Chapitre 2 : L'affaire EAGLES (- Partie 2)

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Flint s’en alla, sans dire le moindre mot au journaliste, sans se retourner vers eux, et sans regarder les flashs des appareils photos qui lui arrivaient en pleine face. Ces journalistes bien entendu n’avaient pas écouté ce que Flint venait de raconter, ils n’auraient pas agi de la sorte sinon. Le problème c’est que le président de Palandria n’avait annoncé à personne ce qu’il comptait faire. Cette décision venait de lui et de lui seul et, étant le plus haut placé de l’Etat, personne ne pouvait contredire cette décision dans l’entourage de Flint, pas même ses plus proches conseillés. Cela restait néanmoins inquiétant. Mustang ne savait pas où se placer, il ne savait pas s’il devait dire à Flint que ce qu’il voulait faire relevait de la folie. Car oui, c’était le premier signe, le premier signe que Georges Flint était sur le point de devenir fou.

Dans tout le pays, lors de l’annonce, chacun avait retenu son souffle, unanimement ils avaient fait une minute de silence de leur propre chef. Une dernière minute de répits, de paix pour Palandria. Sans prévenir, trois clans se formèrent. Le premier clan regroupait tous ceux qui voulaient aller trouver l’assassin d’Eagles afin d’empocher la rançon prévue à cet effet. Des milliers de personnes retournèrent chez eux, prirent leurs armes et partirent en chasse à l’homme.

« Klaus, tu vas bien ? » demanda Axel.

Celui qui avait perdu l’usage de ses jambes étaient perdu dans ses pensées, regardant au fond de sa bière, la fixant, avec un regard vide et les yeux écarquillés. Il ne bougeait pas le moindre membre, il était inanimé, perdu. Que pouvait-il bien chercher au fond de ce verre dont il regardait la profondeur ? Noyer son chagrin dans l’alcool était-il vraiment la solution ?

« C’est moi qui attraperait cet homme, déclara Klaus, faiblement, mais sûr de lui.

-Tu es sûr que tu peux y arriver ? s’étonna le barman. Je veux dire tu es…

-Handicapé ? coupa-t-il. Certes, j’ai perdu l’usage de mes jambes, et aujourd’hui j’ai aussi perdu un ami. Un ami qui, plusieurs années auparavant m’a soutenu dans cette épreuve. Je ne veux pas le décevoir. Je vais lui rendre justice. J’ai déjà vécu des aventures plus compliquées que celles-ci, et mes jambes peuvent en attester. »

Son ami voulut répondre à ce que Klaus avait dit mais d’un coup il s’empara des roues de son fauteuil et se dirigea vers la sortie, tête baissée, laissant un pourboire derrière lui. Klaus Vapery était plus que motivé à rendre justice à son ancien ami, c’était ce sentiment qui l’animait. La justice. Pas la vengeance, pas la gloire, pas l’argent. Et en cela il était différent. En cela il devait être celui qui devait trouver le meurtrier absolument. Il traversa la rue, contemplant le raz-de-marée provoqué par les habitants, munis de leurs armes, prêts à attraper leur proie. Mais leur action n’était qu’éphémère. Ce n’est pas ainsi que l’on trouve son coupable mais ça Klaus ne le savait que grâce à l’expérience qu’il avait accumulée lors de ses années de services. Un coupable qui vient à vous c’est un mauvais assassin, c’est quelqu’un qui a peur, qui essaye de brouiller les pistes et qui veut se croire plus malin que les enquêteurs. Au final, il se trouve être le suspect numéro un. Klaus avait eu quelques affaires dans ce style, notamment une qui l’avait particulièrement marqué. Cela s’était passé il y a plusieurs années de cela, à Nametsyville, une ville qui, d’habitude, était sans histoires. Or, il se trouve qu’un meurtre avait été commis un soir sur la personne de Danea James, une jeune adolescente. Mais ceci est une autre histoire. Ce qui nous intéresse aujourd’hui ce n’est pas de savoir qui a tué Danea James mais qui a tué Frank Eagles.

