Chapitre 1 : Dans ton coeur Halloween (- Partie 2)

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Ce soir-là, j’eus du mal à dormir. Je n’arrivais pas à m’enlever les images d’Halloween nue dans ma tête. Comment pouvais-je dormir alors qu’une déesse dormait dans la chambre d’à côté ? Cette nuit-là, pour la première fois de ma vie, j’ai ressenti quelque chose qui se passait dans mon caleçon. La première fois ça fait bizarre, on ne comprend pas trop ce qui se passe. Alors par réflexe j’y suis allé. Ça devient trop privé là, non ? Bon, sans rentrer dans les détails j’ai fait mon affaire ce soir-là, et tous les soirs suivants, ne pouvant m’enlever ces images de ma tête.

C’est le lendemain matin que les choses commencèrent à se gâter pour moi. Au réveil, Pablo me sortit du lit et me colla contre le mur de toutes ses forces. Il m’avait fait énormément mal, je m’étais fracturé quelques côtes je crois. Je ne saurais jamais de toute façon, je n’ai pas été amené à l’hôpital vu qu’il ne voulait pas gaspiller son argent pour moi. Il m’a menacé, me disant que si un jour je tentais quelque chose avec sa fille il me tuerait. Et bien entendu, maman ne me protégea pas ce jour-là. Et c’est à ce moment précis que j’ai commencé à perdre tout confiance en elle, et à tous les autres membres de cette baraque. Ulysse et Wolfgang savaient ce qu’il s’était passé et ne voulaient plus m’adresser la parole, se moquant de moi sans cesse. Allez-y, moquez-vous ! Mais ce n’était pas eux qui se moquaient de moi, c’était Dieu. L’auteur de tous mes malheurs, ça ne pouvait venir que de lui. Rien n’allait dans ma vie. Au moins avant j’avais Halloween. Mais elle fuyait mon regard. Ça arrivait pourtant à tout le monde d’oublier de toquer. Je ne pense pas qu’Halloween m’en voulait. Elle était sûrement très gênée par la situation, et les choses ne tarderaient pas à se débloquer.

C’est alors qu’arriva ce qui fut probablement la pire période de toute ma vie. Maman tomba enceinte. Quelle merveilleuse idée, mais oui maman. C’est vrai que tu es une mère fantastique, toujours présente pour ton fils. Tu sais, ton fils ! Celui que tu couvres de cadeaux, celui que tu embrasses quand tu reviens le soir, à qui tu fais des câlins quand tu le vois et celui que tu défends quand on le menace de mort. Tu ne vois pas ? Oh, cherche un peu. Creuse-toi un peu les méninges. Et puis, après tout, je pense que je peux le dire sans aucune honte maintenant ; va te faire foutre maman ! Cette mère indigne nous a annoncé ça alors qu’elle était déjà grosse comme une baleine. En plus fallait qu’on fasse l’air surpris. « Non ? Quoi ? On n’avait rien vu venir ! », des trucs comme ça, m’voyez ? Ils nous ont vendu ce bébé comme étant « le lien qui n’avait jamais pu être établi entre nos deux familles ». Mon cul, ouais. Je ne me sentais pas du tout visé quand ils ont dit ça, mais alors pas du tout. Ils attendaient quoi de ma part ? Que je sois heureux ? Que je saute de joie ? Et il dormirait où ce bébé d’abord ? Parce que bon il y avait plus aucune chambre de disponible. Et on n’allait pas demander aux enfants rois de partager leur chambre, on aurait pu les froisser. Et Halloween n’aurait jamais partagé sa chambre non plus, ce n’était pas la dernière. Non, il ne restait que moi. J’allais devoir partager ma chambre, quelle joie ! Je détestais déjà cet enfant et il n’était pas encore né.

Donc bien sûr, quelques semaines avant la naissance de cet enfant, on m’annonça qu’il allait dormir dans la même chambre que moi. Quelle surprise ! Je ne m’y attendais pas du tout. Franchement, ils me pensaient débiles ou quoi ? Et personne n’avait eu l’idée de me demander mon avis, non bien sûr que non, ça aurait été bien trop simple. Je devais me taire, obéir tête baissée à tous leurs caprices. J’étais jeune, je venais d’avoir quatorze ans. C’était eux qui me nourrissaient, je ne pouvais pas me rebeller comme ça contre eux. Pas le choix, il fallait encaisser. Jusqu’au jour fatidique où je serai majeur et que je pourrai quitter le cocon familial.

Le soir avant la naissance du bébé, je n’arriva pas à trouver le sommeil. Je me tournais dans tous les sens sans arriver à trouver la position adéquate pour m’endormir. Je me levais donc, partant dans la cuisine me chercher un verre d’eau car ça m’aidait la plupart du temps à mieux me sentir avant de m’endormir. En retournant dans ma chambre, j’ai aperçu de la lumière dans la chambre d’Halloween. On n’avait pas eu de discussion depuis cet incident. Puisque ma vie ne pouvait pas être pire, je décidais ce soir-là de franchir le pas et pour la première fois depuis longtemps je toqua à sa porte.

