Chapitre 3 : Les aventures du Renard Clair de Lune - Récit d'un crime parfait ( - Partie 2)

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La nuit de cette fameuse tempête, bien que je fus très jeune à l’époque, je m’en rappelle merveilleusement bien. Nous venions de finir de manger, il était environ vingt heures et papa devait aller travailler ce soir-là. Je me rappelle l’avoir vu heureux, couvrir maman de baisers et la complimenter sur sa cuisine. Moi je n’avais pas eu le droit d’y goûter, maman me servait toujours ces petits plats faits pour les enfants achetés en supermarché qui n’avaient jamais trop de goût. Et ensuite elle m’a mise au lit, papa est venu me faire un bisou et maman aussi, ils ont éteint la lumière et ils m’ont laissé dormir. Or, je n’arrivais pas à trouver le sommeil, il y a des soirs comme ça où ce genre de choses arrivent. Et enfin, je l’ai entendu. Cette douce mélodie. Papa adorait jouer du piano, il en faisait depuis qu’il était tout petit et jouait souvent pour nous. Mais ça, je ne l’avais encore jamais entendu la jouer. C’était si doux, et pourtant si dramatique. Cette musique était interprétée à la perfection. Alors je suis sorti de mon lit, puis de ma chambre et je suis allée écouter dans les escaliers. Puis je me suis endormie, et c’est ainsi le dernier souvenir que j’ai de papa vivant.

Je me suis réveillée le lendemain matin dans mon lit, ne me rappelant pas comment j’avais pu atterrir ici. Puis je suis descendue pour prendre mon petit-déjeuner comme j’avais l’habitude de le faire. Là, j’ai vu maman qui était avec des policiers et elle était en train de pleurer toutes les larmes de son corps. Bien sûr, je ne comprenais pas ce qu’il se passait, pour moi, étant enfant, la mort n’existait pas. Alors je suis descendue, je me suis mise devant maman, lui demandant ce qu’il n’allait pas et elle m’a alors serré très fort dans ses bras.

Quelques jours plus tard, nous avons assisté à l’enterrement de papa, passant d’abord par l’église. Il y avait eu une messe en son honneur et en l’honneur de tous les autres scientifiques du laboratoire qui avaient péri cette nuit-là. Les cimetières devenaient bondés, les enterrements se succédaient les uns après les autres et on ne savait plus où mettre les corps. Mais encore là je ne comprenais pas ce qu’il se passe. Tout le monde pleurait, venait voir maman pour lui adresser ses condoléances et certains messieurs me caressaient la tête, le visage triste.

Puis nous sommes partis au cimetière, les cercueils partant outre-tombe les uns après les autres. Personne ne disait le moindre mot. Tous les cercueils avaient été descendus dans la terre, le prêtre a récité une prière et les croque-morts ont commencé à les recouvrir. Alors je me suis tourné vers maman, lui tirant la manche et lui demandant pourquoi tous ces gens étaient mis dans une boîte et que, si papa était là-dedans, sous terre, il ne pourrait pas aller travailler et m’emmener au travail avec lui dans les jours qui suivraient. Maman m’a pris dans ses bras, me mettant de dos à la sépulture de papa, pleurant à nouveau, les larmes n’arrêtant jamais de couler.

… »

Celica se releva brusquement de sa chaise, la faisant tomber à la renverse, faisant tomber les autres chaises derrière elle, provoquant un véritable bouquant. Elle se tourna dans tous les sens, leva la tête vers le plafond, essayant ainsi de comprendre d’où venait cette voix et où sa proie pouvait bien se cacher.

« Où êtes-vous ? finit par demander Celica. Et qui êtes-vous ?

-Où je suis n’est pas très important pour l’instant, Celica. Mais en ce qui concerne celui que je suis, mon nom est la Plume, ricana-t-il.

-Comment connaissez-vous mon nom, Plume ? interrogea Celica, très méfiante, se préparant à une attaque à tout moment.

-Je sais bien plus de choses sur toi que tu ne le penses, Celica Fox. C’est ce qui m’a permis de t’amener ici, d’ailleurs. Je ne pensais pas que tu tomberais dans le piège aussi facilement. Mais finalement, un petit vol et tu te sens pousser des ailes, n’est-ce pas ? »

Celica ne répondit pas, essayant de retrouver son calme et allant se mettre près de l’autel, à la lumière, afin de pouvoir apercevoir son correspondant s’il voulait l’attaquer. Mais cela faisait également d’elle une cible facile à abattre. Autant prendre le risque.

