Chapitre 1 : Dans ton coeur Halloween (- Partie 3)

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Personne ne devait jamais savoir ce qu’il se passait entre Halloween et moi, et surtout pas Pablo. Je me rappelais encore de ses menaces, il y avait des chances qu’il les mette à exécution. Dans la vie de tous les jours on faisait comme si de rien n’était. On se parlait, on rigolait, mais on ne devait laisser aucun indice sur ce que l’on faisait, sinon tout ça serait remonté aux oreilles de Pablo. Je voulais quand même profiter d’Halloween le plus possible avant qu’elle parte à l’université à la fin de l’année. Et je pense qu’elle voulait profiter de moi le plus possible également. Quand on était au lycée, on ne se parlait pas, sauf en cas d’extrême nécessité, on en avait convenu ainsi pour ne pas éveiller les soupçons. Et le jour fatidique où Halloween s’en est allé fut très douloureux.

J’arrivais en terminale à ce moment-là et ce fut l’une des années les plus difficiles de ma vie. Heureusement, je voyais toujours Claire qui ne cessait de grandir et qui courait dans tous les sens à la maison. Halloween était partie dans une autre ville afin de suivre des études de droits dans une université très cotée. C’était une très bonne élève, elle méritait ça. Mais l’attente pour nous, pour nous voir, était insupportable. Elle partait pendant plusieurs semaines, sans donner trop de nouvelles en plus de ça, et moi je restais là, impuissant, avec ma main droite comme seule amie.

Pourtant, bien que la distance nous a séparé pendant longtemps avec Halloween nous n’avons jamais cessé d’être ensemble. Je ne sais pas vraiment si nous étions un couple car nous ne faisions rien comme tel, vu que nous devions absolument nous cacher. Dans un contexte différent on aurait pu être ensemble. Mais ce n’était pas important car on s’aimait passionnément, et rien n’aurait pu éteindre notre flamme. Rien, ni personne. Du moins, c’est ce que l’on croyait.

Notre relation a duré pendant plusieurs années, comme je vous l’ai dit rien n’aurait pu l’arrêter. J’ai passé mes examens et j’ai pu partir à l’université pour étudier la finance. Je voulais absolument être banquier, ç’a toujours été mon but principal. Je suis donc parti loin de Juanusa City afin d’apprendre dans la meilleure université du pays dans la matière. Les études sont longues et éprouvantes, il faut vraiment s’accrocher pour y arriver. Je m’étais trouvé un job à côté afin de pouvoir aller voir Halloween par le train, pour lui rendre des visites surprises. Elle m’en avait fait aussi certains week-end et je peux vous dire que c’était torride à chaque fois. Quand on était loin on pouvait se fréquenter comme un vrai couple, aller au cinéma ensemble, se poser dans un parc et se faire des papouilles dans l’herbe, se faire des pique-niques qui n’en finissent pas, parler de tout et de rien à la fois et s’embrasser fougueusement.

Pablo et maman ne me rendaient jamais visite, ni Ulysse, ni Wolfgang. Si Halloween n’était pas là, je serais encore seul, comme d’habitude. J’étais le seul qu’ils n’allaient pas voir. Maman rendait visite aux deux enfants rois au moins deux fois par mois, en alternant l’un et l’autre une semaine sur deux. Je m’en foutais complètement. Pour moi ce n’était plus une mère depuis bien longtemps, elle ne se comportait plus comme tel. La seule chose qui me liait encore à elle c’était Claire. Et heureusement qu’elle était là, sinon j’aurais déjà coupé les ponts avec cette mère indigne depuis longtemps. Je ne me rendais cependant pas compte de ce qui lui arrivait.

Elle avait été chômeuse toute sa vie. Son ex-mari, ou pour dire autrement, mon père, l’avait largué comme une merde la laissant seule avec moi quand j’étais petit. Maman ne parlait jamais de lui, je ne connaissais même pas son véritable nom. Ça se trouve je l’avais déjà croisé des dizaines de fois dans ma vie, je ne le saurais même pas. Impossible pour moi de mettre un visage sur ce que j’aurais dû appeler toute ma vie « papa » et non « Pablo ». Je croyais que maman était très heureuse avec Pablo, mais ce n’était pas forcément le cas. Au début, ils s’entendaient bien, ils étaient très complices. Mais depuis la naissance de Claire, quelque chose avait changé dans leur relation. Pablo s’énervait de plus en plus contre maman et elle ne lui disait jamais rien. Il la traitait comme de la merde. Bien sûr il ne faisait jamais ça devant nous, ça aurait pu remonter aux oreilles de son club de golf, encore une fois. Mais je sais que ça arrivait. Je voyais souvent maman au petit-déjeuner, les yeux rouges, on voyait qu’elle avait pleuré toute la nuit. Son seul réconfort c’était ses enfants, enfin si on admet qu’elle considérait Ulysse et Wolfgang comme étant ses enfants. Pour elle je n’existais plus, je n’étais plus rien. J’aurais pu être mort qu’elle ne s’en serait même pas rendu compte. Au bout d’un moment elle a arrêté de leur rendre visite. Elle était rentrée dans une dépression. Je plaignais énormément Claire qui restait seule avec eux à la maison. L’ambiance ne devait pas être au beau fixe, loin de là. Alors, une fois tous les trois mois je décidais de rentrer le temps d’un week-end afin de rester avec ma sœur. Bien sûr je ne voyais pas ma mère, elle était déjà chez les deux autres, et Pablo n’allait pas rester seul avec moi et sa fille, il avait beaucoup mieux à faire. On regardait des films, je lui lisais des histoires, on jouait à des jeux. Elle et moi étaient vraiment très proches, et j’étais heureux d’enfin être proche de quelqu’un dans ma famille.

