Chapitre 5

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Je pris le sachet dans ma main tremblante et me laissai tomber sur la chaise de bureau de Chase. À la porte, ce dernier avait cessé de hurler. Il avait probablement compris ce que ce silence soudain signifiait.


  • Ce n'est pas ce que tu crois, se justifia-t-il. C'était juste pour essayer, je t'assure.

  • Je ne te crois pas, dis-je d'une voix dure.

  • Ouvre s'il te plaît, ajouta-t-il.

Empochant la substance, je me dirigeai vers la porte, la déverrouillai et l'entrebâillai, ne laissant apparaître que mon visage. Je posai un regard profondément déçu sur mon ami qui repoussa la porte avec douceur. Visiblement, sa colère était passée.

  • Donne, fit-il en tendant la main.

L'espace d'un instant, mon rêve me revint en mémoire et je secouai la tête.

  • Ne compte pas sur moi pour te la rendre, déclarai-je.

  • Je ne veux pas que tu aies ça sur toi, alors donne, répéta-t-il d'une voix légèrement plus ferme.

  • Seulement si tu me promets que tu n'y toucheras plus.

  • Je te l'ai dit, c'était juste pour essayer.

Je portai une main indécise à la poche de ma robe et sortis le petit sachet que je regardai avec répugnance. Il me l'arracha littéralement des mains et le fourra dans son propre pantalon en soupirant. Confuse, je m'assis sur son lit, le cœur gros.


  • Il ne faudra pas que ça devienne une habitude, me prévint Chase. De fouiner dans mes affaires.

  • C'est normal, je m'inquiète pour toi, expliquai-je d'une voix tremblante, blessée par ses paroles.

Il ne répondit rien, se contentant de regarder par la fenêtre de sa chambre. Au bout d'une minute, il se retourna et ordonna.

  • Rentre chez toi.

Je me levai sans un mot et pris la direction de la sortie, trop abattue par ce que je venais de voir et d'entendre. Lorsque je fus dehors, je levai la tête en direction de la chambre de Chase et vis que ses yeux noirs m'observaient également. Il tourna vite le dos, et disparut de mon champ de vision.

Je rentrai chez moi en essayant de retenir les larmes qui perlaient aux coins de mes yeux, consciente que si je revenais en pleurant ma mère ne manquerait pas de poser des questions. Une fois parvenue à destination, je montai dans ma chambre et m'y enfermai, puis je déferlai ma rage et ma tristesse dans mon coussin. Il fallut une demi-heure pour que je me calme et une demi-heure supplémentaire pour que mes sanglots disparaissent totalement. Ceci étant fait, je naviguai dans mon répertoire à la recherche du numéro de Brendan. Ce dernier risquait fort d'être déçu en entendant ce que j'avais à lui dire, mais il fallait qu'il soit au courant.

  • Allô ? Me répondit la voix de Brendan.

À peine l'avais-je entendu que je sentis une vague de chaleur se rependre dans mon corps et mon esprit fut immédiatement apaisé.

  • Oui, Brendan, c'est moi, dis-je en sachant qu'il saurait qui était "moi".

  • Qu'est-ce qu'il y a, tu as une toute petite voix, s'inquiétas mon ami.

  • Il s'est passé quelque chose, expliquai-je. C'est par rapport à Chase. Tu peux venir chez moi ?

  • J'arrive, confirma-t-il en raccrochant.

Un quart d'heure plus tard, on sonnait à la porte. Ma mère salua Brendan avec entrain et l'invita à me rejoindre. Je l'entendis monter les marches au pas de course puis il frappa à ma porte. Je lui ouvris et il comprit la gravité de la situation rien qu'en croisant mon regard. Je lui expliquai tout depuis le début en n'omettant aucun détail. Mon ami parut de plus en plus choqué et, lorsque je lui racontai la découverte du sachet de coke, il s'indigna et voulut partir chez Chase immédiatement. Je le retins d'un geste.

  • Pas maintenant, protestai-je, il doit être sur les nerfs à cause de moi. Attends cet après-midi.

Il acquiesça à contre cœur puis, sans que je m'y attende, il m'enlaça dans une étreinte amicale.

  • Cela a dû être difficile de garder tout ça pour toi, pas vrai ? Dit-il. T'inquiètes, il s'en sortira ton Chase !

Je tiquai devant l'expression "ton Chase ". C'était ainsi que je l'appelai lorsque nous étions à l'école primaire. À l'époque, je repoussais toujours les filles qui lui tournaient un peu trop autour à mon goût en prétextant que c'était "mon Chase". Aah, le besoin de possession des enfants... J'affichai un sourire plein de nostalgie et lorsque je croisai le regard de Brendan, il me gratifia d'une œillade complice. Je me dégageai et le remerciai en détournant les yeux pour qu'il ne puisse rien voir de mon émotion.

Je règle cette affaire aujourd'hui, annonça-t-il. Je vais jeter cette merde à la poubelle et on en entendra plus parler !

