Chapitre XXIV : Bercez-vous d'illusion

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Loukas entra dans la pièce, pâle comme un linge. La sueur perlait sur son visage, plusieurs mèches de cheveux trempées lui collaient aux joues. Son souffle était court, il déglutit avec peine.

Amanda était assise sur une chaise tressée, devant une personne en armure intégrale. Un bureau en bois sombre les séparait.

De couleur blanche et noire, l'armure ne laissait paraître aucune parcelle de peau. Un casque à corne recouvrait sa tête, imperméable, tout comme le reste.

« Bonjour Maître Loukas, asseyez-vous je vous prie ». La personne désigna de sa main gantée un autre siège. Sa voix avait une teinte métallique, si bien qu'il était encore une fois impossible de déterminer s’il s'agissait d'un homme ou d'une femme. L'armure elle-même avait des aspérités qui semblaient être voulues, de façon à dissimuler les parties du corps propre à chaque sexe, comme la poitrine.

Le Maître de la Terre resta debout, les poings serrés. Amanda se tourna vers lui, les yeux larmoyants et les joues rouges.

Il réagit instinctivement, un pan entier du mur se détacha dans un craquement sourd alors qu'il levait une main, en adoptant une posture agressive. Son visage se contracta en un rictus guerrier.

L'inquisiteur leva aussi une main et traça un symbole dans les airs, tout en prononçant un mot étrange.

Loukas sentit son cœur se serrer sous l’effet du sortilège, comme s'il allait imploser. Une sensation de vide l'envahit, il eut l'impression que la luminosité baissait, pourtant il n'était pas encore midi. Une goutte de sang suinta de son nez.

Le morceau de mur reprit sa place dans la cloison sans laisser de marque alors que le jeune homme s’asseyait docilement. L'inquisiteur, fier de son sortilège, poussa un soupir de soulagement avant de reprendre la parole.

« Bien, merci pour votre coopération », il joignit ses mains sur son bureau.

« Permettez que je me présente : je suis le templier. C'est moi qui dirige l'ordre des inquisiteurs au sein des royaumes humains. Mes homologues elfe et nain occupent le même rôle que moi dans leurs pays respectifs. Tout cela pour vous dire que vous n'êtes pas en face de n'importe qui. Je tenais à m’occuper de cette affaire personnellement ».

Il fit une pause, regardant un à un ses invités, sans afficher d'expression particulière.

« Sachez tout d'abord que j'ai un respect immense envers vous. Les Maîtres sont les envoyés des dieux, ils ont tous un destin particulier. C’est ce respect qui m’a poussé à réagir face aux éléments que l’on m’a rapporté, vous concernant ».

Il se leva pour se placer dos à eux, face à la fenêtre.

« Je me demande toutefois si ce destin particulier avait prévu de vous amener devant moi aujourd'hui. Savez-vous pourquoi vous êtes ici, Maître Loukas ? ». Il tourna brièvement la tête pour le regarder.

Le Maître fit signe que non, incapable de répondre autrement.

Le templier croisa les bras sans rien dire. Dehors, un groupe d'oiseaux s'envola en direction du sud. Une bonne minute passa sans qu'il ne dise rien.

« Vous mentez ».

Amanda tressaillit. Une larme coula sur sa joue, donnant une fois encore à Loukas l'envie de tout démolir. Pourtant, son esprit ne répondait pas à ses pulsions à cause de l’étreinte mentale du templier.

Il était las, fatigué. Même ses pouvoirs semblaient être en veille, alors que d'ordinaire, la jeune femme l'obsédait complètement.

Le chef des inquisiteurs surenchérit.

« Pourquoi mentez-vous ? Vous me cachez quelque chose ? ». Il s'approcha d'Amanda, ses bottes ferrées résonnaient dans la salle à chaque pas.

« Vous, je sais que vous me cachez quelque chose. Vous protégez vos souvenirs et vos sentiments depuis tout à l'heure. Mais vous semblez sur le point de craquer, n'est-ce pas ? ».

Il se tourna vers Loukas, le scrutant depuis les fentes noires de son énorme casque. En tout cas c'était la sensation qu'avait le jeune homme.

« Peut-être que votre compagnon sera plus bavard ? », murmura-t-il.

Traçant encore une fois des signes aériens, le templier prononça à nouveau un mot dans une langue inconnue.

Loukas eut un haut le cœur.

