Chapitre IX :Entrevue Royale

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Les deux hommes marchèrent un long moment parmi les couloirs et les pièces richement décorées, passant de temps à autre devant une sentinelle ou devant des nobles que le jeune homme du Royaume de la Terre ne connaissait pas. Après un certain temps, ils arrivèrent devant une porte de quatre mètres de haut, incroyablement belle qui mêlait l'or et l'ivoire. Des symboles cabalistiques étaient gravés dessus et deux gardes droits comme des piliers étaient postés à ses côtés. Ils s'animèrent tels des pantins à leur approche.

Mens fit à nouveau un signe de la main et les deux soldats se détendirent ; cependant ils bloquaient toujours l'accès à la pièce à l'aide de leurs lances, qu'ils tenaient d'une main ferme.

L'un d'eux mis un doigt devant sa bouche, pour faire signe de ne pas faire de bruit, Loukas s’arrêta instinctivement mais le général continua sa marche jusqu'au soldat.

Il murmura quelque chose à l'oreille du plus proche ; Loukas ne l'entendit pas, mais l'instant d'après celui-ci disparut derrière la porte, qu'il avait ouverte avec une curieuse facilitée.

« Une porte comme celle-ci doit peser son poids » se dit le jeune homme, avant de remarquer un curieux scintillement émaner des symboles. Cette salle était protégée magiquement.

« Général, que ce passe-t-il ? » questionna poliment le Maître.

Ce dernier répondit d'une voix moins forte, presque un murmure, « Ce sont les appartements de la Reine, elle est véritablement diminuée ces temps-ci ; c'est pourquoi elle dort beaucoup, les gardes ont ordre de ne faire entrer personne, j'ai simplement demandé à celui-ci de la prévenir de votre arrivé. Si elle est d'accord, elle vous recevra, dans le cas contraire je vous conduirais à votre chambre et les discussions attendront demain », ses sourcils se froncèrent tristement.

Loukas hocha la tête sans rien rajouter, « Ce n'était vraiment pas la peine de la prévenir si elle se sent mal, je peux parfaitement attendre. Enfin, maintenant c'est trop tard, mais si j'avais su. Savez-vous quel mal la ronge ? ».

Il fit signe que non, un air grave passa sur son visage. À peine quelques instants plus tard, le soldat revint aussi silencieusement qu'il était parti, adressant un simple signe de tête au général. « Vous pouvez entrer, je vous attends ici Maître », dit-il à Loukas en montrant la porte de la main.

D'un pas mal assuré, le jeune homme passa le porche pour arriver dans une salle de vie somptueuse. Des chandeliers en or étaient dressés aux quatre coins de la pièce, bougies éteintes, mais la lumière de la lune passait par les carreaux, éclairant la l'endroit. Une table rectangulaire argentée était entourée de trois canapés ainsi que de deux fauteuils absolument magnifiques, recouverts de cousins oranges et jaunes.

La salle abritait aussi une cheminée où crépitaient quelques braises, des tapis rugueux de couleur rouge, ainsi que des tentures finement brodées. L'endroit était véritablement charmant, il en était impressionné.

Un rideau rose transparent séparait cette pièce aux fenêtres closes d'une autre salle que Loukas ne voyait pas. Une femme passa le rideau. Elle portait une robe de nuit très légère, de couleur noire, renforcée de plusieurs couches de tissu aux endroits intimes, un voile argenté recouvrait son nez et sa bouche, lui donnant un air de danseuse exotique.

Ses longs cheveux bruns très bouclés étaient arrangés de façon négligée. Dans ses yeux gris aux pupilles noires se discernait une forme de fatigue profonde. Il voyait clairement qu'elle venait juste de se réveiller.

La Reine s'appuya sur le bord de l'ouverture d’où elle sortait et salua son invité respectueusement. « Bienvenue Maître Loukas, je me réjouis de votre venue, même si je ne vous attendais pas si tôt », elle désigna un des fauteuils.

Loukas s'inclina bien bas, « Je suis ravi de vous voir, Saràn, Reine du Royaume du Feu, et véritablement gêné de vous importunez à une heure pareil », il se dirigea vers le fauteuil en question et attendit que son interlocutrice prenne également place.