« Que me voulez-vous ?

-Je veux juste que l’on discute, toi et moi. Dis-moi, Celica, as-tu déjà tué auparavant ?

-Non, jamais. Ce n’est pas dans mes valeurs, répliqua-t-elle sèchement.

-Mais as-tu déjà vu ou connu quelqu’un qui est mort ? », demanda la Plume.

Celica se tut, son silence répondant affirmativement à la question de la Plume.

« Vois-tu, je n’ai jamais tué personne. Mais je sais comment commettre le crime parfait. Tu veux que je te raconte comment je m’y prendrais ?

-Pourquoi me le raconteriez-vous ? s’étonna Celica.

-Vois-tu mon petit renard, de nos jours commettre le crime parfait est devenu de plus en plus difficile. Tu peux avoir pensé absolument à tout, avoir réfléchit à tout dans les moindres détails, il y aura toujours quelque chose qui te trahira, comme l’empreinte d’une chaussure, un cil ou même un peu de salive. La science a fait de tels progrès qu’il m’a fallu plusieurs mois, plusieurs années même afin de penser au plan parfait que je mettrais à exécution pour tuer. Ce serait mon crime parfait, conclu-t-il.

-Vous vous imaginez bien que je ferais tout pour vous empêcher de le commettre, défia le Renard Clair de lune, sachant très bien que la Plume avait quelque chose derrière la tête car celui-ci ne prendrait pas le risque de lui raconter cela en la laissant vivante, indemne.

-Bien que l’idée que je me fais de mon crime soit parfait et que je n’en vois toujours pas la faille, je dois admettre que l’excitation de me faire prendre me démange. Et c’est là que tu rentres en jeu, Celica.

-Vous voulez que je vous stoppe dans votre folie ? dit-elle, toujours méfiante.

-Non, ricana-t-il. Je veux te voir tenter de m’arrêter et échouer lamentablement.

-C’est ce que l’on verra. », grogna-t-elle.

Elle n’arrivait toujours pas à voir où se trouvait la Plume, et cette conversation la stressait tout autant. C’était la première fois qu’elle avait à faire à un criminel de ce genre, qui semblait être autant manipulateur que dangereux. Il fallait qu’elle fasse très attention à lui car elle se doutait qu’elle n’était pas au bout de ses surprises avec un individu comme celui-là.

« Laisse-moi donc te raconter comment je conçois le meurtre parfait. Déjà, je m’arrangerais pour que ce soit un meurtre qui n’en est pas un, plutôt un accident si je puis me permettre.

-Quel originalité, ironisa la jeune fille. Je me doutais que vous commenceriez par là.

-Je ne savais pas que tu t’y connaissais en homicide, Celica, ricana-t-il. Ou peut-être voudrais-tu me faire un aveu avant que je continue ? »

Celica resta silencieuse, bouillonnant de l’intérieur, se sentant impuissante face à cet homme.

« C’est bien ce qu’il me semblait. Alors laisse-moi continuer, s’il te plaît. Je disais donc, si je dois tuer ce devra apparaître comme si quelqu’un d’autre était responsable, qu’en aucun cas je ne serais relier à ce meurtre. Bien sûr, il y a toujours la question de l’ADN, mais j’y reviendrais plus tard. J’ai longtemps réfléchit à quelle arme serait la plus adaptée à ce crime. J’ai d’abord songé à quelque chose d’assez imposant, comme une bombe. Mais ce genre d’arme est trop visible, fais beaucoup trop de dégâts et ne correspond pas à ce que je recherche. J’ai donc éliminé cette possibilité d’entrée. Puis j’ai pensé aux armes létales mais encore une fois, mon idée du crime parfait ne pourrait pas s’appliquer à ce type d’arme, reliant celui-ci facilement à son propriétaire. Alors j’ai pensé à quelque chose d’improbable. Le poison. L’arme des femmes si bien connue. Mon meurtre se ferait au poison, un poison mortel et terriblement efficace. Et personne ne me soupçonnerait, moi, un homme.

-Vous vous basez sur la simple hypothèse qu’il n’y a que les femmes qui utilisent du poison pour tuer ? demanda Celica. N’est-ce pas un peu simpliste ?