« Que m'avez-vous fait ?! » s'énerva-t-il en posant la main sur la garde de son glaive. Son esprit lui apparut plus libre, le poids qu'il ressentait encore un instant plus tôt semblait avoir disparu, ou s’être du moins atténué.

« Calmez-vous Maître, je fais mon travail. Rien de plus, rien de moins », argumenta le templier. Il partit tranquillement se rasseoir, retrouvant sa posture initiale.

« Quelle est votre relation avec Maître Amanda, ici présente ? » demanda-t-il sans détour.

Cette dernière sursauta, deux nouvelles larmes perlèrent sur son visage. De douleur, elle se griffa le bras de ses ongles, jusqu'à saigner.

« Qu'est-ce que c'est que cette question ?! Nous sommes amis ! » répondit Loukas avec peu d'assurance.

Le templier secoua lentement la tête, « Vous ne semblez pas comprendre, j'attends un peu plus qu'une réponse évasive de la sorte ».

« Je ne vois pas ce que je pourrais vous dire de plus ! ».

« Vraiment ? Oh, je ne sais pas moi. Par exemple : que faisiez-vous ensemble au royaume du Feu ? Quelles étaient vos occupations ? Comment vous êtes-vous rencontrés ? Que s’est-il passé sur l'oasis ? Et dans la chambre de mademoiselle ? ».

Loukas rougit, « Toute ces choses ne vous regardent pas ! ».

« En effet, néanmoins des contacts au sein de l’armée du royaume du Feu nous ont fait part de votre rapprochement soudain. Certains Maîtres – dont Maître Yann – nous ont également avertis », avoua le templier. « Je ne suis pas curieux, mais mon travail m'impose de vous poser ces questions, et je vous impose d’y répondre, de gré, où de force. J'ai déjà un peu essayé la force avec Maître Amanda, mais je me voyais mal la faire souffrir inutilement, surtout du fait de son jeune âge ».

Il se pencha vers le dragonnier, « Mais vous, je n'ai aucune raison de ne pas vous torturer si cela permet de sauver les royaumes de certaines idées contre-nature ».

Le jeune homme s'agrippa à son siège, sous le choc. « Que voulez-vous dire ?! ». Il n’arrivait pas à croire que son ami Yann avait pu le trahir, alors qu’il n’était au courant de rien. « Il m’avait dit qu’il ne dirait jamais rien… Qu’il était mon ami… Il m’a menti… ».

« Savez-vous que les relations intimes entre des personnes de royaumes différents sont interdites ? », proclama l’inquisiteur en haussant le ton.

« Oui, je le sais… ».

« Savez-vous pourquoi ? Vous imaginez sans doute que tout cela est quelque peu stupide ? Que nous sommes pareil, au fond ? Que cela ne changera rien ? ».

« En effet, c'est stupide », murmura Loukas entre ses dents. La colère se lisait sur son visage crispé. Il n’avait qu’une envie : dégainer son arme et embrocher cette boîte de métal sans cœur.

« Peut-être, mais les dieux l'ont voulu ainsi. Ce sont leurs commandements que nous suivons. Vous connaissez les immortels ? Nos demi-dieux humains chargés de nous guider ? Pourquoi y en avait-il sept ? ».

« Un pour chaque royaume en devenir… » répondit-t-il, passivement. Amanda sanglotait toujours à côté de lui.

« Exactement. C'est donc évident, nous devions être séparés. Ce n'est pas moi qui vous le dit par pur fanatisme, non. Je ne suis pas un grand religieux, et je n’ai pas le temps pour un cours de théologie. Ce sont les dieux eux-mêmes qui nous l'on dit, il y a de cela des centaines d'années, lorsqu'ils sont descendus combattre à nos côtés les forces des Ténèbres. Point. Les lois sont ainsi faites ».

Les deux Maîtres se regardèrent. Les yeux pleins de larmes, Amanda fit une grimace de dégoût. C'est elle qui reprit la parole. « Vous nous dites que nous avons failli à notre devoir envers les dieux ? ». Sa voix se faisait plus claire, elle reprenait contenance.

« Seulement si vous avez quelque chose à vous reprocher. Voulez-vous m'en informer ? ». Il fit d'autres signes pour capter sa faiblesse, saisissant l'opportunité qui lui était offerte pour qu'elle parle. Sa magie s'insinua dans l'esprit de la jeune femme.

Elle hésita une seconde. À côté d'elle, Loukas tenta de lui prendre la main, mais d'un autre geste, le templier l'immobilisa. Il sentit une pression soudaine sur sa gorge, comme si une force invisible l’étranglait.

