Dernier obstacle

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 Agatha et Alain sortirent de la maison sans encombre. Dehors, les amis de la sorcière montaient la garde. La présence du serpent géant avait cependant dissuadé toute opposition de la part des sujets du Roi de Cœur. Seul un pigeon leur tournait autour mais ne s’adressait qu’au reptile, se lamentant au sujet de ses œufs. Romulus fut le premier à constater leur retour.

 — Super, tu l’as trouvé !

 — Je n’ai pas beaucoup de mérite, c’était difficile de passer à côté sans le voir une fois à l’intérieur.

 — On peut rentrer chez Lisa, alors ? demanda Juliette.

 — Pas tout de suite. Je crois qu’il faut d’abord qu’on passe par la toile du Chat pour qu’Alain sorte. Il ne nous a pas suivis, d’ailleurs ?

 — En tout cas, il n’est pas réapparu.

 Perplexe, la sorcière jeta un coup d’œil tout autour, s’attendant à voir apparaitre deux iris ou un sourire. Il n’en fut rien et elle ne savait si c’était un bon présage ou pas. Elle soupira et demanda à Lisa de mener la marche. De toute façon ils ne pouvaient plus reculer.

 Dans le couloir entre les tableaux, le calme était revenu. Lisa les guida jusqu’à la forêt qui s’était vidée de son chat. Leur énorme reptile fermait la marche et seul l’angoissant bruit de respiration venait troubler leur progression jusqu’à ce qu’ils arrivent à la tâche qui marquait leur but. Celle-ci était sombre, précurseur du décor oppressant des bois du Cheshire.

 Quand Lisa y entra, cependant, elle poussa un cri de surprise tandis qu’elle était happée par quelqu’un qui l’entrainait sur le côté. Agatha, juste derrière, cria son nom et courut pour la suivre et essayer d’éviter les bras d’un ennemi en planque. Elle parvint à esquiver mais faillit se cogner contre le premier arbre. Elle fit alors volte-face et tira sa baguette de sa poche pour se défendre.

 — Vous !

 Ils étaient plusieurs à se cacher là, en embuscade pour les attraper. Le génie de la Rencontre, tout d’abord, celui qui retenait Lisa la serrant contre son torse comme s’il voulait lui faire un câlin. À côté, son colocataire se tenait en retrait, le Vincent Lemona de peinture. La Lavandière, encore elle, tenait une corde faite à partir de drap, prêt à saucissonner quelqu’un. Enfin, le Chapelier fou buvait une tasse de thé, couché au sol.

 — Eux !

 Le cœur d’Agatha manqua un battement. Elle avait reconnu cette voix, celle du Chat. Il n’était donc pas bien loin. Dans le couloir, Juliette, Romulus et Alain hésitaient à entrer pour l’aider, au risque de se faire capturer à leur tour.

 — Relâchez Lisa !

 — Viens la remplacer, alors, ricana le génie d’une voix grave et mauvaise.

 — Ne l’écoute p-

 Le génie venait de raffermir son étreinte en planquant un bras contre la bouche de Lisa.

 — On sait qu’elle ne nous sert à rien. Par contre, toi et tes petits copains, vous pouvez nous aider à sortir. Vous êtes trois, je crois ?

 — Ils sont ici ! gloussa la Lavandière en se déplaçant pour observer le couloir.

 Elle fit un geste évocateur avec sa corde, le regard mauvais. Mais elle laissa échapper un cri de surprise quand Alain et Romulus lui foncèrent dessus, la propulsant au sol. Le petit minotaure n’avaut pas encore de corne, mais il avait réussi à sonner la mégère qui leur voulait du mal. Surtout, ils avaient libéré le passage pour Juliette, suivie par son serpent géant qui fit sensation.

 — Qu’est-ce qu…

 — Ooooh, une grosse anguille ! s’exalta le Chapelier. Drôle de nuage.

 Juliette se tourna vers les personnages et son crotale avec elle. Elle leur tira la langue avant de s’adresser à eux pour les menacer.

 — Vous allez retourner dans votre toile et laisser ma copine tranquille ! Sinon, il vous gobe. D’un coup !