Les antennes de télévision donnaient l’info à tour de rôle à quiconque ne l’avait pas entendu. Il fallait être mort pour ne pas savoir ce qu’il se passait, ou en hibernation. Nombreux étaient ceux qui n’étaient pas d’accord avec Flint et plusieurs d’entre eux le déclaraient en direct à la télévision. On ne les obligeait pas à regarder, mais cette exécution en directe serait extrêmement barbare et Palandria n’était pas un pays barbare. Miles ne savait pas où se placer dans cette situation. Devait-il se résoudre à perdre son poste pour empêcher l’inévitable ou essayer de résoudre Flint de ne pas tuer un tueur en série qui pourrait sévir à nouveau. Il devait y avoir une solution, c’était forcément le cas.

Miles passa voir le médecin légiste. Celui-ci n’avait pas de temps à lui accorder, il était en pleine examen du corps d’Eagles et il y avait beaucoup à faire sur ce corps, complètement défiguré par le fou qui l’avait tué. Puis Miles Mustang alla dans le bureau du président, qui étais seul, qui avait demandé à ne pas être dérangé. Il était debout, regardant par la fenêtre, les mains croisées derrière le dos. La porte de son bureau était entre-ouverte, Miles n’avait pas eu besoin de toquer, ni de se racler la gorge pour s’annoncer. D’ailleurs il ne prononça pas le moindre mot, ne respira pas plus fort qu’il ne l’aurait dû. Il ne fit rien, il regardait juste le président d’un air triste, un peu apeuré. Apeuré par la situation, non pas par l’homme. Peu importe comment cette histoire allait finir, Miles savait qu’elle ne se terminerait pas bien pour Flint. C’était écrit.

« Penses-tu que j’ai bien fait ? Que c’était la bonne solution ? », demanda Flint, d’une voix faible et sans émotion.

Miles contemplait l’homme qui dirigeait ce pays, il ne le quittait pas des yeux. Cet homme regardait toujours vers la fenêtre, ne s’était même pas retourné. Pourtant il avait quand même posé sa question. Le jeune homme ne lui répondit pas, et c’est plein de tristesse qu’il s’en alla. Cette question ne lui était pas destinée, c’était impossible. Flint se parlait à lui-même. Il doutait. Mais c’était trop tard, le mal était fait. Et le deuxième signe de la folie de Flint apparut. Ce qui devenait de plus en plus inquiétant.

Mélania Saert faisait parti du clan de ceux qui n’étaient pas d’accords avec ce que voulait faire le président. Nombreux étaient ceux qui étaient partis de leur travail pour trouver ce criminel. Pourtant ce n’était pas la préoccupation première de cette femme d’affaires.

« Allez-vous y aller, Marin ? demanda-t-elle à son mari.

-Bien entendu très chère, il le faut. Je dois notamment faire ça pour mon pays mais également pour que justice soit rendu à ceux qui se pensent au-dessus des lois.

-En attrapant cet homme, en déclarant une chasse à l’homme et en l’exécutant en direct à la télévision, n’est-ce pas se croire au-dessus des lois ? »

Mélania était plus que sérieuse dans ses propos. C’était la seule de son entreprise à ne pas vouloir partir à cette chasse à l’homme géante. C’était la seule qui était contre ce principe qui la dégoûtait au plus haut point. Et son mari la dégoûtait aussi. Il l’a regardé d’un air méprisant. Elle ne prenait sans doute pas la meilleure décision, mais elle restait néanmoins fidèle à ses convictions. Puis, il lui adressa un léger sourire.

« Je garderai la rançon pour moi, pas de problème.

-Je n’en ai rien à faire de cet argent sale, déclara-t-elle. Je ne m’achèterais pas des villas sur le dos d’un mort exécuté devant le pays tout entier. Je ne suis pas comme ça. L’argent ça se mérite, l’argent ça se gagne, l’argent c’est sacré. Et la vie d’un homme, qu’importe les actions qu’il a pu commettre dans sa vie, seront toujours moins importantes que la richesse à mes yeux.

-Tu ne te gênes pourtant pas pour utiliser mon argent personnel. », répliqua-t-il sèchement envers sa femme.

Elle le fixa, sans peur, sans craintes de représailles et lui répondit du ton le plus sobre qu’elle pouvait :

« Si nous ne partageons plus notre argent, arrêtons de partager quoi que ce soit dans ce cas. »

Marin Saert canalisait sa colère devant sa femme qui l’humiliait ouvertement devant tous ses collègues. Mélania n’avait aucune honte à le faire. Son mari s’en alla, sans dire un mot et sans se retourner, fou de rage, laissant sa femme derrière lui, seule à son travail. C’est alors que Mélania éclata en sanglots. Ce n’était pourtant pas le genre de femme à se laisser faire. Loin de là. Elle ralluma la télévision pour écouter à nouveau les informations. Toujours pas d’avancée. On pouvait voir des vidéos de plusieurs personnes dans la rue, brandissant leurs armes et cassant tout sur leur passage pour certain. Le pays avait perdu la tête. Puis elle s’empara de son téléphone et commença à appeler quelqu’un. Apparemment elle tomba sur le répondeur. Elle rappela plusieurs fois mais toujours rien et elle commençait alors à perdre patience.

