Fuir

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 — Tu vas venir avec moi ! cria le roi en tirant de toutes ses forces.

 — Lâchez-moi !

 Heureusement pour Romulus, le Roi de cœur ne semblait pas particulièrement fort. Le loup-garou, en tout cas, lui opposait une résistance suffisante pour ne pas être emporté dans son monde de peinture. Rapidement, Juliette et Agatha vinrent lui prêter main forte pour le soutirer de la poigne royale.

 — Qu’est-ce que vous attendez pour m’aider, bandes de tire-au-flanc !

 — T-tout de suite votre majesté !

 Le lapin blanc prit pourtant le temps de souffler dans une trompette avant de saisir son maitre par les pieds et commencer à tirer de toutes ses forces, ce qui ne parvint qu’à lui retirer une botte. Cependant, son vacarme avait aussi rameuté une dizaine de cartes à jouer qui attrapèrent le roi par la taille pour l’aider à tirer sa proie avec eux.

 Jusqu’ici, les enfants avaient été assez forts, mais l’arrivée des soldats changeait la donne. Romulus se rapprochait dangereusement du tableau, et les filles avec. C’était sans compter la hargne du jeune loup-garou qui poussa un hurlement bestial avant de mordre sauvagement le bras qui le tenait captif. Le Roi lâcha aussitôt sa victime et un cri de douleur. Emporté par ses propres sous-fifres, il retomba sur ses derniers en pleurnichant.

 — Je meurs ! Je me meurs !

 Alors qu’on s’activait dans la salle du trône, les enfants reculaient, sur leur garde, sans oser tourner le dos à leurs agresseurs. Très vite, Agatha attrapa la brouette de Lisa.

 — On file, faut pas rester là !

 — C’est… sans doute la meilleure idée de la journée, déglutit Juliette. Vite !

 D’un pas pressé, ils se dirigèrent vers la boutique souvenir, là où aucun tableau ne les embêteraient plus. Cependant, avant qu’ils ne puissent franchir l’encadrure, deux hallebardes surgirent des tableaux de droite et de gauche pour leur faire barrage.

 — Vous n’irez nulle part ! cria le roi en se dégageant du lapin blanc qui épongeait le sang de son bras avec ses propres vêtements. Je vous ferai couper la tête si vous osez partir !

 — Vite, dans l’autre sens ! cria Romulus

 — Gardes ! Gardes !

 Les soldats du Pays des Merveilles les pourchassèrent en passant dans les tableaux voisins, la maison du lapin, celle des fous, la forêt du Cheshire et celle de la chenille. Des pics et des lances traversaient les tableaux pour les atteindre. Heureusement, les enfants parvinrent à éviter les armes qui se dressaient devant eux. Quand ils arrivèrent dans le dernier tableau, celui de la souris, les premières cartes s’immobilisèrent pour ne pas tomber dans la mare de larmes. Mais, poussés par leurs camarades plus tardifs, ils y furent projetés. Le chaos généré permit aux quatre enfants de s’enfuir dans la salle qui précédait.

 Ils n’eurent pas le temps de souffler. Surgissant de l’autre côté, le Roi surgit jusqu’au torse et faillit attraper Juliette. Ses crotales sifflèrent avec rage et le royal vilain sursauta en arrière pour ne pas subir de seconde morsure. Les autres tableaux de la pièce regardaient la scène, certains offusqués, d’autres simplement intrigués. Prise de doute, Lisa courut dans sa toile pour verrouiller la pièce qui lui tenait lieu de décor. Juste à temps car des personnages secouèrent, en vain, la poignée de son arrière-fond. Sans plus attendre, les enfants reprirent leur fuite là où ils l’avaient laissée.

 — Saisissez-vous d’eux ! rugit le Roi de Cœur. Ils sont notre billet de sortie !

 La plupart des personnages exprimèrent surprise et méfiance quant aux paroles de leur frère. Certains, par contre, firent immédiatement le lien avec l’apparition du Chat du Cheshire. Et enfin, parmi eux, quelques-uns se prêtèrent à la traque.

 Ainsi, alors que les enfants se dépêchaient de traverser l’exposition pour revenir au hall d’entrée, ils furent poursuivis par bien des personnages. Une lavandière leur cria de s’arrêter en faisant claquer un drap qu’elle avait entortillé pour s’en servir de fouet, comme on l’aurait fait d’un essuie de vaisselle. Un soldat manchot réussit à piquer les fesses de Romulus du bout de sa baïonnette. Soudain, une théière vola dans la pièce, lancée par le Chapelier. Elle emporta le chapeau d’Agatha, qui ne put réprimer un cri, avant d’exploser au sol. Des personnages criaient, sommait les enfants de s’arrêter ou leurs compères de cesser. Le Roi de Cœur reparut dans un tableau, mais réveilla une meute de chiens qui le firent fuir en arrière.

 Plus ils avançaient et plus il y avait de bras qui surgissait pour essayer de les attraper. Les enfants l’avaient bien compris et, dans leur course, ils veillaient à rester au centre de la pièce, hors de portée des doigts crochus des personnages.

 — Ne vous avais-je pas dit que vous couriez un grave danger ! s’exclama la voix enjouée du chat du Cheshire, dont le visage était apparu au-dessus du passage à la salle suivante.

 Sa présence freina les ardeurs des quatre fuyards, qui ne savaient s’ils pouvaient oser passer sous le chat sans risquer un coup de griffe. Mais comme les cris, les bras et les armes se faisaient de plus en plus nombreux derrière eux, ils foncèrent têtes baissées. Heureusement, le chat ne tenta rien de plus.

 — Fuyez ! cria Drake, son sabre d’abordage dégainé, en voyant les enfants débarquer. Nous arrêterons les forbans qui sont à vos trousses !

 — Oui, enfin, nous essaierons ! reprit Corelli, armé d’un simple chandelier.

 Les enfants ne prirent pas la peine de les remercier pour leur bravoure, bien trop accaparez par leur survie. Seule Lisa, qui faisait face à ses camarades depuis sa brouette, les vit s’opposer aux premiers poursuivants avant d’être submerger par la foule nombreuse des personnages rêvant de liberté.

 Enfin, dans la toute première pièce de la visite, seul un personnage essaya de les attraper. Le génie de « La Rencontre » sortit ses grands et puissants bras pour leur faire barrage. Agatha dut attraper sa baguette d’une main pour le repousser violemment d’un sort de répulsion. Il revint à la charge presque aussitôt, mais la diversion d’Agatha avait suffi pour donner l’occasion aux enfants de sortir de la pièce.

 Ils coururent encore quelques secondes dans le hall d’entrée avant de s’arrêter, à bout de souffle, et de se tourner avec inquiétude vers l’exposition. Des cris en venaient encore, et des bras s’agitaient aux murs. Puis tout se calma. Juliette, Romulus et Agatha se laissèrent tomber au sol pour reprendre leur souffle, secoués par des rires nerveux. Ils s’en étaient tirés !

 Pour cette fois, du moins.

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