Chapitre 3

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Lorsque je me réveille, je remarque que je ne suis plus dans ma chambre mais sur un lit dans une cellule. Celle-ci n’est composée que d’une couchette et d’une petite fenêtre au-dessus de celle-ci. Je me tourne et vois que mes bandages sont encore là. Étrangement, mes blessures me font moins mal. Peut-être que l’Autorité a décidé d’alléger ma punition. Je suis sortie de mes pensées par l’arrivée d’un garde. Il vient vers moi.

— Le chef veut vous voir, levez-vous, ordonne-t-il l’air neutre.

Je ne peux pas voir l’expression sur son visage, étant donné qu’il est entièrement caché, mais je comprends qu’il ne plaisante pas et qu’il est prêt à m’y amener lui-même s’il le faut. Je me lève donc rapidement, ravivant la douleur en moi. Je ne dis rien. Je sais que je n’ai pas le choix. Je sors avec l’homme qui m’amène dans une pièce carrée, entièrement grise et meublée d’une table et de deux chaises.

Je m’assois sur une d’elle et j’attends patiemment. Au bout de longues minutes d’attente, la porte s’ouvre et le chef que j’ai vu dans ma chambre quelques jours plus tôt apparait. Il prend place en face de moi et me regarde, impassible. Il a l’air moins conciliant que la dernière fois mais je ne fais aucune remarque, espérant qu’il ne me gardera pas trop longtemps.

Soudainement, il se met à rire sans que je comprenne pourquoi. Pas d’un rire forcé, mais d’un rire fort et sincère. Devant mon visage d’incompréhension, il se stoppe et prend un air sérieux.

— Quoi ? Tu ne trouves pas ça drôle ? dit-il comme si la réponse était évidente.

— Comment ça ? tenté-je.

— Toi, une pauvre fillette, oser nous fuir alors que tu sais que ça va causer du tort à tous tes proches, me reproche-t-il en prenant un air sévère.

— Vous allez leur faire quelque chose ? demandé-je en essayant de ne pas céder à la panique.

— Pas si tu parles et que tu avoues avoir fui, me répond-il.

— Alors j’avoue avoir fui, avoué-je directement.

— Tu n’as pas agi seule n’est-ce pas ? Sinon, je ne vois pas comment tu aurais réussi à partir sans que personne ne le remarque, insiste-t-il.

— C’est faux, j’ai agi entièrement seule. Je me suis entraînée et j’ai eu cette idée par moi-même. Je vous jure que personne ne m’a aidée, tenté-je de le convaincre.

— Quoi qu’il en soit, je me vois dans l’obligation de vous infliger à tous une punition. Tes parents et ton frère n’y échapperont pas, annonce-t-il froidement.

— Je vous en prie ne leur faites rien, ils ne sont pas responsables, le supplié-je même si je sais que c’est inutile.

— Je suis désolé mais c’est impossible. Vous pouvez retourner en cellule, nous reviendrons vers vous quand nous les aurons amenés ici, m’impose-t-il d’un ton dur.

Je ne veux pas partir mais un garde entre et me force à me lever. Il me raccompagne et je me retrouve cette fois dans une pièce avec des barreaux. J’ai une minuscule couchette et un plateau repas m’attend. Je le laisse de côté, n’ayant pas faim. Après de longues minutes, j’entends des pas et mes proches entrent. Quand mon frère me voit, il se précipite vers moi.

— Tu vas bien ? demande-t-il.

— Oui ne t’inquiètes pas, lui réponds-je d’un sourire.

Avant que nous n’ayons le temps de parler plus, un garde le prend par le bras pour le ramener en arrière tandis qu’il se débat.

— Lâchez-moi ! Vous n’avez pas intérêt à lui faire du mal ! hurle-t-il.

Les larmes me montent aux yeux. Le voir dans cet état m’attriste au plus haut point. Il est soudainement électrocuté, ce qui le fait tomber brutalement sur le sol. Je crie son nom et mon père met un coup de poing au représentant de l’Autorité avant de se faire rapidement maîtriser.

