Chapitre XIV : Rose de feu

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Lorsque Loukas posa le pied sur son balcon, la lune était déjà haute. Sans prêter attention à son compagnon qui s'envolait dans les ombres nocturnes, il se glissa dans sa chambre, et changea de vêtement pour revêtir un ensemble en lin beige, très sobre.

Il posa Tempête et Ravend à coté de Nuralion puis repensa à Amanda. « J'ai envie de la revoir ». Son obsession grandissait.

Il s'assit dans un fauteuil, l'air songeur, et regarda les dorures du plafond. Il suivit la courbe que dessinait l'une d'entre elles pendant un instant, avant de se lever pour aller vers la porte, résolu à rejoindre la jeune femme.

En l'ouvrant, il la trouva justement devant lui, sa main s'avançait pour frapper. Il eut un petit sursaut de surprise.

Elle sourit, ce qui rehaussa ses pommettes. Il lui rendit son sourire ; une sensation de chaleur l'enveloppa, tant il se sentait bien en sa présence.

« Tu vas quelque part ? » lui demanda-t-elle d'une voix enjouée.

« J'allais venir te voir en vérité », avoua le Dragonnier. Il passa la porte et la ferma derrière lui ; ils étaient seuls dans le couloir.

« Pourquoi t'es-tu enfuie ce matin ? », il la pris par la taille, avec autant de délicatesse que pour attraper un chaton.

« Je voulais te demander quelque chose, mais ce n'était pas le bon moment ». Elle lui rendit son étreinte, passant ses mains derrière sa nuque.

« Maintenant c'est le bon moment ? ». Elle se mordit la lèvre inférieure, détournant le regard, « Pourquoi pas ».

En le prenant par la main, elle l’emmena vers sa chambre, juste à côté, laissant le temps à Loukas d'admirer sa nouvelle tenue.

La jeune femme portait une robe longue et fine de couleur noire, épousant parfaitement les courbures de ses hanches, avec des lacets sur tout le flanc gauche ; de minuscules points blancs la tachetaient. En plus de cela, elle avait aux mains une paire de gant de la même couleur.

Les deux amants entrèrent calmement, l'un après l'autre. Sa compagne s'étira, les bras tendus au-dessus de sa tête et poussant un soupire mêlant lassitude et soulagement.

« Tu es fatiguée ? », lui demanda le Maître de la Terre. « Pas vraiment » répondit-elle, « En fait je me sens très bien ».

Elle se tourna vers lui, les mains dans le dos et les iris embrasés par la magie, tandis que le Dragonnier approchait.

Il l'attira vers lui. Amanda se laissa faire, le menton relevé, sa poitrine s'écrasa contre le torse de son amant, la faisant remonter légèrement.

La jeune femme effectua un petit bond sur la pointe des pieds, pour déposer un baiser sur ses lèvres. Elle se dégagea rapidement pour filer dans la pièce adjacente, séparée du salon par un rideau orangé.

« Où vas-tu ? » demanda Loukas, les bras ballants. « Attends », lui lança-t-elle pour seule réponse. Ravalant ses questions, il soupira en retirant ses sandales -qu'il avait mise pour rien finalement- puis il en profita pour admirer la pièce. Elle était relativement similaire à sa propre chambre, avec deux fauteuils et une table basse près de l'entrée, des chandeliers sur pieds avec des bougies éteintes, plusieurs meubles en bois servant certainement à entreposer de la vaisselle ou des vêtements, ainsi que quelques tapis colorés qui égayaient le dallage blanc.

« Viens », lui intima la Maître du feu, d'une voix hésitante.

Intrigué, il parcourut la salle et souleva le tissu ; il resta dans l'encadrement, son visage devint écarlate.

Amanda était debout devant un grand lit à baldaquin blanc, les lacets de sa robe étaient défaits, cette dernière glissa le long de son corps, serpentant sur ses hanches jusqu'à atteindre le sol.

Elle cacha sa poitrine d'une main et replia ses jambes vers l'intérieur ; son autre main triturait une mèche de ses cheveux détachés. Ses bracelets de cheville cliquetèrent lorsqu'elle se tourna de trois quarts vers le jeune homme, évitant son regard.

Ce dernier observa les reflets sur sa peau illuminée par le ciel nocturne. Son cœur se mit à battre à tout rompre, un léger mal de tête commença à le titiller, puis une sensation intense étreignit son esprit. Il fut étouffé par sa propre magie intérieure et ne put réagir consciemment.

