Autorisée à enquêter

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 — Quand est-ce arrivé ? demanda Agatha après s’être approchée du portrait pour mieux l’examiner.

 — Monsieur Lemona l’a découverte ainsi ce matin, en arrivant. Mais comme la peinture était cachée, dieu seul sait quand ça s’est produit.

 — Hier, Alain a dit qu’il avait jeté un coup d’œil et qu’il l’avait trouvée très belle.

 La petite sorcière abandonna son examen de la victime. D’un pas lent, elle entama de faire le tour de la salle, observant les différents personnages de peinture qui, poussés par la curiosité, étaient venus voir ce qui provoquait tant de remue-ménage.

 — Le petit minotaure, hein ? À ce propos, Agatha, je voulais te demander si ça ne te dérangeait pas de… de rester ici.

 La petite sorcière fit volte-face, un sourcil relevé. Ses trois camarades exprimaient autant de surprise et Mme Lemona venait de faire un drôle de geste de la tête pour manifester la sienne.

 — Ici, vous voulez dire… Pour enquêter ? demanda la petite blonde en faisant tout son possible pour ne pas laisser éclater toute sa joie.

 — Oui, soupira le commissaire. En fait, je dois reconnaitre que tu m’as agréablement surpris la dernière fois. Et puis, surtout, cette-fois-ci il y a une autre affaire en cours. Or, malgré tous mes respects, M. Lemona, je considère que la vie d’un petit garçon est plus urgente à sauver que de trouver qui a déchiré une peinture, aussi magnifique soit-elle.

 Il avait beau dire ça, Romulus voyait bien comme son père devait se forcer pour déléguer cette affaire à son amie. Sans doute aurait-il tenté de l’écarter un minimum si Alain n’avait pas été porté disparu. Sa nuit blanche était sûrement entrée en jeu lors de sa décision.

 — Vous pouvez compter sur moi, commissaire !

 — Attendez, attendez…, les interrompit Mme Lemona, toute confuse. Scotyard, c’est une blague, pas vrai ? Je veux dire, Agatha, tu es gentille, mais… Mais tu es une enfant ! Tu ne peux pas…

 — Sachez, madame, qu’Agatha a déjà prouvé qu’elle était une très bonne détective. Je suis sûr qu’elle saura quels indices collecter pour permettre la bonne résolution de cette affaire. De plus, je la reprendrai personnellement en main dès que nous aurons retrouvé le jeune minotaure. Maintenant, si vous voulez bien m’excuser…

 Un geste de tête en guise de salut, il tourna les talons et prit congé. Judith grommela quelques remarques inaudibles et Lisa tenta de la rassurer en vantant les enquêtes passées de son amie. Romulus et Juliette, quant à eux, échangèrent un regard. Ils avaient deux avis très différents sur la question. Le loup-garou, lui, savait tout ce qu’Agatha pouvait leur demander afin d’obtenir des indices ou vérifier ses théories. Il appréhendait donc un peu la suite. La gorgone, elle, avait plutôt envie d’en découdre !

 — Qu’est-ce qu’on peut faire pour t’aider ? demanda-t-elle, une pointe d’excitation dans la voix.

 — Il va falloir interroger les autres tableaux, l’un d’eux a peut-être vu quelque chose.

 — Ils n’auront rien vu.

 M. Lemona s’exprimait pour la première fois depuis qu’ils étaient arrivés. Sa voix tremblait, il était encore bouleversé par sa découverte. Il se releva péniblement, refusant l’aide de Judith, puis se tourna vers la petite sorcière. Il fit un pas malhabile devant lui et sa femme le rattrapa de justesse. Vu son état de vulnérabilité, la sorcière et la gorgone se rapprochèrent pour qu’il n’ait pas à prodiguer plus d’effort.

 — Avant de partir, hier soir, j’ai endormi chaque tableau qui se trouve ici.

 — Endormi ?

 — Papa peut nous désactiver d’un simple toucher, intervint Lisa. C’est comme un profond sommeil. On n’en sort que s’il nous touche à nouveau.

 — C’est l’état dans lequel se trouvaient les tableaux du Pays des Merveilles hier, lors de notre visite, c’est ça ?

 Le peintre approuva d’un hochement peiné. L’influence du peintre sur ses œuvres ne cessait d’impressionner Agatha. De nouveau, elle balaya la pièce du regard. Des tas de personnages s’activaient autour d’eux et la rumeur des conversations allait bon train dans leur monde de peinture.

 — Mais vous les avez réveillés en arrivant aujourd’hui, je me trompe ? Avant de retirer le rideau. Pourquoi d’ailleurs ? La Reine de Cœur n’était-elle pas censée restée cachée jusqu’à l’inauguration cette après-midi ?

 — Cela faisait près d’un siècle qu’elle ne s’était pas éveillée. Je lui devais au moins quelques explications avant qu’elle ne se retrouve sous le feu des projecteurs…

 — Et il vous suffit de toucher la toile ou il faut aussi toucher le personnage ?

 — La toile, simplement. Pourquoi cette question ?

 Alors qu’elle posait ses questions, le regard d’Agatha continuait de balayer la pièce du regard. Elle se tourna enfin vers le peintre. Malgré la peine, il paraissait intrigué, comme s’il commençait à se douter de ce qu’Agatha avait remarqué.

 — Parce que depuis que nous sommes là, je n’ai vu le Chat du Cheshire nulle part.

 À cette remarque, ses trois camarades se tournèrent à leur tour vers les personnages de la galerie. Ils voulaient s’assurer que leur amie ne se trompait pas. Aussitôt, Romulus et Juliette s’approchèrent pour regarder de plus près tandis que Lisa passait de toile en toile à la recherche du matou. M. Lemona, quant à lui, resta impassible alors que sa femme retenait avec peine une petite exclamation.

 — Tu l’as touché hier soir, avant de partir, lui rappela-t-elle. Tu te souviens ?

 — Il y avait une fausse araignée accrochée sur le tableau…

 — J’a cru voir un mouvement de sa part juste après… Mais je l’ai gardé à l’œil et j’étais persuadée que c’était juste mon imagination…

 — Et si vous avez retouché la toile aujourd’hui, il ne se serait pas rendormi ?

 — Non. Le réveil est automatique. La veille, elle, doit être volontaire…

 — Dernière question. Est-ce que le chat du Cheshire pourrait vouloir tuer la Reine de Cœur ?

 Cette fois-ci, ce fut la Chenille qui répondit, par un grand éclat de rire condescendant derrière eux. L’insecte s’attira l’attention de tous et prit un malin plaisir à tirer longtemps sur sa pipe avant de prendre la parole.

 — Voyons jeune fille. Ce vieux matou n’a pas besoin de raison. Il vous l’aurait dit lui-même s’il ne se cachait pas : Tout le monde est fou ici.

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