Chapitre IV : Restaurant et jonquille

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Les deux compagnons venaient d'entrer dans la ville, une odeur d’entrailles de poissons et de sel agressait leur odorat, porté par le vent violent venu de la mer. Les maisons étaient faites en bois de pins et de châtaigner, renforcées de paille et de résine, avec une base en pierre. Assez petites pour la plupart, elles avaient parfois un étage, ce qui donnait à la ville une allure de bourgade désordonnée, envahie par les cris des goélands. Ils tournaient, pour la plupart en cercle, autour des marchands de poissons et de fruits de mers.

Plus bas, le port était visible ; des dizaines de bateaux envoyaient vers l'horizon des pêcheurs, des militaires ou encore des marchands. La vie ne semblait pas facile pour les habitants, mais ils ne devaient pas en être malheureux, malgré le froid hivernal. Étant depuis toujours habitués à ce climat rude, tout comme les habitants du royaume du Feu étaient habitués depuis toujours à la chaleur.

Loukas et Yann avancèrent jusqu'au centre de la bourgade, où se trouvait une fontaine ainsi qu'une demi-douzaine d'échoppes et de restaurants, placés en cercle autour d'une place pavée. Les pierres qui avaient dû être d'une blancheur parfaite par le passé, étaient à présent grisâtres, couvertes à certains endroits par une neige épaisse.

« Par ici, je suis déjà venu dans celui-là, c'est acceptable dans mon souvenir », déclara Yann en marchant d'un pas décidé en direction de la terrasse d'une des tavernes.

Il s’assit à une table en pierre où étaient disposées plusieurs chaises de paille tressée et attendit, tout en retirant son arme et son matériel pour les déposer à ses pieds. Loukas le suivit sans rien dire et fit de même, en prenant soin de garder en vue ses affaires, trop précieuses à ses yeux pour être dérobées par le premier voyou venu.

Une serveuse accourut vers eux dans la minute qui suivit leur arrivée. Elle portait une tenue de cuisinière avec un tablier blanc, couvert de tâches diverses. Sa poitrine généreuse, ses hanches larges, ainsi que son adorable visage de trentenaire, entouré d'une chevelure châtain foncé faisaient d'elle une femme très attirante, avec la morphologie typique des gens du royaume de l'Eau.

« Bonsoir messieurs ! Que puis-je vous proposer à boire ou à manger en ce début de soirée ? Vous semblez être des voyageurs, je me trompe ? ».

Loukas sourit timidement à la jeune femme de dessous sa capuche et lui dit, « Tout à fait, nous sommes... » mais il n’eut pas le temps de finir.

« Apportez-nous deux verres d'hydromel et un plat de saumon pour moi. Tu veux manger quelque chose ? », le coupa Yann d'un ton sec sans même regarder la serveuse.

Le jeune homme ; décontenancé par la réaction de son ami ; finit par répondre d'un air mal assuré, « Euh, surprenez-moi madame », puis il détourna le regard ; un peu gêné.

La serveuse fut également surprise, mais sourit tout de même. « Et bien parfait, c'est entendu, je vous apporte ça dans un instant ! ». Elle partit ensuite en direction du bâtiment, lentement, en lançant par deux fois des regards interrogatifs derrière elle.

Loukas soupira, posant un coude sur la table pour y appuyer son menton ; il demanda à Yann. « Dis, c'était quoi ça ? ».

Ce à quoi il répondit. « De quoi tu parles, j'ai juste commandé le dîner ». Il avait l'air sur ses gardes, comme si un danger était brusquement sur le point d’apparaître ; sa capuche était relevée sur sa tête et il jouait à faire des tresses avec ses cheveux. Il était comme ça depuis que la ville était en vue.

« Tu es nerveux, je peux le voir, dis-moi ce qui se passe, Yann ».

« Ne prononce pas mon nom ici, bordel ! » s'énerva l'homme en se penchant soudainement sur la table et en parlant à voix basse.

« Ah je vois, tu ne veux pas qu’on nous reconnaisse ? ».

« Bien sûr que non je ne veux pas… Je ne me suis jamais habitué aux villes, et je n'aime pas être reconnu ». Il prononça ses mots difficilement entre ses dents, tout en détournant le regard vers la fontaine au centre de la place. Derrière le toit des chaumières, le soleil toucherait bientôt l’horizon par-delà la mer, la journée laissait place à la nuit.

« Je te comprends, tu sais ? Moi non plus je n'aime pas trop ça, mais au royaume de l'Eau, il n'y a pas beaucoup de risque, ils ne connaissent pas nos visages » réprimanda Loukas en s’enfonçant dans sa chaise. « Tu ne crois pas qu'il y a des limites ? Cette pauvre serveuse ne t’a rien fait, et elle est plutôt mignonne ».