-Je vois que tu poses les bonnes questions Celica. C’est bien, ça prouve que tu t’intéresses à mon histoire.

-Je veux juste avoir le maximum de détails pour vous stopper, répliqua-t-elle.

-Bien entendu. Je ne base pas mon crime seulement sur l’arme que je vais utiliser, mais également sur ma cible. J’ai beaucoup réfléchit, une fois de plus et j’ai pensé aux différents types de meurtriers qui existent. Par la même occasion j’ai également fait le tour des profils de victime que l’on peut trouver. La plupart du temps, le meurtrier est dans le milieu familiale, ou quelqu’un qui habite le quartier. La police fait généralement du repérage dans le milieu de vie de la victime et s’y intéresse pendant plusieurs jours. Ils se rendent compte dans quelques cas que l’entourage de la victime n’a rien à voir avec la tragédie qui est arrivée. Ils se tournent donc plus facilement vers ce que j’appelle un prédateur, quelqu’un qui tue purement par plaisir, car il doit tuer. C’est quelqu’un qui choisit ses victimes car ce sont des femmes, ou alors des enfants, ou bien parce que ses proies ont une particularité physique qui l’intéresse particulièrement. Ce sont des gens particulièrement intéressants, dont j’ai eu une joie immense d’étudier en détail.

-Et dans quelle catégorie vous placez-vous ? Dans la deuxième, j’imagine ? proposa Celica.

-Je ne me place dans aucune des deux. J’ai pu constater que j’étais un troisième profil de meurtrier, quelqu’un qui ne tue pas quelqu’un de sa famille ou qui tue par plaisir. Je suis quelqu’un qui doit tuer parce qu’il doit tuer. Et il n’y a pas d’explications derrière. Mes victimes seront aléatoirement choisies, sans qu’elles aient un lien entre elles, sans qu’il y ait une concordance. Ce seront juste des gens qui se seront trouvés là, au mauvais endroit, au mauvais moment.

-Vous êtes un monstre ! s’énerva Celica. Un vrai fou ! Quel est le but derrière tout ça ? Et une fois de plus, pourquoi est-ce que vous m’avez choisi moi pour écouter votre récit ?

-Je pense que maintenant il est temps de te raconter le déroulement de mon crime. », continua-t-il, ignorant totalement la question de Celica.

«

Suite à la mort de papa, la vie a reprit, et malgré notre volonté, nous devions avancer sans lui. Maman ne s’est jamais vraiment remise de sa mort et a toujours désiré lui rester fidèle, ne trouvant aucun homme après lui pour faire sa vie. Elle est restée veuve et comptait bien le rester jusqu’à sa mort. C’était très romantique. Maman est une femme très forte, j’aimerai vraiment être comme elle. Tout ceci a fait que je n’ai jamais eu la chance d’avoir un petit frère ou une petite sœur. Je suis restée enfant unique et j’ai grandit avec maman. Étrangement, nous n’avons pas eu beaucoup de mal à nous entendre, sauf lors de mes crises d’adolescence, naturellement. Avec maman je pouvais parler de tout, sans honte, même en ce qui concerne mes relations amoureuses, et mes périodes de rupture, pouvant se transformer en une dépression nerveuse. Je pense pouvoir dire assez facilement que nous sommes les meilleures amies du monde maintenant. La seule chose dont nous ne parlons pratiquement jamais ensemble, c’est de papa. Mais bien entendu, elle n’est pas au courant pour le Renard Clair de Lune. Ce n’est pas que je ne veux pas lui dire, loin de là. J’en meurs d’envie. Et j’ai été plus d’une fois à deux doigts de cracher le morceau. Mais si elle savait ça elle se ferait un sang d’encre. Mieux valait qu’elle ne sache rien. Ce n’est en rien un geste égoïste, à mon sens.

La première année sans papa a été assez spéciale. Je ne comprenais toujours pas ce qu’il se passait, pourquoi je ne le voyais plus revenir à la maison le soir et pourquoi la maison semblait si calme sans les mélodies qu’il jouait au piano. Je ne pouvais plus aller jouer au laboratoire également, celui-ci ayant été totalement détruit par la tempête. J’allais donc à l’école, comme la plus normale des enfants de mon âge. Et c’est à ce moment-là que j’ai commencé à connaître Alpha, mon voisin. Il a été là pour me remonter le moral quand je n’allais pas bien et je ne le remercierai jamais assez pour cela.