— Laissez-le, ce n’est qu’un enfant ! crie-t-il, furieux.

Les gardes ne l’écoutent pas et deux d’entre eux prennent mon frère par les bras pour le traîner jusqu’à la cellule en face de la mienne. Ils le jettent dedans et referment la porte. Mon père est enfermé à côté de lui et ma mère est juste à ma droite. Elle me regarde tristement tandis que mes larmes coulent sur mes joues à une vitesse folle.

Qu’ai-je fait ? Je les ai entraînés dans mon erreur… Tout est de ma faute… Les gardes sortent, nous laissant tous les quatre. Un silence plus qu’embarrassant s’installe, me faisant d’autant plus regretter mes actes.

— Je…Je suis vraiment désolée… Je ne pensais pas que ça tournerait aussi mal… réussis-je à sortir entre deux sanglots.

Alors que je pensais que mes parents seraient en colère, ils prennent un air compatissant.

— Ma chérie, tu n’y peux rien. C’est de leur faute… C’est la société qui n’est pas faite pour des gens comme toi, me réconforte doucement ma mère.

— Mais…vous allez en payer les conséquences…alors que vous n’avez rien fait… réponds-je.

— Ta mère a raison. C’est nous, on aurait dû le voir et on aurait dû faire diversion pour que tu puisses t’en aller… Le plus important c’est que tu sois heureuse, tente de me rassurer mon père.

— Mais… commencé-je.

— Et ton frère serait d’accord avec nous. Ne t’inquiètes pas, il va bientôt se réveiller, me coupe ma mère.

J’acquiesce faiblement et je remarque qu’eux aussi ont un plateau de nourriture. Je leur indique de manger. Ils acceptent mais me demandent de manger aussi, alors je le fais malgré la boule que j’ai au ventre. Mes yeux sont fixés sur mon frère qui est toujours là, à terre, inconscient. Je voudrais l’aider mais je suis trop loin et trop faible pour ça.

Le temps passe. Je me suis recroquevillée sur moi-même, le regard dans le vide. Je vois les doigts de mon frère se mettre à bouger alors je crie son nom. Après quelques secondes, il met ses mains devant lui pour se redresser lentement. Quand il lève la tête, je ne peux empêcher mes larmes de se remettre à couler. J’ai eu si peur pour lui…

— Comment tu te sens ? demandé-je avec hésitation.

— Je dirais que ça va, et vous ? questionne-t-il à son tour.

Nous répondons tous les trois que nous allons bien et nous lui faisons remarquer son plateau qu’il mange à contrecœur. Une fois terminé, je le regarde et lui, semble attristé de me voir comme ça.

— Je vais bien sœurette, tente-t-il de me rassurer.

— Mais…tu dois avoir mal… réponds-je effondrée.

— Et alors ? Tu ne vas pas me dire que tu n’es pas blessée toi aussi, réplique-t-il d’un ton sérieux.

Je soupire longuement et un nouveau silence s’installe. Nous attendons si longtemps que je finis par m’assoupir. Je rêve d’un monde sans restrictions, où je peux partir si je le souhaite et où tous mes proches sont en sécurité. Au mieux, un monde où l’Autorité ne fait pas loi, au pire, où elle n’a pas tout le pouvoir.

Je sais que tout ça n’arrivera jamais mais pourtant, je continue d’espérer qu’un jour je pourrai vivre comme je l’entends. Tout le monde pourra faire ses propres choix et aucune règle ne nous empêchera de décider de celui ou celle avec qui nous passerons notre vie. Alors que je commence à croire que ce monde pourrait être possible, la dure réalité me rattrape.

Je suis réveillée par un cri et je me précipite vers les barreaux pour voir que ma mère vient d’être frappée. Mon père hurle de la laisser tranquille, ce qui lui vaut à lui aussi un violent coup de poing dans le visage. Le garde s’approche ensuite de mon frère et il se prend de multiples coups, sûrement à cause de son insolence de tout à l’heure.

— Non ! Arrêtez ! Laissez-les tranquille ils n’ont rien fait ! crié-je dans l’espoir qu’il m’écoute.

