La Lavandière

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 Agatha resta un instant pensive, sans bouger, en pleine réflexion devant l’écran désormais vide. Lisa croisait les bras sur l’encadrure de son tableau et Romulus guettait l’entrée de la galerie. Juliette, enfin, patientait, bras dans le dos, pour voir si on avait encore besoin de ses compétences sur l’ordinateur.

 — Ju’, tu m’avais dit que tu avais trouvé des informations sur le Chat du Cheshire ?

 — Oui, mais pas grand-chose, attends…

 La sorcière s’écarta un peu pour lui laisser cliquer aux pages qu’elle avait déjà trouvée à l’avance puis se retira de nouveau. Agatha parcourut rapidement les informations qui s’y trouvaient, s’attardant sur le Chat, le Roi et la Chenille.

 — Voyons ça… Ils appartiennent tous les trois au même collectionneur privé… Ils ont toutefois participé à quelques expositions… La dernière remonte à vingt-deux ans… Tiens, ils font mention d’un désordre à cause du Chat, justement…

 — L’histoire se répète, plaisanta Juliette.

 — Je crois que je commence à y avoir plus clair dans cette affaire.

 — Vraiment ?

 La petite détective acquiesça et demanda à Juliette si elle pouvait lui trouver des informations sur cette exposition où le vilain matou avait déjà semé la discorde autrefois. Elle quitta le siège pour lui laisser la place et se tourna vers Lisa et Romulus.

 — On peut peut-être essayer de retrouver Alain, en attendant que les adultes reviennent.

 — Quoi ? Agatha, je te rappelle que quasi tous mes frères et sœurs veulent vous capturer !

 — Je sais, mais on ne peut pas laisser Alain entre leurs mains, le pauvre doit être terrifié.

 — Le jeu de carte est armé ! Et les autres sont prêts à nous balancer n’importe quoi ! 

 — Oh, c’est bon, ça pourrait être pire, plaisanta nerveusement Romulus. Il pourrait faire nuit, en plus !

 Le hasard voulut que ce soit au moment où le loup-garou prononçait ces paroles que les lumières s’éteignirent de concert, plongeant la galerie dans une obscurité relative. L’effet fut moins saisissant pour les enfants que s’ils avaient été dans une autre salle, car les portes vitrées laissaient s’échapper la lumière d’un soleil morose. Cependant, c’est bien toute l’électricité de la galerie qui avait été coupée, car l’ordinateur s’éteignit en même temps, ainsi que la musique classique qui passait en boucle.

 Le visage des trois filles, interdites, passa lentement vers le seul garçon de la bande. Ce dernier cligna des yeux, tourna la tête autour de lui pour s’assurer qu’il ne rêvait pas, puis fit un pas en arrière, l’air désolé.

 — Rom’, tu voudras bien ne plus dire de grosses bêtises comme ça, la prochaine fois ? lança finalement Juliette, un brin fâchée.

 — Mais… j’y peux rien !

 — Ça ne peut être que le Chat, soupira Agatha. Il a dû trouver le système électrique du bâtiment et s’est amusé à l’ét-

 Un bruit sourd venait de retentir dans la galerie, comme un objet tombant au sol, et plusieurs personnages avaient crié en réponse, interrompant la sorcière. Les enfants avaient sursauté avant de se tourner vers l’entrée de la galerie, inquiets.

 — C’était quoi, ça ?

 — Aucune idée… Peut-être que le chapelier a lancé une autre théière ?

 — Attendez…

 Lisa s’était penchée autant que possible depuis son tableau. Elle plissa les yeux. Elle était persuadée d’avoir vu du mouvement. Quand elle comprit ce que c’était, elle déglutit bruyamment.

 — Ok, j’ai peut-être pas une super nouvelle…

 — C’est quoi ce truc qui bouge…

 — La lavandière.

