Le Chat du Cheshire

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 À la maison, Agatha avait son propre matou. Une adorable chatte noire qui répondait au nom de Miss Marple. La sorcière aimait la câliner et jouer avec elle, en lui secouant devant le museau le pompon de son chapeau pointu. Aussi avait-elle toujours associé les chats à l’amusement et à la douceur.

 Maintenant que le Chat du Cheshire était face à elle, c’était autre chose. « J’ai souvent vu un chat sans grimace, mais une grimace sans chat, de toute ma vie je n’ai jamais rien vu de si effrayant. » Et le voir apparaitre de plus en plus au fil des secondes n’arrangeait rien. Agatha pouvait garder Miss Marple dans ses bras. Ce félin, par contre, faisait plutôt la taille d’un imposant lion.

 Comme les traits de leur amie se décomposaient, les trois garnements tournèrent la tête pour voir ce qui la terrorisait. Romulus sursauta et se mit aussitôt sur la défensive, grognant comme un chien mécontent. Juliette poussa un cri de surprise reprit en cœur par les sifflements menaçant de sa chevelure reptilienne. Quant à Lisa, tout un tas d’émotions passèrent sur son visage au point qu’elle ne savait qu’exprimer en cet instant.

 — Il est venu à mon oreille, qui trainait quelque part par là, que vous étiez à la recherche du Grimaçon. Alors pour vous empêcher de le trouver, le Grimaçon vous a trouvés à la place !

 Il ponctua sa phrase par un petit ricanement amusé puis élargit son sourire de dents pointues. Son corps finissait tout juste d’apparaitre entièrement et laissait enfin voir ses pattes et les longues griffes dont il était pourvu. À n’en point douter, l’animal aurait été capable de déchirer la Reine de Cœur s’il l’avait voulu. Il en imposait. Juliette comprenait mieux ce que ressentaient les petites souris lorsqu’elles croisaient leur prédateur.

 Néanmoins, le Chat du Cheshire ne manifestait ni hostilité ni agressivité. Il ne s’était pas encore jeté sur eux pour les lacérer alors qu’il en aurait eu tout le loisir. Aussi Agatha prit-elle son courage à deux mains et, après un souffle pour se donner courage, fit un pas en avant.

 — Bonjour, je… Je m’appelle Agatha, voici mes amis… Nous enquêtons sur la toile déchirée. Je suppose que vous êtes au courant.

 — Mon autre oreille en a entendu parler, effectivement.

 — Nous nous demandions si, par hasard, vous n’auriez pas des choses à nous dire sur le sujet.

 — J’ai des tas de choses que je pourrais vous raconter ! Quant à savoir si cela concerne le sujet, vous ne le saurez que si vous m’écoutez.

 — Ce-Cela va sans dire, répondit la sorcière, déstabilisée par l’entrain qui se dégageait du félin.

 — Bien, alors écoutez moi bien et n’oubliez pas de garder vos oreilles dans le périmètre, sans quoi vous n’entendriez rien. Car oui, notre créateur m’a éveillé, hier soir, par erreur. Ou était-ce un bonheur ? Cela dépend du point de vue, de l’interlocuteur.

 — Vous avez peut-être donc assisté à ce qui est arrivé à la Reine de cœur ?

 — Grand dieu, voulez-vous dire qu’il est arrivé quelque chose à la Reine ?

 Agatha cligna des yeux, un peu surprise, avant de se rappeler des paroles de la Chenille. Interroger un fou, voilà un exercice qui avait de quoi chambouler ses habitudes et ses petites cellules grises au passage. Le regard de ses camarades passait de la sorcière au matou avec des sourcils qui se fronçaient toujours plus au rythme de l’incompréhension.

 — Le portrait a été déchiré, au niveau du visage. Comme si on avait voulu…

 — Lui couper la tête ! Comme c’est drôle de sa part. Elle ne manque pas d’humour, vraiment.

 — Vous… Vous confirmez que vous n’y êtes pour rien, alors ?

 — Comment aurais-je pu causer des faits que j’ignorais il y a encore peu de temps ? s’exclama le chat avec entrain. Quoiqu’un chien ignore qu’il causa la mort d’un chat en lui aboyant dessus si celui-ci saute du mur et passe sous une voiture en fuyant !

 Cela n’avait décidément rien de drôle. Pourtant, le chat fut pris d’un fou rire et tapa le sol d’une patte pour reprendre contenance. Jusqu’à ce que sa patte disparaisse, et son corps avec, ne laissant plus que son visage.

 — Griffe pour griffe, si l’on m’en juge coupable, alors j’accepterai pareille punition ! Qu’on me coupe la tête ! Mais je vous souhaite bonne chance, car je n’ai déjà plus de cou.

 Les crotales de Juliette s’étant calmés, la gorgone pencha la tête avec une drôle de grimace. N’ayant jamais lu le livre d’origine, ce dont elle s’était bien gardée de dire, elle ne comprenait décidément rien à ce qui se passait.

 — Il est… complétement taré, non ?

 — Je préfère qu’on dise de moi que je suis fou ! corrigea l’interpelé. D’ailleurs, sachez que nous le sommes tous, ici ! Et vous ne faites pas exception ! Qui donc de sain d’esprit trainerait dans cette galerie malgré les menaces qui pèsent sur vous ?

 — Les menaces ? répéta Romulus. Quelles menaces ?

 — N’êtes-vous donc pas au courant ? Il est bien triste de vous voir que votre insouciance n’est au final que de l’ignorance. Bien, si j’étais vous, j’irais voir le Roi ! Mais je ne suis pas vous, n’est-ce pas, auquel cas, je courrais un grave danger !

 Sans plus de cérémonie, le visage Chat du Cheshire s’évanouit aussitôt sa phrase finie. Agatha souffla, rassurée qu’il ne les ait pas attaqués. Puis elle les remarqua, tous ces personnages qui s’étaient figés d’effroi à l’apparition du matou et qui, maintenant qu’il était porté disparu, chuchotait entre eux pour s’expliquer comment diable l’un des leurs avait réussi à s’incarner dans l’autre monde.

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