« Tu as vite tourné la page on dirait », marmonna son compagnon pour seule réponse.

La discussion semblait les ennuyer tous les deux, surtout Loukas, qui n'avait pas aimé la dernière réplique de son ami, si bien que personne ne parla pendant un moment. Seul le bruit de pas des passants et les conversations des autres clients du restaurant étaient perceptibles, bien que l'un et l'autre soient peu nombreux.

Le silence fut brisé avec le retour de la serveuse, une bonne dizaine de minutes plus tard. Elle arborait un grand sourire en portant son plateau mais semblait un peu gênée par le comportement des deux étrangers, qui était assez inquiétant.

« Et voilà pour vous, désolée si je vous ai fait attendre ! ». Elle posa les choppes devant les deux hommes, ainsi que le plat de saumon.

Pour l'assiette de Loukas elle déclara « Et pour vous ce sera un plat de marlin fumé ! » en posant l’écuelle devant lui.

« Merci beaucoup, gente dame » dit Loukas en lui glissant une pièce d'argent dans la main et en affichant un grand sourire. Elle parut surprise de son soudain revirement d'humeur et le dévisagea pendant un instant. Le jeune homme crut d'abord qu'elle l'avait reconnu, mais sa réponse le rassura légèrement.

« Oh merci monsieur, je viendrais vous débarrasser quand vous aurez terminé ».

Puis elle voulut partir quand Yann lui adressa la parole, « Merci mademoiselle, excusez mon humeur, la route a été longue ». Il ne l'avait pas quittée des yeux depuis qu'elle était arrivée avec la nourriture, Loukas ne l'avait même pas remarqué.

Elle fut d'autant plus surprise mais esquissa un sourire des plus éclatants en répondant, « Ce n'est rien, messire, ne vous excusez pas, si vous avez le moindre problème appelez-moi. Bon appétit ! ». Elle partit en trottinant. Yann ne la quitta pas du regard jusqu'à ce qu'elle soit hors de vue, à l'intérieur du restaurant. Puis comme si de rien n'était, il avala un grand trait d'hydromel et commença à s'occuper de son poisson, en enlevant une à une les arêtes.

Loukas fut amusé par cette réaction, puis il rejoignit son compagnon dans son repas, en commençant par lever sa choppe en son honneur. Ils mangèrent en silence pendant quelques minutes ; son propre poisson était délicieux, un filet d'huile et de citron relevait le tout. Loukas n'aimait d'ordinaire pas trop le poisson, mais celui-ci était vraiment très bon, le breuvage s’accompagnait parfaitement avec le plat, un délice. Yann l'interpella entre deux bouchées.

« Dis-moi » bafouilla-t-il en retirant une grosse arête de sa bouche, « Comment tu supportes de ne pas être comme les autres ? D'être un Maître de la Terre ? Je ne t’ai jamais posé la question ».

Le dragonnier fut troublé pas cette question, à tel point qu'il manqua de s'étouffer avec un morceau de poisson ; il toussa et but un coup d'hydromel ; celui-ci avait un goût de miel particulier qui lui rappela son royaume. C'était une question complexe, eux qui étaient des Maîtres, bénéficiaient d'un rapport particulier avec le monde qui les entourait, ce pouvoir leur avait été délivré individuellement par les dieux élémentaires, leur assurant une destinée hors du commun. C'est pourquoi ils n'étaient qu'une poignée. Seuls cinq Maîtres de la Terre, trois Maîtres de l'Eau, six Maîtres de l'Air et malheureusement, plus aucun Maître du Feu.

En temps de paix et de prospérité, les Maîtres étaient dix dans chaque royaume. De part ce pouvoir, ils étaient les personnes les plus importantes parmi les humains, plus importants que les rois et reines.

Il répondit d'un ton évasif, « Et bien, je ne sais pas trop quoi te dire, j'essaie de vivre avec, et de l'utiliser pour faire le bien ».

« Faire le bien ? », Yann pouffa et enchaîna, « Ce pouvoir est bien trop destructeur pour faire le bien mon ami, j'en ai bien peur ».

« Bien sûr que non, regarde ce que tu fais dans les mines et les carrières, c’est une bonne chose ».