Les années ont défilé ainsi jusqu’à ce que j’obtienne mon diplôme. Je n’avais plus aucun contact avec Wolfgang et Ulysse à ce moment-là et j’en ai jamais eu à nouveau. Je ne sais absolument pas ce qu’ils ont fait de leur vie, s’ils ont réussi ou non. Et pour être honnête je m’en fous complètement. Ils peuvent bien être multimilliardaires ou clochards j’aurais la même réaction. Ils me laissent totalement indifférents. Je suis retourné sur Juanusa City afin de trouver un job de banquier. Au début j’étais juste un simple employé de la banque, j’ai seulement mis deux ans à gravir les échelons ce qui est plutôt remarquable. Quand j’y suis retourné j’ai préféré me trouver mon propre appartement et ne pas vivre au crochet de Pablo et de ma mère. Claire venait souvent me rendre visite, elle rentrait au collège à cette époque. Elle était très mignonne, je suis sûr que tous les garçons de son âge lui couraient après comme ils le faisaient à l’époque avec Halloween. À chaque fois que je me retrouvais avec elle je me sentais bien et finalement j’étais très heureux de l’avoir dans ma vie. Ça faisait du bien d’être appelé « grand-frère » par quelqu’un et que je puisse m’occuper de quelqu’un réellement.

Mais toute cette joie a changé le temps d’un week-end. Là j’arrive à la partie cruciale, celle du début de la fin de ma vie. Façon de parler. Je me sens mort à l’intérieur, vide comme une coquille. Je vais vous raconter pourquoi.

Halloween était revenu sur Juanusa City le temps d’un week-end pour me rendre visite, revoir sa sœur, son père et sa belle-mère. Elle travaillait pour devenir avocate et allait bientôt se faire attribuer son premier client. Quand elle est arrivée le vendredi soir je l’ai attendu patiemment, je lui ai préparé un dîner que j’avais élaboré moi-même puis nous avons fait l’amour toute la nuit. Le lendemain elle voulait revoir Pablo et maman, et bien entendu Claire même si elle s’entendait moins bien avec qu’elle que moi. Elle voulait absolument leur faire une surprise de sa venue alors nous avons débarqué vers vingt-deux heures ce soir-là, à l’improviste. C’était une nuit orageuse, il pleuvait beaucoup et on pouvait entendre le ciel gronder, des éclairs fendre le ciel en deux. C’était une tempête. La plus virulente depuis un demi-siècle. Alors nous nous sommes dépêchés d’y aller, nous avons ouvert la grande porte et nous l’avons refermé derrière nous en la claquant très fort. Pas très discret pour une surprise.

Cela ne ressemblait plus à la maison de mon enfance. Il y avait des draps blancs sur tous les meubles, tout était parfaitement rangé et il n’y avait aucune lumière nulle part. Il faisait très sombre. On ne pouvait voir que grâce aux éclairs dehors, nous n’avions pas de lampe-torche, rien. Alors Halloween a commencé à appeler mais on ne reçu pas la moindre réponse. On est monté par les escaliers et on a entendu une porte s’ouvrir. C’était Claire, elle était effrayée par l’orage. Elle avait beau devenir une grande fille c’était toujours un petit bébé au fond. On l’a rassuré et on lui a demandé si elle savait où étaient Pablo et maman. Elle nous a dit qu’ils étaient dans leur chambre, normalement. Je suis donc allé vers leur chambre et je suis rentré sans toquer. C’était la deuxième fois de ma vie que je faisais ça et pour la deuxième fois d’affilé c’était une grosse erreur.

La scène que j’aperçut était d’une rare violence. Je restais figé sur place, remplit de colère mais impuissant pour agir. Ce fut le cri d’horreur d’Halloween qui me permit de reprendre connaissance. Elle cacha rapidement les yeux de Claire et heureusement. Personne ne devrait vivre une telle scène d’horreur.

Il y avait Pablo. Et il y avait maman. Du moins ce qu’il en restait. Il y avait du sang partout, Pablo frappait maman sans s’arrêter, avec toute la violence possible et inimaginable. Du sang giclait par terre et sur les murs, elle était à peine en vie, elle respirait à peine. Je n’ai jamais réussi à savoir pourquoi il faisait ça, ce que maman avait bien pu faire pour mériter ça, mais j’avais toujours eu raison sur le fait que ce soit un connard. Et, bien qu’elle fut une mère indigne, elle restait ma mère. Le cri d’Halloween avait fait sursauter Pablo, qui se retourna immédiatement vers nous. Il avait des yeux rouges sang, il grognait, il devenait fou. Et maman, à côté de lui, se noyait dans son sang.

« Vous n’êtes pas censé être ici. »

J’étais paralysé par la peur, je m’en veux terriblement. Peut-être que si l’on avait agi plus tôt, maman ne se serait pas retrouvé dans cet état-là. Et petit à petit, la colère est montée en moi, je devins fou de rage. La seule chose qui m’empêchait de l’atteindre c’était maman. Et vu l’état dans lequel elle était, plus rien ne pouvait m’empêcher de le défoncer.

Pourtant, il a jailli vers moi en m’empoignant le cou et en me plaquant contre le mur. Il avait compris que je comptais attaquer alors il l’a fait avant.

« Papa, arrête. »

Halloween était venue pour me défendre. Elle comptait tenir tête à son père pour moi, alors que j’étais totalement impuissant face à lui. Soudain, Pablo me relâcha et il se calma. Halloween le fixait droit dans les yeux, sans cligner. Elle avait peur, mais elle lui faisait face, elle était incroyable.

« Te souviens-tu de ce que je t’avais dit si tu touchais à ma fille ? », me demanda Pablo.

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