« Klaus, c’est Mélania à l’appareil. Il faut qu’on parle, c’est important. Rappelle-moi dès que tu peux. Il y a des chances pour que lui l’ait tué et tu sais de qui je parle. », dit-elle en chuchotant, de peur que quelqu’un l’entende.

Cela faisait déjà plusieurs heures que l’annonce de Flint avait retentit dans tout le pays et tous fouillaient dans tous les recoins cet homme. La mort de Frank Eagles avait fait couler beaucoup d’encre et c’était sans doute l’effet recherché par le tueur. Cet après-midi-là, Miles Mustang ne parla à personne, il ne voulait pas croiser le regard de qui que ce soit, ni leur adresser la parole. Tout ça, tous ces évènements, ça lui donnait la nausée. La vue de son premier cadavre était déjà bien suffisante comme ça, mais savoir qu’il pouvait être le complice d’une exécution le rendait fou. Il se trouvait lui-même immonde de participer à une machination de la sorte. Il était assis dans son bureau, contre la porte qui était elle-même fermée et resta assis par terre, sans prononcer le moindre mot. Il avait envie de pleurer, de céder sous la pression mais c’était impossible. Il devait se montrer fort devant cette épreuve. Dehors, il entendait le brouhaha que faisaient les chasseurs d’homme, les chants qu’ils entonnaient, espérant faire peur le plus possible à ce malfrat. Alors, Miles Mustang décida de sortir de son bureau et de voir comment cela se passaient dans leurs locaux. La panique également. Chacun d’entre eux ne savait plus où donner de la tête. Tant de choses se déroulaient à ses côtés, pourtant lui il était là, las de tout ça.

« Georges, j’ai trouvé quelque chose d’intéressant.

-Le corps a-t-il révélé quelque chose ? demanda le président en direction du médecin légiste.

-Oui, au niveau de son visage. Regarde. »

Miles Mustang avait surpris cette conversation alors qu’il déambulait dans le couloir. S’ils avaient trouvé le coupable tant mieux, mais lui n’avait plus rien à faire ici. Il alla vers la porte de sortie et s’en alla doucement, sans courir. Il créait un contraste assez parfait avec le monde autour de lui, fou, rapide, qui agissait sans réfléchir. Edenalia avait bien changé. Miles Mustang était devenu le seul homme raisonnable dans cette ville, le dernier qui tienne encore la route. Il avança, tête levée et le visage fermé, sachant où il allait se diriger.

Il arriva environ une heure plus tard là où il voulait aller. Il s’était rendu à l’endroit où tout avait commencé quelques heures auparavant. Une maison vide, abandonnée, alors qu’elle était pourtant si vivante quelques heures auparavant. C’était là qu’Eagles avait été tué. Miles dévisageait cette maison qui semblait si morte désormais, qui ne ressemblait plus qu’à une ruine alors qu’elle était encore si grandiose plusieurs heures auparavant. Il s’étonna de ne voir personne dans les alentours alors que ce devrait être le premier endroit où venir chercher des indices pour ceux qui espèreraient empocher la rançon. D’autant plus qu’un meurtre ayant été commis peu de temps auparavant des policiers devraient être postés autour de la maison. Mais non. Personne. La situation devait être trop compliquée pour perdre du temps ici et, disons-le, les chasseurs ne devaient pas être forcément très futés. Miles décida alors de rentrer dans la maison. Il y avait déjà quelqu’un, une personne dos à lui, assise dans sa chaise roulante.

« Tu en as mis du temps, ma chère, déclara-t-il.

-Pardon mais, qui êtes-vous ? », demanda Miles.

L’homme se retourna, très surpris. Klaus Vapery ne s’attendait pas du tout à la visite d’un autre. Il fit un demi-tour avec son fauteuil et regarda Miles droit dans les yeux, plein de compassion.

« Je vous ai vu une fois à la télé, déclara l’homme en fauteuil. Vous travaillez pour Flint, n’est-ce pas ?