« Amanda ! Qu'est-ce que tu fais ?! », gémit-il, désespéré.

« Je suis fatigué » murmura la Maître, « J'ai envie que ça s'arrête ». Ses yeux rougis par les pleurs exprimaient une profonde lassitude.

« Il n'y a qu'un moyen pour cela, mon enfant ». Il fit d’autres signes, toujours plus rapide.

Elle regarda le templier, avant de parler d'une voix complètement brisée.

« C'est vrai, nous avons une relation… Cela fait plus d'un mois maintenant. Vu le peu de temps qu'il s’est écoulé, je vous demande d'être indulgent. C'était mon idée, j'ai insisté jusqu'à ce qu'il craque pour moi ». Plusieurs larmes coulèrent une nouvelle fois sur ses joues, pour la première fois, elle semblait avoir honte et regretté ce qu'ils avaient fait.

« Je vois. Merci d'avoir dit la vérité ».

Il se tourna de nouveau face à la fenêtre et soupira.

« Cependant, je ne suis pas dupe, vous êtes autant coupable l'un que l'autre. Par conséquent, vous subirez la même sanction. Je me dois de faire de vous des exemples, c’est malheureux, mais votre statut est trop important et votre comportement pourrait influencer de très nombreuses personnes… ».

Le dragonnier resta sans voix, des larmes vinrent également se perdre dans sa barbe. Il ne savait pas quoi dire, les mots ne semblaient plus utiles à présent. Intérieurement il se sentait brisé, trahi. Comme si un poignard l'avait transpercé de part en part. Une envie de vomir l'envahit.

« Autre chose à ajouter, Maître Loukas ? », demanda le templier en se levant. « Il aura fallu que je vous fasse venir pour obtenir enfin des aveux. J’espérais avoir seulement besoin du témoignage de mademoiselle, pour tout vous dire. Enfin, ça n'aura pas duré aussi longtemps que je l'aurais cru. Les Maîtres ne sont pas infaillibles. Je ne vous cache pas être extrêmement déçu par votre attitude ».

L'intéressé ne répondit pas. Amanda évita son regard, elle baissa la tête, son visage s’empourpra.

« Très bien. Je vous communique donc la sentence : demain, dans la matinée, vous serez amenés au siège de l'ordre des inquisiteurs. Là-bas, vous subirez une stérilisation magique qui vous empêchera de procréer et d'être sexuellement attiré par d'autres personnes. Vous pourrez toujours tomber amoureux, bien sûr, mais grâce à ce procédé, nous sommes assurés que vous ne pourrez en aucun cas transgresser les lois, encore une fois. Il y aura également une ordonnance d’éloignement : aucun de vous ne pourra aller dans le royaume de l’autre. Vos souverains seront aussi mis au courant et prendront les mesures qui les arrangent. D'ordinaire, pour les gens normaux, la sentence est beaucoup moins lourde : une simple amende et une surveillance accrue. Mais je n'ai pas le choix, il n’y aura aucun traitement de faveur ».

Les deux Maîtres affichèrent l'expression la plus choquée qui soit. La jeune fille regarda enfin Loukas. Il put lire dans ses yeux sa détresse, mais aussi une certaine forme de résignation. Quelque chose mourut en lui à ce moment précis, quelque chose de précieux. Il se sentit abandonné, d'abord par la Maître du Feu, mais également par sa propre race. Ses yeux larmoyants renvoyaient l'écho de son incompréhension, ainsi qu'une certaine forme de haine.

Son esprit ne sentit plus cette forme d'attirance pour elle, et le lien magique se brisa. Cependant, ce n'était pas de son fait. Ni de celui d’Amanda. C’était cette force mystique extérieure qui venait d’intervenir. L'espace d'un instant, Loukas sentit une odeur de camélia passer devant ses narines. Une présence magique comme jamais il n’en avait senti se manifesta, l’espace d’un battement de cils.

Une voix murmura à ses oreilles. « Je suis désolé. Notre déesse est désolée ». Il se figea complètement. Il était rare qu'il soit incapable de réagir à une situation. C'était pourtant bel et bien le cas en cet instant. Ses muscles se relâchèrent, il se trouva soudainement impuissant, dépassé par les événements.

Amanda supplia, sa voix était toujours brisée, « mais... Je vous ai dit que c'était ma faute ! Pourquoi le punir lui aussi ?! ».