« Pff, je ne protège qu'une bande de mineur contre quelques éboulements qui ne sont même pas dangereux, ils n'ont jamais vraiment besoin de moi et je provoque plus de catastrophe qu'eux rien qu'en levant les bras, sans compter qu'ils ne savent jamais qui je suis. C'est différent dans les mines du royaume du Feu, il y a plus de créature dans les profondeurs de la terre ». Yann avait l'air déprimé, contrairement à cet après-midi ; il jouait nonchalamment avec ses couverts en regardant dans le vide. Loukas allait répondre quand autre chose attira son attention. Plus loin, un groupe de jeunes garçons qui s'était assis sur le bord de la fontaine.

Ils étaient cinq, semblaient avoir entre douze et quatorze ans et discutaient bruyamment sans vraiment faire attention à leur entourage. Il y avait aussi une fille, qui avait à peu près leur âge, avançant vers eux avec en main une magnifique jonquille dans un petit pot en terre rouge ; elle rougissait de plus en plus à mesure qu'elle approchait, jusqu'à les rejoindre.

Elle portait une robe rouge bordeaux, ainsi qu'un manteau de fourrure épais. Ses jambes nues ne semblaient pas ressentir le froid et sa chevelure brune légèrement bouclée dansait dans le vent venu de la mer. Loukas n'entendit pas leur discussion car ils étaient trop éloignés, mais les garçons paraissaient surpris, surtout l'un d'entre eux, un grand gaillard aux cheveux et aux yeux bruns assez musclé pour son âge. Soudain, les autres se mirent à rire et à rabrouer leur ami. La fille était paniquée, ne savant pas comment réagir. Ses joues s’empourprèrent de plus belle.

« On dirait qu'elle veut offrir cette fleur » se dit le Maître.

Alors que Yann contemplait toujours la vaisselle, il vit Loukas se lever d'un bond. « Prête-moi une pièce d'or s'il te plaît », lui demanda ce dernier.

« Pardon ? » répondit-il sans comprendre vraiment la requête de son compagnon, « Tu vas payer maintenant ? Nous n'avons pas encore fini, je voudrais prendre une autre choppe... ».

« Donne-moi cette foutue pièce pour que je te montre que tu te trompes, vite ! » le coupa brutalement Loukas.

Yann s’exécuta, toujours sans comprendre, il défit sa bourse et en sortit une pièce d'or, Loukas la lui prit des mains et se dirigea d'un pas décidé vers la fontaine.

Il arriva près de celle-ci pendant que Yann se relevait pour mieux voir ce qui se passait ; il fut d'ailleurs plutôt étonné et remit en place sa capuche.

Loukas s'agenouilla près de la jeune fille, qui s'était recroqueviller pour pleurer. Son petit pot rouge gisait, brisé à côté d'elle, et la fleur était en morceau, ses pétales éparpillés sur les pavés.

« Hey les gars ! Revenez ici tout de suite, je ne le répéterai pas ». Le groupe de jeunes, qui s'étaient dirigés vers une ruelle adjacente, se retourna. Un des garçons répondit, « Qu'est-ce qu'il y a ? On n’a rien fait, laisse-nous ».

« C'est facile de s'en prendre à des gens plus faibles ou à des filles, qui a fait ça à sa fleur ? Répondez et vous pourrez partir ». Loukas les regarda tour à tour avec des yeux de défi.

« Mais on n’a rien fait d'accord ?! Rentre chez toi, étranger ! Et puis c'est qu'une fleur, tu ne vas pas en faire un drame ! » répondit le garçon brun, un peu gêné.

« Je vois, c'est toi alors ». Loukas se tourna vers la petite fille qui avait redoublée de pleurs en entendant les mots de l'adolescent. Il lui dit seulement, d'un ton plein de compréhension et de bienveillance.

« Déclaration ? ». À ce seul et unique mot, elle sanglota de plus belle et s'agenouilla contre le rebord de la fontaine, cachant ses mains et son visage dans ses genoux.

« Très bien, vous devriez regarder ce que je vais faire, bande de crétins, et toi aussi ma petite ». Il se radoucit en parlant à l’intéressée et s'accroupit également. Posant la pièce près de la fleur, il tendit deux doigts au-dessus.

Quelques secondes plus tard, la monnaie se mit à bouger frénétiquement et, d'un coup, elle redevint liquide et forma une feuille aussi mince que du papier. La transformation fut accompagnée par un bruit de liquide fondu. Rien que par cette démonstration les personnes autours s'étaient rapprochées pour regarder les gestes du Maître. Ils étaient complètement hébétés, même le groupe de jeunes. La fille releva la tête, les yeux rougis, sans trop comprendre.

