Sauve qui peut !

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 Aussitôt, ils virent les cartes à jouer sortir de leurs cadres. Les enfants se précipitèrent vers la sortie qu’ils avaient traversée quelques minutes auparavant. Heureusement pour eux, la Chenille ignora royalement l’ordre, préférant se délasser à fumer sa pipe.

 De retour dans le corridor sans couleur, ils entendaient des bruits de pas précipités se diriger vers eux. La garde royale approchait !

 — Suivez-moi ! s’écria Lisa.

 Sans autre solution, ses amis l’accompagnèrent dans un nouveau couloir. Cependant, le portrait-vivant ne revenait pas sur leurs pas.

 — Lisa, la maison du lapin n’est pas par là ! fit remarquer Romulus.

 — Je le sais, mais il faut d’abord qu’on s’occupe des cartes ! Inspirez bien !

 — Comment ça ins…

 Lisa venait de sauter en arrivant à la tâche sombre en fin de couloir pour se jeter dans le prochain tableau. Le « Plouf » qui s’en suivit fit comprendre aux enfants où elle allait. Trop tard. Emportés par leur élan, ils tombèrent en plein dans la mare de larmes. Seule Agatha eut le réflexe de sauter comme à la piscine à la manière de sa copine.

 — Ouf ! soupira Romulus. J’ai pied…

 — C’est pas trop profond, je m’attendais à pire, souffla Agatha.

 — Ça le devient un peu plus par là… Venez, il y a une autre sortie de l’autre côté, on aura de nouveaux couloirs…

 Ils suivirent au possible Lisa. Cependant, celle-ci ne sachant pas nager, elle avait beaucoup de mal à se mouvoir sans paniquer. Agatha essaya de lui montrer quelques mouvements de base, mais tout ce que son amie parvint à faire, c’est un semblant de nage du petit chien. Elle éclaboussait tout le monde, si bien que la souris sortit sa tête hors de l’eau.

 — Un peu de discrétion, je vous prie ! exigea-t-elle. Il va nous voir.

 — Qui ça ? s’étonna Romulus.

 — Mais le chat, pardi !

 — Mais je vous vois, chère amie !

 La souris tourna son museau vers la galerie. Elle poussa un cri de terreur terrible, masquant les plaintes des cartes qui venaient d’arriver et qui n’osaient se jeter à l’eau. Ravi de son effet, le chat prit appuie sur ses pattes et, soudain, plongea dans la toile, et dans la mare de larmes par extension.

 La souris plongea aussitôt sous l’eau, trop effrayée pour faire face à un prédateur gigantesque. Le Chat du Cheshire était toujours aussi imposant qu’un lion. Son arrivée surprit les cartes qui préférèrent s’enfuir par là où ils étaient arrivés. Les enfants, quant à eux, parvenaient enfin à atteindre l’autre rive. Mais si Juliette, Lisa et Romulus étaient prêts à sortir de là, Agatha, elle, fixait le félin. C’était l’occasion !

 — Eh oh ! Le Chat ! J’ai attrapé la souris !

 Toujours son large sourire au visage, l’animal nagea rapidement dans leur direction. Agatha attrapa alors un morceau de champignon et le lui lança. Hélas, le vilain matou n’y fit pas attention et laissa l’aliment magique retomber pas loin de ses crocs.

 — Ce n’était pas une souris ! fit-il remarquer. Mais qui est la souris, et qui est le chat, dans cette histoire ?

 Agatha déglutit. Sous ses airs de folie, elle avait peut-être sous-estimé le Chat… Elle se tourna vite vers ses copains et constata qu’ils étaient déjà dans le couloir. Elle les rattrapa en vitesse, sans se retourner. C’était inutile. Elle savait déjà qu’il était à leur poursuite, lui aussi.

 — Ça a pas marché ? cria Romulus

 — Tais-toi et cours ! Il est ici, on doit se dépêcher de déloger Alain !

 Lisa les guida du mieux qu’elle pouvait dans les couloirs, prenant volontairement un chemin plus long pour éviter de croiser des cartes à jouer. Hélas, alors qu’ils approchaient de la maison du Lapin blanc, ils durent s’arrêter net. Pas moins d’une dizaine de cartes les attendaient devant l’entrée de la toile ! En les voyants, ceux-ci dressèrent leurs lances et hallebarde avec défis. Ils voulurent revenir sur leurs pas, mais les rires du Chat se rapprochaient aussi.

 — On est piégés…

 — Pas si vite ! s’exclama Juliette. J’ai une SUPER idée.

 — Oh non…

 Sans plus attendre, Juliette attrapa un nouveau crotale de sa chevelure. À celui-ci, elle donna à manger le bout de champignon qu’elle avait récupéré plus tôt. Puis, avant qu’il ne devienne trop gros, elle le lança devant eux.

 Le reptile devint rapidement gigantesque, au point d’occuper tout l’espace du couloir. S’ils ne pouvaient les voir, les enfants entendirent les cartes abandonner leur équipement sur place pour prendre la poudre d’escampette. Le crotale siffla et avança pour laisser les visiteurs passer à sa suite.

 — Il ne va pas essayer de nous manger, rassure-moi, Juliette ? questionna Lisa, un peu refroidie.

 — Mais non ! Enfin, je pense pas. D’habitude, on est trop grand pour ça…

 — Tu sais trouver les mots pour nous rassurer, lança Romulus avec un rire nerveux.

 Ainsi précédés, ils purent entrer dans le tableau du lapin blanc. Ce dernier les attendait devant la porte de sa maison. Mais il était abasourdi d’horreur face au serpent géant. Les cartes venues pour l’aider avaient déjà fui. Aussi ne s’attarda-t-il pas plus longtemps, laissant sa maison sans protection.

 — J’y vais ! clama Agatha en se précipitant vers la porte.

 La sorcière pénétra la demeure en bois. Elle s’extasia quelques secondes de voir comme l’intérieur du bâtiment était rempli d’autant de détail que s’il avait été dans son monde. Elle courut vers un escalier qu’elle grimpa en vitesse avant de voir un énorme sabot sortir d’une porte de sa taille.

 — Alain ? appela la sorcière. Alain, c’est bien toi ?

 — Qui est là ? demanda la voix apeurée de l’enfant. Je suis bloqué…

 — Ne t’inquiète pas, on va te sortir de là !

 Elle dut jouer les acrobates et les contorsionnistes pour entrer puis se déplacer dans ce qui devait être la chambre du lapin. Le pauvre minotaure y avait mangé son champignon et s’était retrouvé dans une position ô combien inconfortable sans liberté de se mouvoir. Il devait être piégé ainsi depuis des heures.

 — Voilà… mange ça ! s’exclama Agatha lorsqu’elle fut assez proche de sa tête.

 — C’est un champignon… ? Mais j’en ai déjà mangé…

 — C’est l’autre côté, c’est pour redevenir plus petit !

 — Mais je voulais devenir grand moi… Comme mon papa…

 — Et tu ne crois pas que tu es devenu un peu trop grand ?

 L’enfant fit une moue, forcé d’admettre qu’être gigantesque, ce n’était pas si amusant qu’il l’aurait cru. Il consentit donc à manger ce qu’on lui donnait. Très vite, il reprit une taille tout à fait normale et pu se mettre sur ses deux pattes.

 — C’est pas mieux ?

 — Si…

 — Allez, viens, on va rentrer, maintenant !

 Le petit minotaure approuva, l’air mal à l’aise de l’enfant qui savait qu’il avait fait une bêtise et qui appréhendait la punition. Il ne se doutait pas que ses parents seraient plus soulagés que fâchés quand il le reverrait.

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