« Vous cherchez de toute évidence à le protéger. Je vous ai dit que je n'étais pas dupe. La punition sera la même pour vous deux, c'est mon dernier mot sur cette affaire, mademoiselle. Sachez bien que je n'éprouve aucun plaisir à vous faire subir cela ».

« C'est tout ce que vous trouvez à dire ? Vous allez condamner une femme de dix-sept ans à ne jamais avoir d'enfant et vous n'éprouvez aucun plaisir, mais alors qu’éprouvez-vous ?! Vous parliez de ne pas la faire souffrir inutilement il y a à peine un quart d’heure ! » désespéra Loukas.

« Croyez-moi, vous ne sentirez pas grand-chose. D'ailleurs, je vais vous endormir d'ici quelques instants pour qu’il ne vous prenne pas l'envie de fuir. Vous vous réveillerez demain matin, pile à l'heure pour votre punition », déclara le templier, sans un accro dans la voix. Il traça de nouveau des signes, avec les deux mains cette fois.

Loukas se leva d'un bond. Il saisit son épée et dégaina. Amanda cria de surprise mais le chef des inquisiteurs ne bougea pas. Il prononça un mot sonnant beaucoup plus grave, beaucoup plus sombre.

Le dragonnier ressentit un froid intense, tout devint noir autour de lui. Il se sentit tomber, sa tête heurta quelque chose de dur et il sombra dans l'inconscience. La dernière chose qu'il crut entendre fut le rugissement de Claod, loin au-dessus de lui.

Les rêves du jeune homme lui firent voir sa famille. Tout le monde était là : sa mère, son frère, sa petite nièce, son cousin et même son père, Ravend. Ce dernier arborait une chevelure courte poivre et sel, ainsi qu'une barbe fournie. Ses yeux gris trahissaient une profonde inquiétude à l'égard de son fils.

La scène se déroulait dans la cour de Moongarde en plein après-midi. Tout le monde souriait tristement. Loukas tenta de leur parler mais aucun son ne s'échappa de sa gorge.

Le rêve tourna en cauchemar, il entendit d'abord des cris, puis des bruits de combat, le feu enflamma les pierres du château. La cour aussi fut prise dans l'incendie. Le jeune homme tendit les bras vers ses proches, ces derniers affichaient toujours ce sourire triste et froid en le regardant.

Il voulut bouger mais en fut incapable. Au lieu de cela, il commença doucement à reculer, comme s’il tombait. Une force surnaturelle l'attirait invariablement vers l'arrière et il ne pouvait pas non plus se retourner.

Sa vitesse augmenta, les hurlements se firent plus violents. Il entendit alors la voix d'Amanda. Elle criait son nom, rien que son nom, plusieurs fois. Sa vision se posa sur sa ville natale en proie aux flammes, entourée de silhouettes menaçantes aux mouvements erratiques. Certaines plus grosse que les autres, certaines volantes, ou d'autres encore, entourées d'une sorte d'aura noirâtre des plus malfaisante.

En revenant à lui, il sentit qu'il était allongé sur une sorte de table en pierre, humide et dure. Ses mains et ses pieds étaient attachés, mais il ne parvint pas à déterminer par quoi. Il avait de la peine à ouvrir les yeux mais il savait qu'il avait dû beaucoup pleurer. Ses joues étaient humides et sa barbe, toute trempée ; sans parler de ses paupières gonflées. Il n'avait pas particulièrement mal mais ressentait tout de même une sorte de gêne, ainsi qu'un malaise extrême et une forte envie de mourir rapidement.

Dans son esprit, bon nombre de chose se bousculèrent, ses pensées n'étaient pas encore très claires quand il entendit une voix à la teinte métallique.

« Réveillez-le. Nous allons bientôt commencer. Comment va Maître Amanda ? ».

« Elle émerge lentement mais tout va bien. Elle nous a donné moins de mal que le Maître de la Terre » répondit une autre voix.

« C'est vrai. Je me demande ce qu'il a pu voir en rêve pour déclencher ce séisme surpuissant. L'endormir magiquement n'était peut-être pas une si bonne idée que ça ».

« Il suffit messieurs, j'assume pleinement mon geste, il devra répondre du sien en temps voulu. Pour le moment préparez-le, et installez-vous ».

Loukas réussit à entrouvrir les yeux. Il était dans une grande salle éclairée à la seule lueur de quelques bougies. Les murs étaient faits de briques noires, rectangulaires et parfaitement lisses, agrémentés de plusieurs pierres blanches, plus grosses.