Loukas croisa ses deux doigts, la tige de la fleur ainsi que les corolles aux alentours se rassemblèrent, doucement. Geste après geste, Loukas fit en sorte que la jonquille se reforme ; une énergie vert clair se dégageait de son corps, et il l’insuffla dans la tige, la rendant plus solide et plus ferme. Les pédoncules reprirent leur place et brillèrent d'un éclat nouveau, le Maître pleinement dévoilé fit germer dans le sol une nouvelle tige plus longue d'entre les pavés, et qui fusionna avec la fleur, lui donnant un appui sur le sol.

Enfin pour terminer, il prit la feuille entre son pouce et son indexe et souffla dessus. Une fine poussière émana de sa bouche, qui la fit tournoyer un instant autour de lui avant de frôler les garçons et la fille, puis elle se posa sur la fleur pour la recouvrir entièrement de sa substance.

Les gens n'en revenaient pas encore d'assister à un spectacle si fantastique. Loukas fit un mouvement vertical avec un doigt et la jonquille d'or s'éleva du sol avec ses racines pour venir flotter devant son visage. Puis, pour finir, il reconstitua le petit pot en faisant un cercle avec son autre main ; la terre alla d'elle-même à l'intérieur en même temps que la jonquille d'or. En un éclair, tout était en place. Il tendit le pot à la jeune fille, qui ne pleurait plus, elle était simplement émerveillée.
« Tiens, je te rends les sentiments que tu voulais si gentiment lui offrir, ce garçon n'en est pas digne. Garde-la précieusement, ses graines donneront d'autres fleurs pendant quelques temps alors ne la vends surtout pas », lui confia-t-il à voix basse sur un ton de confidence. L'adolescente était toujours triste, mais en plus de ce chagrin, on pouvait voir dans son regard une profonde admiration.

Elle bredouilla, « Merci Maître, j'en prendrai grand soin », puis elle l'enlaça rapidement avant de courir vers une ruelle, où deux autres filles de son âge l'attendaient visiblement. Le groupe de garçons semblait vouloir la suivre, mais Loukas se mit en travers de leur chemin.

« Vous en avez assez fait pour aujourd'hui, et que je n'apprenne pas que cette fleur lui a été volée ou je vous retrouverai. J'espère qu'elle aura droit à des excuses plus tard ». D'un signe de la main il fit trembler légèrement les pavés en dessous d'eux, afin qu'ils comprennent l'avertissement. Ils s'enfuirent, effrayés, dans des directions différentes, et le calme retomba sur la place.

Les passants murmuraient des choses, se demandant s'il était vraiment un Maître, ou plutôt un mage lié à la Terre, mais il n'y prêta pas attention et revint à sa place au restaurant, où Yann l'attendait les bras croisés. Visiblement gêné, mais aussi amusé d'une certaine façon.

« Nous sommes découverts je suppose ? », lui demanda-t-il, mais sa voix attestait qu'il s'était déjà fait à l'idée.

« Non pas du tout, ils ne m’ont sûrement pas reconnu, même s’ils doivent se douter que je suis un Maître », il accentua le dernier mot pour qu'on l'entende bien. « Ils sont probablement en train de se creuser la tête pour trouver qui je suis » surenchérit-il en riant.

« Mouais, il serait quand même plus prudent pour nous de déguerpir en vitesse, ils se posent bien trop de questions. Mais qu'est-ce qui t'es passé par la tête de faire ça ?! », le gronda Yann.

« Je voulais simplement que tu voies à quel point nous pouvons faire le bien autour de nous, c'est une question de volonté, et aussi, je déteste quand une fille pleure... », il baissa la tête. Ses yeux se brouillèrent de larmes, mais il les essuya d'un geste rapide.

« Allons donc nous trouver une chambre pour la nuit, cette journée fut assez riche comme ça ».

« Je suis bien d'accord » lui répondit son ami.

« J’ai payé quand la serveuse est venue voir ton petit spectacle, alors il ne nous reste plus qu'à y aller, je connais un endroit ».

Interloqué, Loukas se mit à rire, « Tu connais cette ville par cœur, ma parole ! ».

Yann rigola également en répliquant, « Et bien alors que tu voyageais en dehors des royaumes humains, moi je voyageais dedans, alors arrête d'être surpris ! ». Sur ces mots, les deux compagnons avancèrent vers le sud de la ville, sous le regard interrogateur des habitants restés sur la place.

Ils passèrent par des ruelles presque vides au vu de l'heure plutôt avancée, mais aussi par des quartiers plus vivants, où des musiciens commençaient à jouer des mélodies entraînantes, sous les applaudissements des habitants. Un groupe de filles se mit à danser, bientôt accompagnées par des enfants de tout âge.