-Je ne sais pas si je peux encore me considérer comme employé de Flint, avoua Miles. J’ai un peu du mal avec ces méthodes.

-Je comprends, petit. J’imagine qu’avec ton âge, Frank a été le premier cadavre que tu as vu ? Le premier ce n’est pas toujours le plus difficile. Parce que tu ne sais pas à quoi t’attendre. Tu trouves ça horrible bien sûr, et crois-moi j’en ai vu des cadavres horribles. Mais le deuxième est toujours le plus compliqué à regarder. Parce que tu sais ce que c’est, un mort, tu l’as déjà vu auparavant, et tu en avais déjà été dégoûté la première fois. Tu vas vouloir te faire violence pour ne pas le voir, mais ça sera encore pire, crois-moi petit. Et j’imagine que c’est en cela que tu n’es pas d’accord avec Flint. Tu n’as pas envie de vivre ce calvaire une fois de plus.

-Je…Qui êtes-vous ? demanda Miles, déconcerté.

-Je m’excuse. Klaus Vapery. J’ai travaillé dans les services de police il y a plusieurs années de cela. Mais ma carrière s’est arrêtée en même temps que se sont arrêtées mes jambes, dit-il avec un léger rire. J’ai vu de nombreuses atrocités lorsque j’étais en service, la pire d’entre elles a pris mes jambes avec elle. Frank m’a beaucoup aidé pendant toutes ces années, il a été comme un frère pour moi. Quelle triste fin il a eu. Comment était son corps ?

-Je préfère ne pas m’en rappeler, avoua Miles.

-Bien sûr, bien sûr. »

Puis ils entendirent des gens arriver dans leur direction. Ils étaient beaucoup et encerclaient la maison. Les hommes de Flint probablement. Celui-ci était en train de parler avec un mégaphone. Enfin, parler est un mot bien gentil. Il était plutôt en train de beugler. Apparemment le coupable se trouvait encore à l’intérieur. Ils voulaient qu’il se rende. Klaus et Miles se regardèrent mutuellement, aucun d’eux n’était coupable. Se pouvait-il qu’il y ait une troisième personne dans la maison ?

« Petit, va te cacher.

-Quoi ? s’étonna Miles. Je ne vais pas fuir devant mon patron.

-Si le meurtrier est ici, il serait mieux pour toi de le trouver avec ton patron, de l’arrêter et de demander tes conditions, que l’on emprisonne cet homme, rien d’autre. Je te fais confiance. »

Klaus Vapery se dirigea alors vers la porte d’entrée tandis que Miles, dos au mur, monta les escaliers à toute vitesse et partit se cacher son un lit.

« Bonjour Messieurs. Flint. Il n’y a personne d’autre que moi à l’intérieur, j’ai tout vérifié en venant ici.

-Qu’est-ce que tu fais ici, Klaus ? beugla Flint.

-Je suis venu me recueillir après la mort d’un très cher ami. Tu pourrais le comprendre, j’imagine, au vu de tout ce que tu as mis en place pour lui rendre justice. »

Flint ne lui répondit pas. Il grognait, mais tremblait de peur même s’il ne l’aurait admis pour rien au monde. Il demanda alors à tous ses hommes de rentrer et de chercher celui qu’ils étaient venu prendre.

« Et toi Klaus, tu viens avec nous. », lui dit Flint.

L’homme en fauteuil accepta sans broncher et tout en souriant. Il lâcha un petit rire envers Flint, s’en alla vers lui et l’enlaça comme un vieil ami. Pourtant il pouvait lire quelque chose dans le regard de Georges Flint. Il avait les yeux d’un fou. Et une personne autre que Miles comprit que Flint était en train de mal tourner.

Les hommes de Flint étaient en train de fouiller tout le rez-de-chaussée de fond en comble tandis que Miles était toujours caché. Il n’avait rien à craindre mais il préférait qu’on ne le voit pas. Son cœur battait très rapidement, il était assez stressé. Il entendait les hommes de Flint courir dans les couloirs, ouvrir les portes très violemment. S’ils le voyaient ils ne l’épargneraient pas. Puis soudain, son cœur s’arrêta de battre. Quelqu’un avait ouvert la lumière de la chambre où se trouvait Miles. Il s’approcha lentement du lit et Miles stressait de plus en plus à chaque pas que faisait l’homme.

« Salut, toi ! »

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