage aussi périlleux ». Elle lui sourit et lui prit l'avant-bras.

« Dis-moi. Que sais-tu des phœnix ? ».

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