« C'est ici » fit Yann en désignant une grande bâtisse recouverte de fenêtre, pour la plupart fermées et couvertes par d'épais volets en bois peints en bleu. Une porte massive à double battant servait d'entrée, gardée par un homme bien coiffé et bien habillé. Il tirait sur sa moustache lorsque les deux voyageurs arrivèrent à son niveau.

« Bonsoir, vous souhaitez passer la nuit ou rester plus longtemps, messieurs ? » demanda-t-il d'un ton neutre en les regardant de haut en bas.

« Seulement la nuit pour lui » répondit Yann en montrant du doigt son ami, « Mais moi je pense rester plus longtemps ».

« Fort bien » déclara l'homme en ouvrant les portes, « Bienvenue à l'auberge des Six Lilas, adressez-vous à la dame dans le vestibule, elle vous installera ». L'intérieur était assez sobre. Des murs beiges, sur lesquels on pouvait trouver par endroit de petits tableaux. Au sol, des tapis bleus recouvraient des dalles de pierre lisse, une douce chaleur pesait dans l'air, alors qu'une odeur de poisson grillé se faisait sentir, et semblait venir d'une des portes sur la droite.

Une femme d'une quarantaine d'années se leva de derrière un bureau, à quelques mètres de l'entrée. Elle portait une robe bustier en soie noire descendant jusqu'à ses chevilles. Ses cheveux châtains rabattus du côté gauche lui donnaient un air sensuel, renforcé par ses lèvres rouges. Souriante, elle s’avança vers les deux hommes en balançant les hanches de droite à gauche ; il était évident qu'elle exagérait, sauf peut-être pour sa poitrine plus que rebondie.

« Bonsoir charmants messieurs » dit-elle d'une voix un peu trop suave, « puis-je vous indiquer votre chambre ? Je peux même vous tenir compagnie si vous le souhaitez ».

Les deux compagnons se regardèrent, interloqués par cette proposition osée, ils se mirent d'accord sans même se parler.

« Non merci madame, nous sommes des voyageurs fatigués et ne souhaitons que nous reposer ce soir, peut-être une autre fois » lui répondit poliment Loukas alors que Yann rougissait. L’hôtesse parue légèrement déçue, elle fit la moue, « Oh, c'est bien dommage, j’apprécie tellement les hommes forts et jeunes tels que vous. Enfin bon, si vous changez d'avis prévenez moi. Maintenant si vous voulez vous donner la peine de me suivre ». Elle tourna les talons pour se diriger vers un escalier montant aux étages supérieurs ; les deux amis durent se retenir de ne pas la regarder alors qu'elle montait les marches avec une lenteur insolente, offrant une vue sur ses rondeurs.

Tous les trois débouchèrent sur un couloir, ils avancèrent sur plusieurs mètres avant de s'arrêter devant une solide porte de bois. La dame plongea sa main dans une petite poche pour en sortir une clé massive, à l'image de la porte.

Elle la tendit à Loukas avec un sourire amusé, « Il y a deux lits et une baignoire si vous souhaitez prendre un bain, avez-vous mangé ? ». « Oui, merci de votre sollicitude madame, nous vous appellerons si nous rencontrons un problème », il fit une petite révérence avant de prendre la clé, se faisant, sa main effleura la sienne. Sa peau était d'une douceur incroyable, il s'agissait sans doute d'une femme qui prenait vraiment soin d'elle.

Yann ferma rapidement la porte après qu'elle fut partie. Il s'appuya contre celle-ci en soupirant, tandis que Loukas posait ses affaires près d'un des lits. Ils semblaient très confortables, recouvert d'une couverture en fourrure et d'un drap blanc.

« Cette femme, par tous les dieux, cette femme ! », s'exclama Yann, « Si cette auberge n'était pas la meilleure de la ville, je n'y retournerais jamais ».

Amusé, son compagnon lui demanda avec un regard lubrique, « Tu n'as pas… Avec elle pas vrai ? ». L'intéressé marqua une pause en regardant son ami, comme si la réponse était évidente, mais elle ne l'était visiblement pas, alors il répliqua, « Bien sûr que non ! ».

Le dragonnier leva les mains en signe d'excuse avant de retourner à ses affaires, « Je prends un bain avant toi, si tu veux bien ».

« Je t'en prie », fit Yann, légèrement exaspéré.

Après s'être lavés et changés, les deux hommes se couchèrent sans bruit. La journée avait été bien remplie, et celle à venir le serait peut-être également ; ils n'avaient pas fermé les volets, profitant des lumières allumées par les habitants, qui renvoyaient les ombres des danseuses sur les façades des maisons.

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