Je doutais que ce soit aussi simple, mais j'appréciai son optimisme. Il m'expliqua qu'il devait aider son père à monter un meuble et qu'il ne pouvait donc pas rester. Il semblait profondément contrarié à la perspective de me laisser seul, mais je prononçai quelques mots rassurants et il quitta la maison à contrecœur.

Je passai le reste de ma journée à feuilleter mes cours, mais le cœur n'y était pas. J'appelai Payton pour la tenir au courant des événements, mais Brendan l'avait déjà prévenue. Je rencontrai la même réponse chez Clyde et Trévor. Ce dernier sembla particulièrement indigné par l'attitude qu'avait eue Chase à mon égard et déclara qu'il "ne le connaissait pas comme ça". Je souris devant leurs efforts déployés pour me remonter le moral.


En fin d'après-midi, Brendan m'appela pour me demander si je souhaitais l'accompagner chez Chase. Je me rappelai le dernier regard que m'avait lancé le jeune homme lorsque j'avais quitté sa maison et tressaillis. Mais je ne pouvais pas laisser Brendan y aller seul, sinon cela tournerait rapidement à la bagarre...

Nous nous donnâmes rendez-vous à quelques pas de la maison de la famille Myers. Lorsque j'arrivai à destination, je ne pus m'empêcher de remarquer que les voitures des parents et du frère de notre ami manquaient toujours à l'appel. Tant mieux, cela faciliterait la conversation.Je frappai à la porte et deux minutes plus tard Chase l'ouvrit. Quand il nous vit, il eut un sourire las envers Brendan et me fusilla du regard. Je me tassai , gagnée par une soudaine envie de disparaître.


  • Quel bon vent vous amène, mes chers amis ? Ironisa-t-il en allant s'avachir sur le canapé.

  • Arrête, tu sais très bien pourquoi nous sommes là, gronda Brendan.

Oui, je crois comprendre que cela n'a pas suffi à Halsey de mettre son nez dans mes affaires, il a aussi fallu qu'elle les étale devant tout le monde !

  • Chase, tu es ignoble ! M'indignai-je. Tu croyais vraiment que j'allais garder ça pour moi ?

  • C'est toi qui es ignoble, riposta-t-il d'une voix froide, tu me dépeins comme un drogué en perdition, qu'est ce que je devrais dire ?

C'est à ce moment-là que je remarquai le sachet sur la table basse du salon, ainsi que la paille. Un papier blanc portait encore des traces de poudre. Je me précipitai, mais avant que j'ai pu m'emparer de la drogue, Chase avait saisit mon poignet. Je lui lançai un regard noir, mais cela ne le démonta nullement.


  • Alors comme ça, c'était juste pour essayer, hein ? Me moquai-je. Depuis combien de temps "essayes-tu" ce truc ?

Il ne répondit pas et se contenta de mettre le sachet en sécurité dans sa poche. Puis il dit à Brendan.

Si tu es venu ici dans l'intention de me convaincre d'arrêter, j'ai bien peur que ce soit une perte de temps.

  • Donne-moi ça, Chase, ordonna Brendan en tendant la main vers lui. On était d'accord, il ne fallait pas y toucher. Tu devrais le savoir mieux que personne, d'ailleurs !

  • Non, je ne te le donnerai pas, s'énervai le concerné. Non, je ne te le donnerai pas, s'énervai le concerné. Je suis assez grand pour prendre moi-même mes décisions !

  • On veut juste t'aider pauvre con, s'insurgea Brenda, en le saisissant par les épaules. C'est pendant tes vacances qu'on t'a fait goûter ça ? Qui est l'enfoiré qui t'en a donné ?

  • Qu'est-ce que ça peut te faire ? T'en veux aussi ?

  • Arrête de te foutre de ma gueule ! Donne-moi ça !

  • Viens la chercher si tu la veux.

Brendan s'empara du bras de Chase , qui était prudemment enfoncé dans la poche de son jean, mais déjà ce dernier se débattait avec violence. Au bout d'une minute, ils en étaient venus aux mains.

  • Arrêtez, suppliai-je en me précipitant vers eux. Arrêtez, vous êtes potes, je vous rappelle!

Ils m'ignorèrent et alors que je tentais de les séparer, le coude de Chase entra violemment en contact avec mon nez, qui craqua affreusement. Je poussai un cri de douleur et m'écartai de mes deux amis. Brendan cria mon nom et me rejoignit en une enjambée. Il examina mon nez qui saignait légèrement et diagnostiqua .


  • Putain, je crois que t'as le nez cassé... T'es content ? Demanda-t-il à Chase qui m'observait, bouche bée, comme s'il prenait pleinement conscience de son geste.

Brendan mit un point d'honneur à me conduire immédiatement chez moi pour que ma mère m'amène à l'hôpital et nous quittâmes la maison de la famille Myers en le laissant seul et déconcerté, piégé dans les derniers nuages qui embrumaient son esprit après sa prise de drogue. Il nous regarda partir en affichant un air désolé, mais je savais qu'au fond de lui, il était satisfait de cette victoire.

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