 Effectivement, débarquant de la galerie, un cadre de la même taille que celui de Lisa s’avançait vers eux. La lavandière en sortait jusqu’à la taille. Elle se servait de ses coudes comme de deux pattes pour avancer et maintenir son cadre debout. Dans une main, elle tenait une pièce de tissus, la même que celle avec laquelle elle les avait déjà agressés plus tôt, transformée en une corde plus robuste que lorsqu’elle avait agi dans la précipitation.

 Quand ils la virent apparaitre et comprirent ce que c’était, les enfants restèrent d’abord figés de surprise. L’être de peinture marqua d’ailleurs une pause dans l’encadrure. Elle les fixa avec un sourire qu’ils ne pouvaient que deviner. Enfin, quand elle s’élança avec une vitesse surprenante pour son moyen de locomotion, ils hurlèrent de peur.

 Emportée dans son élan, le cadre de la Lavandière se heurta au mur quand elle tenta de contourner le comptoir pour les attraper. Sans attendre, la petite bande prit ses jambes à son cou. Juliette s’enfuit aussitôt dans l’autre sens alors que Romulus sautait sur le comptoir, se croyant hors d’atteinte. Agatha, ne pouvant abandonner Lisa, attrapa la brouette et suivit aussi vite que possible la gorgone. Ralentie par sa charge, elle s’attendait à être prise pour cible. Il n’en fut rien.

 Repoussant d’un geste violent le siège à roulettes, la lavandière porta son regard sur le loup-garou. En hauteur, il s’était attendu à ne rien craindre. Mais d’un geste précis, elle lui lança sa corde de drap de manière à s’enrouler autour de ses jambes. Avant qu’il ne puisse réagir, elle tira pour amener à elle sa proie. La pêche était bonne. Romulus perdit l’équilibre et se cogna contre le comptoir.

 — ROM’ !

 Agatha lâcha la brouette. Elle venait de se retourner et elle ne pouvait laisser son ami se faire ainsi capturer. D’un geste vif, elle attrapa sa baguette. Dans un sprint, elle fonça sur la lavandière en la repoussant. Cette dernière, trop accaparée par le loup-garou, ne put réagir à temps. Elle fut projetée en arrière et se rattrapa de justesse avec ses coudes tout éraflés.

 — Il est à moi !

 Bien décidée à ne pas se laisser faire, la lavandière revint à la charge, les yeux remplis de hargne. Romulus s’était relevé et débarrassé de la corde. Avec Agatha, ils sautèrent de nouveau sur le comptoir, mais n’y restèrent que le temps d’une seconde. Aussitôt, l’être de peinture revint sur ses traces et fit face aux enfants dans le hall d’entrée. Elle passa chacun en revue puis se hâta en direction de Juliette.

 La gorgone, cependant, décida de lui faire face. Quand elle fut assez près, elle fit un mouvement en avant et les crotales de sa chevelure se dressèrent en sifflant. Intimidée, la lavandière se figea. Mais d’un bras, elle s’était saisie d’une autre pièce de tissu. Elle le lança alors tel un filet au visage de Juliette qui étouffa un cri de stupeur. Ses serpents hors d’atteinte, elle attrapa alors leur amie par la cheville en ricanant.

 Seulement, elle ne s’attendait pas à recevoir un coup dans le dos. La lavandière en elle-même ne ressentit aucune douleur. Son tableau, par contre, fut ainsi poussé en avant et elle hurla, forcée de disparaitre à l’intérieur. Derrière elle, deux tableaux l’avant imitée pour se déplacer : Drake et Corelli.

 — Vite, mettez quelque chose par-dessus pour éviter qu’elle ne se relève ! s’écria le compositeur.

 D’abord surprise par leur arrivée, Agatha acquiesça et alla vite attraper la chaise à roulettes. Sans aucune hésitation, elle la fit passer par-dessus la toile qui tentait de se relever. Une longue plainte étouffée s’en échappa, suivie de sanglots. La menace était vaincue.

 — Et voilà, se targua Drake en bombant le torse autant que sa position le lui permettait. Encore un haut fait à ajouter à ma liste héroïque !

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