— Tu veux que je les laisse tranquille ? répond l’homme qui est dos à moi.

Même sans le voir, je peux entendre qu’il déborde de haine et qu’il est très en colère contre moi, contre ce que j’ai fait.

— Alors si tu le veux, tu vas devoir accepter tout ce que je ferai, m’impose-t-il durement.

— C’est d’accord, acquiescé-je.

A peine ai-je donné ma réponse qu’il m’électrocute avec un petit appareil électronique. Je pousse un cri et tombe sur le sol. J’entends mon frère m’appeler mais je ne peux plus bouger. Je le vois, impuissant. Il veut m’aider mais il ne peut pas, ces fichus barreaux l’empêchent de m’atteindre.

L’homme entre dans ma cellule et s’approche de moi pour m’affliger un coup de pied. Je valse à l’autre bout de la petite pièce et heurte violemment le mur. Il me donne de légers coups, semblant regarder si je suis encore vivante ou non. Je tente de me tourner sur le côté mais mon corps ne me répond plus.

Il me frappe plusieurs fois et mes proches ne cessent de lui hurler d’arrêter. Au lieu de ça, il me prend brutalement par les cheveux et me traîne au milieu de l’allée pour être à la vue de mes parents et de mon frère qui semblent furieux. Il me gifle et je me retrouve à terre, presque sans conscience. Mon tortionnaire semble amusé de la situation et continue plusieurs secondes avant de se stopper. Il se penche vers moi.

— Regarde-les comme ils sont faibles. Et regarde tout le tort que tu leur causes, dit-il, semblant se délecter de ma douleur.

Je ne peux plus retenir mes larmes et je me sens une nouvelle fois coupable. Comment a-t-on pu en arriver à un tel point ? Comment ai-je pu être aussi idiote ? Il m’électrocute à nouveau et je me mets à cracher du sang. Mon frère écarquille les yeux et ses sanglots redoublent tandis que mes paupières ne demandent qu’à se fermer. Le représentant de l’Autorité me prend par le col et sourit aux autres.

— Ne vous en faites pas, votre tour viendra. En attendant, je vais bien m’occuper d’elle, vous pouvez être tranquilles, dit-il d’un air satisfait.

— Je vous en supplie… Laissez Sheila tranquille… Ne lui faites pas de mal… sanglote ma mère.

— Elle a fait trop de dégâts. Dites-lui adieu, répond-il en me lâchant.

Pour je ne sais quelle raison, il me laisse dire au revoir donc je vais lentement jusqu’à ma mère pour l’enlacer et elle y prend part, bien qu’elle pleure à chaudes larmes.

Je lui demande de prendre soin d’elle et de rester forte, lui promettant que tout ira bien. Elle acquiesce faiblement et je vais vers mon père pour que l’enlacer et lui dire la même chose, lui demandant de veiller sur sa femme. Je me dirige ensuite vers mon frère qui me prend tout de suite dans ses bras.

— Chut…tout ira bien Aiden, tout ira bien, tenté-je de le rassurer. Promets-moi de prendre soin de toi et que tu iras de l’avant.

— Tu ne peux pas me demander ça, je vais te sortir de là, me promet-il les larmes aux yeux.

— Tu ne peux pas, c’est trop tard, mais sache que j’ai été heureuse de t’avoir connu. J’espère que tu auras une longue et belle vie, finis-je les larmes aux yeux.

Je le lâche mais lui ne semble pas prêt à me laisser partir. Il n’a cependant pas le temps de réagir que l’homme reprend brutalement le col de mon tee-shirt pour commencer à m’emmener.

— Non ! Sheila ! Relâchez-la tout de suite, vous m’entendez ?! ordonne mon frère.

— Prenez bien soin de vous surtout, au revoir, souris-je en laissant une larme couler le long de ma joue.

Avant que la porte ne se referme j’entends mon frère crier une dernière fois mon prénom. Alors que je suis traînée dans le long couloir sombre qui me mène à ma perte, je ferme les yeux et me laisse emporter par le sommeil.

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