« Je... … Je sais que c'est un peu tôt pour ça » marmonna-t-elle, « Mais je suis tellement bien avec toi, je n'arrête pas de penser à nous ! Je n'ai jamais ressenti ça avant, cette magie, ce lien, il m'obsède totalement ! », elle risqua un regard dans sa direction. Les yeux de Loukas luisaient d'une magie verte très lumineuse.

« Je ne sais pas quoi répondre » lui dit-il en se tenant la tête, « Je n'arrive pas à réfléchir par moi-même ».

« Écoute... Je t'aime ! Je ne sais pas pourquoi, mais c'est le seul sentiment qui me vient à l'esprit », son regard se voila de larme, « Je ne veux plus jamais être loin de toi. Je veux qu'on soit unis et... » elle n’eut pas le temps de finir.

Loukas s'approcha, la saisit par la taille et derrière le cou et l'embrassa à pleine bouche. La jeune femme poussa un gémissement de surprise et s'agrippa aux vêtements de son amant ; leurs deux corps se collèrent l'un à l'autre.

Le Maître de la Terre sentit une chaleur intense se dégager d'Amanda ; il ouvrit les yeux pour remarquer qu'une lumière rougeoyante nimbait ses iris. Même sous ses paumières, l'effet était clairement visible, le rouge se mêla au vert pour former un espace marron assez clair entre eux. Bien qu'il n’osait pas parcourir son corps dans un premier temps, Amanda ne se priva pas ; elle enserra sa taille, passant sous sa tunique. Il frémit avant de sentir des flammes lécher les attaches, coutures et autres lacets de ses vêtements, le haut comme le bas.

Le feu s’éteignit aussi rapidement qu'il était apparut alors que sa tunique et son pantalon tombaient au sol en lambeaux. La jeune femme lui décocha un regard suivi d'un sourire des plus charmeurs, ses yeux n'avaient jamais été aussi ardents qu'en cet instant.

Il l'attrapa par les cuisses et la souleva -surtout pour pouvoir mieux l'embrasser- et l'allongea sur le lit. Elle enroula ses jambes autour de sa taille et prit son visage dans ses mains, caressant sa barbe et ses cheveux avec douceur ; sa poitrine se soulevait au rythme de sa respiration saccadée.

Loukas trouvait sa peau incroyablement agréable, il en vint à souhaiter ne jamais pouvoir en détacher ses doigts.

Leurs bouches s’éloignèrent l'une de l'autre pendant une fraction de seconde, ils se regardèrent dans les yeux. Sous la vague de chaleur produite par la Maître du feu, une rose présentée dans un vase, sur un meuble à côté du lit, prit feu. Cependant, elle ne tomba à pas en cendres car la magie de Loukas s'en mêla. La tige se changea en émeraude et les pétales en rubis. Le feu vira au bleu, puis se changea en plasma, parcouru d'arcs électriques violacés.

Les deux amants regardèrent leur œuvre avec un certain émerveillement. La '' Rose de Feu '' mêlait à la fois les pouvoirs d'une Maître du Feu et d'un Maître de la Terre. Cette circonstance la rendait plus unique, et d'autant plus belle.

Amanda rougissait comme jamais, mais cela ne se voyait presque pas à cause de la lueur émise par ses yeux. La bouche entre-ouverte, des gouttes de sueur perlèrent de son visage pour aller se perdre sur son corps à nu ; ses mains agrippaient fermement les draps.

Loukas était dans le même état extatique ; penché au-dessus d'elle, il la trouvait véritablement sublime, ses réactions légèrement enfantines contrastaient avec son tempérament et son ardeur.

« Tu es sûr de vouloir cela ? » demanda le jeune homme dans un dernier élan de conscience.

Pour toute réponse, elle hocha la tête et tenta de l'attirer encore plus près.

« Je n'ai jamais fait ça, tu sais » lui confia-t-il. Sa vie de solitaire et son exil volontaire lors de sa jeunesse ne lui avait pas permis d'expérimenter les relations intimes.

« Moi non plus » avoua Amanda, « Mais des amies m'ont raconté ». Elle mit sa bouche près de son oreille et murmura, « De toute façon, on a toute la nuit devant nous pour découvrir, je te fais confiance ».

Ils s’étreignirent longuement. Ce soir-là, la tour de la flamme blanche inonda le ciel d'une intense lumière, éclipsant presque toutes les étoiles dans le ciel, si bien que les habitants se crurent en plein jour.

Autour de la ville, le désert ne fut pas épargné : les dunes se déplacèrent, s'affaissant d'un coup ou montant en flèche rapidement, mues par une force extérieure. Elles finirent pas onduler frénétiquement autour de la ville, comme si un serpent géant faisait des cercles dans le sable.