C'est ce qu'elle fit en une volée de pas gracieux. Ils s'assirent en même temps et la Reine poussa un soupir de lassitude, une main sur le front, « Ce n'est pas grave, je ne fais que dormir en ce moment, on a dû vous mettre au courant de mon état de santé ? ».

« En effet le général Mens à vaguement évoqué le sujet, c'est pourquoi il aurait été préférable d'ajourner cette entrevue ».

« Vous êtes là maintenant, inutile de vous en faire pour cela », elle balaya l'air devant elle de sa main dans un geste harmonieux, comme pour chasser ses inquiétudes. Son sourire franc finit par convaincre le Maître de se détendre.

« Pardonnez-moi cette question Maître, mais comment avez-vous fait pour arriver à Tropyrr dans un laps de temps si court ? Si vous étiez arrivé dans mon Royaume, je l'aurais su dans la demi-heure qui suivait, alors de vous à moi... ». Elle se pencha en avant, reposant ses coudes sur ses genoux pour croiser ses doigts devant sa bouche, « Quel est votre secret ? ».

« Ma Reine, avec tout le respect que je vous dois, je ne peux pas vous le dire, il s'agit de quelque chose de terriblement privé », il réprima son envie de rire pour paraître le plus sérieux possible. La Reine ne put s'empêcher d'avoir l'air déçue, « Dommage, cette prouesse me rends véritablement curieuse, mais bon, ce n'est pas grave ». Elle prit une pose plus noble, gardant ses doigts croisés sur ses jambes.

« Bien, dans tous les cas je suis content que vous soyez venu, beaucoup trop de Maîtres ont refusé de venir, même en sachant qu'il s’agissait d'un sujet plutôt grave. Je souhaitais pourtant l'avis de tous ».

Loukas voulut d'ailleurs aborder ce sujet qui lui taraudait l'esprit depuis qu'il avait reçu cette demande avec Yann, mais Saràn fut plus rapide.

« Je ne peux malheureusement pas vous en dire plus pour le moment, il faudra pour cela attendre que tous les autres Maîtres arrivent », un sourire désolé lui barra le visage.

« Dommage », pensa-t-il, « Ça aurai été l'occasion d'en apprendre plus », il baissa les yeux sur le tapis, les bras croisés sur le torse.

« Ne vous en faites pas, Maître, c'est seulement que je ne souhaite pas me répéter trop souvent. Savez-vous si les Maîtres de la Terre viendront ? Je n'ai pas eu d'informations depuis plusieurs jours » lui demanda-t-elle poliment.

« Pour tout vous dire, je suis seulement certain pour Yann, car j'étais avec lui lorsque nous fûmes convoqués. Les frères Field et Foeld pourraient aussi se libérer, néanmoins, mon cousin ne viendra pas, j'en suis convaincu. Je me permettrai de le représenter si cela ne vous dérange pas, étant de la même famille » lui confia Loukas.

« Je comprends et j'accepte. Je vais vous laissez aller prendre du repos à présent », la Reine se leva, bientôt imité par le Maître de la Terre, « Vous pouvez prendre la chambre à côté de celle d'Amanda, vous verrez qu'elle est très intéressante, le général vous l'indiquera », elle repoussa ses cheveux en arrière d'un geste assuré.

« J'ai déjà pu le remarquer, votre majesté. Mais dites-moi, depuis quand est-elle devenue Maître du Feu ? Il me semblait que les derniers étaient morts il y a de cela très longtemps, bien avant que je sois simplement né », demanda le jeune homme en contournant le fauteuil.

Saràn se dirigea vers le rideau et l'écarta délicatement avant de tourner la tête pour répondre, « Vous lui demanderez par vous-même, elle est très bavarde sur le sujet. À bientôt, Maître », sur ses mots elle adressa un clin d’œil à Loukas avant de disparaître de sa vue.

Le jeune homme passa la porte ; le général Mens l'attendait en faisant les cents pas, il se tourna vers Loukas, l'air inquiet et interrogateur.