Il y avait quelques meubles, notamment d'autres tables similaires à celle sur laquelle il était allongé, mais aussi des sortes d'ateliers, sur lesquels étaient disposés des livres, des outils, des lanières et des chaînes. Il put enfin constater que ses bras et ses jambes étaient sanglés par de solides liens en cuir.

Il tenta de parler mais seul un léger souffle s'échappa d'entre ses lèvres.

« Templier, il revient à lui », fit remarquer une des voix. Il semblait être au moins trois autour de la table.

« Parfait. N'attendons pas qu'il puisse parler, si sa magie refait de nouveau surface il pourrait vraiment tout détruire ».

« Ne devrions-nous pas lui ôter ses capacités magiques ? Les mages de l'académie sont capables de faire cela, non ? ».

« Ça ne fonctionne pas sur les Maîtres, et même si c’était le cas, nous ne ferions pas un tel sacrilège. Je vous rappelle qu’il a été choisi par les dieux. Dans tous les cas, l'opération pourra affecter sa magie. Nous ne pouvons pas faire plus ».

« Qu'ai-je fait ? », pensa le garçon. Il lui semblait n'avoir rêvé que quelques minutes maximums. « Quelle heure est-il ? Où suis-je ? Où est Amanda ? », autant de questions qui lui trottaient dans la tête et auxquelles il ne pouvait apporter que des suppositions.

Il toussa plusieurs fois. Un liquide au goût métallique coula le long de sa bouche pour venir se perdre sur son menton.

En tentant de faire vibrer les pierres autour de lui, il ne sentit qu'un léger écho lointain. Ses forces étaient faibles. Il lui semblait ne pas pouvoir soulever la moindre brique.

Une main se posa sur sa poitrine. Une main gantée, comme il si attendait.

« C'est l'heure de votre punition, Maître Loukas. Je vous ai dit que vous ne sentiriez pas grand-chose, mais j'ai malheureusement menti. En vérité c'est un processus très douloureux, autant pour vous que pour nous. Cela durera une bonne heure, il est inutile de vous dire de ne pas crier, car vous allez crier. Tout le monde crie, cela ne sert à rien de vous bercer d'illusion ».

Le dragonnier n'eut pas le temps d'assimiler l'information, une sueur froide lui parcourut le dos. Les trois inquisiteurs se placèrent en silence. Un de chaque côté de la table et le templier au-dessus. Sa main gantée toujours posée sur son torse.

Les flammes des bougies devinrent soudainement rouge sang, renvoyant sur les murs des ombres inquiétantes. Les inquisiteurs commencèrent à psalmodier. Les deux autres posèrent également une main sur Loukas.

L'instant d'après, il ressentit une légère gêne, puis un début de douleur dans le bas du ventre. Il voulut parler mais en fut tout simplement incapable, il ne savait de toute façon pas quoi dire, les phrases mouraient dans son esprit avant d'arriver jusqu'à ses lèvres.

La douleur s'intensifia au fur et à mesure que le temps passait. Les secondes ressemblaient à des heures, les minutes à des jours. Arrivé à environ une demi-heure, la douleur était insupportable, c'est là qu'il commença à crier. Il eut l'impression qu'on lui découpait les abdominaux avec une lame brûlante, très lentement. Centimètre par centimètre. Il se débattit mais ses liens étaient résistants.

Les voix des inquisiteurs lui faisaient maintenant l'effet d'un millier de démons murmurant à ses oreilles. Il entendit encore cette voix, celle lui disant que sa déesse était désolée. Il n'y prêta même pas attention et s’appliqua à ne pas supplier ses tortionnaires, mais c’était impossible.

Des formes s'étaient dessinées sur les murs. Des sortent d'ombres fantômatiques, accompagnés de filins d'énergies noirâtres qui vinrent danser autour de lui, tels des serpents aquatiques.

Il ne put s'empêcher de se mordre les lèvres et la langue, ce qui le fit saigner abondamment. Instinctivement, sa tête pencha de droite à gauche pour qu’il ne s’étouffe pas. Son corps fut pris de spasmes violents.

Quinze minutes plus tard, il sentit une énorme déchirure à l'intérieur de lui. Les bougies s’éteignirent à l'unisson, seule une sorte de lumière macabre continua d'éclairer la pièce. Il hurla de plus belle plusieurs fois, à s'en arracher les cordes vocales. Les yeux révulsés, il finit par sombrer une nouvelle fois dans l'inconscience. La dernière chose qu'il sentit était ses larmes qui lui chatouillaient les joues. Un doux contact au milieu d'une mer de douleur.

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