 Il n’en fallut pas beaucoup plus pour convaincre le faux peintre. Déjà pas très à l’aise, il prit aussitôt la poudre d’escampette. Le génie, par contre, hésitait. Il ne voulait pas lâcher Lisa. Si sa toile était effectivement l’une des premières de M. Lemona, alors il attendait depuis longtemps une occasion de s’échapper de là. Difficile pour lui d’abandonner. Tandis que Lisa semblait les tenir en respect, Agatha en profita pour se rapprocher discrètement d’Alain. Elle lui désigna la galerie pour qu’il sorte de là. Il devait ensuite courir le plus vite possible pour atteindre la boutique souvenir. Là-bas, il serait en sécurité sans avoir à tout traverser.

 Le serpent fit quelques mètres en avant pour toiser le génie. Si ce dernier recula, il restait borné et ne voulait pas lâcher sa petite sœur. Le crotale allait passer à l’attaque quand le chat apparut soudain sur sa tête.

 — Oh, une partie de chat perché ! s’écria le Chapelier.

 — Cette anguille est folle ! poursuivit l’énorme matou. Ce n’est pas de fumée qu’elle se nourrit, mais de souris ! J’en ai justement une, ici !

 Et sans aucune peur, il plongea sa patte dans la bouche du crotale. Le reptile géant, surpris, se secoua dans tous les sens avant de rapetisser à tout vitesse. Les enfants écarquillèrent leurs yeux. Le Chat du Cheshire avait dû récupérer le morceau de champignon qu’Agatha lui avait lancé !

 — Voilà qui change tout, reprit le génie, son assurance de retour. Alors, qui vient sauver sa copine ? Hein ?

 Agatha serra les poings. Elle avait peur de lancer un sort et que celui-ci n’atteigne Lisa à la place. Elle ne pouvait pas non plus la laisser à la merci de cet être qui risquait de lui faire du mal pour parvenir à ses fins. Elle était sur le point d’avancer pour accepter son marché quand les lumières de la galerie se rallumèrent. Alors elle sourit.

 — Désolée, mais c’est trop tard.

 — Quoi ?

 — Les adultes sont revenus. Et je suis prête à parier que votre créateur aussi.

 Le génie fronça les sourcils. Soudain, le corps de la Lavandière s’évapora et il comprit. Si leur peintre était là, il pouvait tous les rendormir.

 — NON ! Ça ne peut pas se terminer comm-

 Il n’eut pas le temps de terminer. La Rencontre, son tableau, était dans la première pièce de la galerie. Aussi y était-il rappelé de force.

 — Les enfants, vous êtes là ? cria la voix du commissaire.

 — On est ici, papa !

 — Eh bien, notre partie de chat s’arrête donc là ! soupira le matou en s’étirant de tout son long. Dommage. Je me suis bien amusé.

 — Alain est déjà sorti, lui signala Agatha. Tu as perdu.

 — Peu importe. Que pourrait-il m’arriver de pire ? Je suis déjà fou.

 Il éclata de rire alors que le Commissaire débarquait dans la galerie, suivi de près par M. et Mme Lemona. Le peintre alla toucher quelques toiles afin d’en figer les occupants. Le Roi eut beau protester, il retourna en veille en premier. Le Chapelier avec eux disparut comme les autres au moment où M.Lemona effleura son tableau. Arrivèrent Alain et son père, qui se donnaient la main. Kiri pleurait encore à chaudes larmes. Tous vinrent fixer la toile du Chat où ils se trouvaient en attendant.

 — Tout va bien, là-dedans ? demanda Judith.

 — Plus de peur que de mal ! répondirent-ils en cœur.

 — Sortez de là, je vais rendormir ce fichu chat…

 Les enfants approuvèrent et Lisa reprit la tête de leur cortège afin de retourner dans son tableau. Agatha quitta l’endroit en dernière. Juste avant, elle jeta un coup d’œil au Chat du Cheshire. Il s’était installé sur sa branche d’origine et avait déjà repris sa taille normale. Il avait une lueur de malice dans les yeux.

 — Vous le saviez ? laissa-t-elle échapper

 — Je l’ai toujours su ! Mais on n’écoute jamais les fous !

 Et au moment où la sorcière quitta sa forêt, le Chat du Cheshire fut plongé dans un profond sommeil.

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