Arrivé au milieu de la nuit, tout s'arrêta, aussi vite que cela avait commencé. Les éléments se détendirent.

Loukas observa Amanda allongée à côté de lui, à moitié couverte par les draps ; une de ses jambes courait le long des siennes. Elle avait les yeux fermés mais ne dormait pas, son visage exprimait une sensation de bien-être.

Il passa un doigt dans une mèche de ses cheveux, puis descendit sur son cou et sur son bras jusqu'à sa poitrine ; elle frémit. Il agrippa ses hanches pour l'attirer à lui.

La jeune femme se laissa faire, posant une main contre son torse et sa tête sur son épaule ; l'air pensive, elle ouvrit les yeux et décrivit des cercles avec ses doigts sur ses pectoraux.

« Comment tu te sens ? » demanda-t-il à demi voix. Sa conscience lui revint par bribe, le regret l’étreignit progressivement.

« Je ne sais pas. Je suis soulagée, pour moi il fallait vraiment qu'on le fasse, qu'on aille plus loin », elle tourna son regard plein de tendresse vers lui. Sa jambe remonta le long de son corps tandis qu'elle se blottissait dans ses bras ; il sentit battre son cœur.

« Et toi ? Tu as aimé ? » demanda timidement sa compagne.

« J'ai peur. Ma magie me pousse vers toi et décide à ma place, ce n'est pas bon signe et j'espère que ça ne va pas mal finir », il l'embrassa sur le front.

Suite à ces mots, elle ne réagit pas, à tel point qu'il se demanda si elle l'avait vraiment entendu.

Le temps s'écoula lentement, sans qu'aucun des deux Maîtres ne parlent -l'épuisement jouant pour beaucoup- pourtant le silence fut brisé par la jeune femme, alors qu'elle passait un doigt sur la cicatrice au bras de son amant.

« Quand tu partiras, tu pourras m’emmener avec toi ? ».

Surpris, Loukas réfléchit un moment. L'emmener ouvertement avec lui serait comme admettre aux yeux de tous -du moins tous les Maîtres, Rois et Reines compris- qu'ils avaient une relation plus qu'amicale. En tous cas, cela susciterait un intérêt pour plusieurs personnes, ainsi que des questions. Les relations amoureuses entre citoyens de différents Royaumes étaient rares et interdites. Certaines autorités avaient même le devoir de faire appliquer des sanctions vis à vis de ces personnes, des peines lourdes de conséquence. Si les gens venaient à savoir qu'un Maître de la Terre et une Maître du Feu étaient amoureux, même si le mot était bien trop fort pour le jeune homme, la légitimité de tous les Maîtres serait remise en cause ; ils pourraient même être tous perçus différemment.

Il tenta de la convaincre que ce n'était pas une bonne idée, « Tu penses pouvoir vivre avec moi dans la forêt ? Il fait parfois très froid, tu sais. Je ne crois pas que cela soit une bonne idée ».

Elle le fixa un instant, se dégagea de son étreinte pour se placer à califourchon au-dessus de lui. Amanda se pencha sur lui, un sourire de dément lui barra le visage, « Que ce soit bien clair, pour toi je suis prête à vivre dans les montagnes du nord, où même les marais du sud. Ce n'est pas les lois de nos Royaumes qui me font peur, ni même les autres Maîtres. La seule chose qui m’effraie à l'heure actuelle, c'est l'idée qu'un jour tu ne sois plus avec moi », ses yeux renvoyèrent l'écho d'une flamme solitaire, dansant dans une plaine d'herbe folle.

Touché par les paroles de sa compagne, Loukas sourit timidement. Sa peur grandit de plus en plus. Il eut l'impression d'être dos au mur, il voulut argumenter plus, mais sa propre magie l'en empêcha, une fois encore.

« Bien sûr que je t'emmène avec moi », souffla-t-il, « Mais pour ne pas attirer les soupçons, il faut d'abord que tu termines ton initiation. Comme ça, une fois que tu seras officiellement Maître, tu pourras aller où tu voudras, et même formuler une demande à la Reine ». Il n'en revient pas de prononcer ces mots, le regret l'envahit.

Amanda explosa de joie, le serrant dans ses bras. « Je serais initiée d'ici moins d'un mois ! Mes professeurs me l'ont annoncé pas plus tard que ce matin ! ».

Partageant son hilarité, le Maître répondit, « C'est formidable ! Une toute nouvelle Maître du feu, depuis le temps que ton Royaume attend cela. Je suis fier de toi. Tous les Hommes sont fiers de toi ».

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