Pour mes sept ans, j’ai demandé à maman de prendre des cours de piano, pour suivre les traces de papa, et pour devenir aussi forte que lui. Je vous l’ai dit, papa était mon modèle, et je voulais que l’on puisse encore profiter du délicieux son de notre piano, et penser à lui à chaque fois. Maman accepta, très heureuse que je lui demande, visiblement. Elle m’a inscrit dans une école de musique où j’ai eu un professeur qui était très gentil. Steve, il s’appelait. Je n’ai pas eu trop à m’embêter avec le solfège. Je pianotais pendant mes premières années de piano, apprenant particulièrement à me familiariser avec les touches, ce qui pouvait devenir lassant à la longue. J’ai souvent eu le sentiment de perdre légèrement mon temps. Pendant les cours il me laissait souvent seule, essayant de faire jouer plusieurs élèves à la fois. Nous étions environ cinq par cours, chacun dans sa salle.

Je devais travailler sur des morceaux qui, pour moi, n’avaient pas grand intérêt car ils relevaient du niveau débutant et je n’arrivais pas à m’épanouir dessus. Alors j’essayais à mon tour de pianoter, sans réel but, essayant de mélanger les différentes choses que j’avais pu apprendre, pouvant créer quelque chose de vraiment laid comme quelque chose de vraiment pas mal (il est même venu plusieurs fois me demandant de jouer moins fort voire même de complètement arrêter de jouer, ce qui montrait bien à quel point ce que je faisais pouvait être mauvais). Au final je n’avançais pas sur les morceaux que je devais bosser, je stagnais et je m’ennuyais réellement. Puis un jour, j’ai eu un déclic, j’ai travaillé sur le solfège moi-même, non sans quelques libertés, et j’ai pu travailler sur pleins de morceaux de mon plein gré. Dans les mois et les années qui ont suivi j’ai pu apprendre de nouvelles choses plus intéressantes les unes que les autres et j’arrivais enfin à m’épanouir sur mon instrument. Bien entendu, les choses n’avaient pas changé ; je restais toujours seule, livrée à moi-même pendant mes cours. Je travaillais alors rapidement ma musique puis je passais le reste du temps à m’amuser, ce qui m’a permis de développer des talents d’improvisatrice hors-pair.

À mon grand regret, durant toutes ces années je n’ai jamais réussi à retrouver cette musique que papa avait joué juste avant de mourir. Je ne connaissais pas le titre et j’arrivais à peine à me souvenir de l’air. Après plusieurs années à jouer du piano, ce morceau m’était toujours inconnu, me frustrant profondément. Cela faisait désormais neuf ans que je faisais du piano et mon professeur s’en était allé de mon école de musique me laissant moi, sa pauvre élève, seule. Il laissa sa place à quelqu’un d’autre, un dénommé Dany. Il changea radicalement les règles, décidant alors de me faire jouer des morceaux plus techniques, dans un registre radicalement classique, et ne prenant qu’un élève à la fois, me retrouvant alors seule avec lui, travaillant d’arrache-pied pour avoir le meilleur niveau possible. Les morceaux s’enchaînaient assez rapidement, nous arrivions à bien nous entendre lui et moi et mon répertoire s’agrandissait de semaine en semaines. C’est ainsi qu’un jour il me montra un morceau, voulant que je l’apprenne à mon tour. Je l’avais reconnu. Il jouait le morceau de papa. J’avais attendu si longtemps pour l’entendre à nouveau et c’était enfin arrivé. Les larmes me montaient aux yeux, faisant remonter à la surface beaucoup trop de souvenirs à la surface. Je lui ai bien entendu donner mon accord pour l’apprendre et lui ai demandé quel était ce morceau. Il me confia que c’était une musique d’un dénommé Beethoven qui s’appelait la sonate au clair de lune. Je me suis assise face à la partition, mon cœur battant la chamade, déchiffrant la partition. Le pouce de ma main droite s’est posé délicatement sur le sol dièse indiqué par la partition, ma main gauche sur les deux do dièse indiqués également par la partition. Puis je me suis mise à jouer, et je n’ai jamais arrêté.

… »

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