« Tout va bien général, elle est retournée se coucher. Elle m'a dit d'en faire de même d'ailleurs, je prendrais la chambre à côté de celle de votre nouvelle Maître du Feu », le rassura Loukas. Un garde ferma expressément la porte derrière lui avant de reprendre son poste.

Le vieil homme -qui avait l'air plus fatigué qu'avant- sourit, faisant remonter ses moustaches ainsi que ses petites rides. « Parfait mon garçon, je vais vous conduire dans ce cas ».

Le jeune Maître objecta d'un signe de la main, « Ne vous donnez pas cette peine, il est tard et je connais le chemin, nous nous reverrons demain avec plaisir, j'en suis sûr », il tendit sa main vers lui. Après une seconde d'hésitation du certainement à la surprise, Mens sourit à nouveau en empoignant l'avant-bras du jeune homme, qu'il serra avec force. « Ainsi soit-il Maître, je viendrai vous chercher dans la matinée, vous ainsi que, peut-être, la petite ».

Loukas acquiesça, et d'un signe de tête entendu, les deux hommes prirent des directions différentes.

Il retrouva facilement le couloir où il avait été découvert, les lumières étaient encore allumées, projetant d'innombrables ombres sur le sol et illuminant les fresques dorées.

Il tourna la poignée de la chambre indiquée par la Reine, et entra. La pièce était relativement banale : un séjour comprenant deux fauteuils et une table basse en marbre blanc, zébrée de cicatrices violacées ; quelques meubles simples en bois et en acier décoratifs ; des tapis et des bougies froides. Dans une pièce à part état dressé un lit double recouvert de coussins en soie blanche, ainsi qu'une petite bassine pour la toilette, avec un pichet d'eau. La fenêtre donnait sur la ville, mais il y avait tout de même un petit balcon. Loukas sortit un moment.

Profitant de la brise nocturne, il regarda dans toutes les directions pour être sûr que personne ne pouvait l'observer, puis siffla, un sifflement si aigu qu'il était à peine perceptible.

Claod arriva furtivement de sous le parapet, glissant comme une ombre sur les dalles. Ses yeux brillèrent en regardant le jeune homme et sa langue passa sur ses lèvres serrées.

« Je vais être pas mal occupé pendant quelques temps, mon grand, je t’appellerai dès que je pourrai, ne t'en fais pas. En attendant, tu peux faire ce que tu veux, mais ne te fais pas voir, compris ? », lui chuchota le Dragonnier.

La bête ronronna, son museau effleura la joue du jeune homme. Le frottement de ses écailles contre sa peau était agréable. Il posa ses mains autour de son cou puissant pour le caresser.

« Moi non plus je n'aime pas être séparé de toi. Nous irons chasser quelques nuits tous les deux, je parie que tu n'as pas mangé assez de poissons des sables, pas vrai ? ». Il sourit à l'animal, qui lui rendit tant bien que mal, toujours comme s’il comprenait tout ce qu'il disait ; un feulement sourd parcourut sa gorge, qui pulsa sous les vibrations.

Sans plus de procédure, le Dragon s'envola, replongeant dans son monde nocturne sous la pâle lumière des étoiles. Loukas partit se coucher quelques minutes plus tard, en prenant bien soin de ranger son équipement de façon à avoir tout sous la main, comme à son habitude.

Néanmoins, le lit n'était pas du tout à son goût, trop moelleux, trop confortable. Il s’endormit donc sur la table -après avoir passé une bonne demi-heure à tenter diverses positions- sous sa couverture de voyage avec rien d'autre qu'un short en toile. Trop accommodé à l'inconfort du monde extérieur pour apprécier un lit aussi somptueux que celui qui lui tendait les bras. « Je réessayerai demain » pensa le Maître de la Terre.

Ses rêves l'emportèrent vers les batailles des anciens Maîtres du Feu, rendus célèbres par leur courage, et leur mort tragique. Il vit beaucoup de flamme cette nuit-là, puis il comprit en son for intérieur que c'est le tempérament ardent de ses héros d'autrefois qui les avaient tués, bien plus que les monstres qu'ils avaient combattus.

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