« Oui, qui est-ce ? demanda-t-elle de sa douce voix.

-C’est moi, Basile. Je peux rentrer ?

-Bien sûr », murmura-t-elle.

Je suis donc rentré dans sa chambre. Elle était dans son lit, en train de lire un livre. Halloween portait son pyjama habituel, un t-shirt blanc avec un short rose ras le bonbon. Elle semblait fatiguée et assez gênée.

« Viens, assieds-toi. », me proposa-t-elle en tapotant légèrement sa main sur son lit, pour me faire signe de m’asseoir à cet endroit précis.

Elle avait son grand sourire aux lèvres, elle semblait tellement heureuse. Surement le nouveau venu dans l’équipe le lendemain matin. Dans moins de vingt-quatre heure on serait sept à la maison, ce qui était énorme. Je n’arrivais pas à m’enlever l’image que j’avais d’elle, complètement nue, dans ma tête. Mais habillée ce n’était pas mal non plus. Et puis, on pouvait assez bien voir la marchandise sous son t-shirt blanc, je n’allais pas m’en plaindre plus que ça.

« Toi non plus tu n’arrives pas à dormir ? demanda-t-elle.

-Non, impossible. Je pense à trop de choses à la fois, lui ai-je répondu.

-Au fait, je suis désolée de ce qu’il s’est passé récemment, murmura-t-elle. Ça me manque de ne plus parler avec toi, m’a-t-elle avoué. Et j’aurais dû fermer ma porte, comme tout le monde, je suis juste une idiote. Je n’ai pas envie que cela brise notre complicité alors qu’il n’y a, à mon avis, aucun problème. »

À ce moment-là, je me rappelle très bien ce que je voulais lui dire. C’était sur le bout de mes lèvres. Je voulais dire mot pour mot et distinctement « Pour être quitte il faudrait que tu me vois tout nu aussi alors ». Je ne sais pas si je l’aurais dit sur un ton sérieux ou sur le ton de la plaisanterie, si c’était déplacé ou pas. Je lui ai juste dit que j’étais désolé aussi et les choses sont rentrées dans l’ordre. Nous nous sommes enlacés et tout allait mieux. Très agréable d’ailleurs de faire un câlin à Halloween. Je recommande. Puis nous avons continué de parler. Enfin nous, c’était surtout elle qui parlait. Un vrai moulin à parole cette fille. Pour être tout à fait honnête je n’écoutais que la moitié de ce qu’elle me disait. J’étais trop obnubilé par sa bouche, ses lèvres pulpeuses que j’avais tendrement envie de faire rencontrer avec les miennes. Et peut-être que j’y serais allé, que j’aurais pris mon courage à deux mains ce soir-là si je n’avais pas écouté tout ce qu’elle avait à me dire. C’est cette nuit-là qu’elle m’annonça qu’elle avait un copain. Et elle me racontait tout dans les moindres détails, comme si j’étais sa meilleure amie, m’voyez ? C’était le coup de grâce. Je ne pouvais pas être plus déprimé que ce soir-là. J’aurais tant voulu être ce garçon.

Et le lendemain matin ma petite sœur est née. C’était génial, le moment que j’attendais avec impatience. On m’a raconté que maman a beaucoup souffert pendant l’accouchement, mais je m’en fous. Elle a peut-être souffert quelques heures, moi ça fait des années. Je me souviens être rentré dans la chambre de l’hôpital, voyant ma mère avec ma demi-sœur dans ses bras, dormant paisiblement.

« Viens, dis bonjour à ta sœur. », me dit maman avec un petit sourire.

Je me suis donc approché de son lit, bien que j’en étais réticent au départ et maman me l’a donné, je l’ai prise dans mes bras. Étonnant, maman se débarrassait encore une fois de ses responsabilités. Mais ce n’était pas grave, c’était agréable de tenir ce petit être dans ses bras, à peine vivant, dormant tranquillement dans sa couverture.

« Comment elle s’appelle ? ai-je demandé.

-Elle s’appelle Claire. »

Le lendemain, maman est rentré avec Claire et l’a déposé dans son berceau qui se trouvait dans ma chambre. Ils avaient engagé une nourrice. Vous pensez bien qu’elle n’avait rien à voir avec la grosse Bertha. Là on parlait de la fille de Pablo, ça changeait tout. Moi je n’étais rien pour lui. Donc forcément, moi j’ai eu la pire, ma petite sœur a eu la meilleure. Pas d’entre deux.

Je ne pouvais pas en vouloir à Claire, je m’en suis rendu compte dès sa naissance. Elle n’y était pour rien dans cette histoire, elle n’avait pas choisi de naître dans cette maison de fou, ni d’y vivre, ni d’y grandir. Je pouvais déjà dire qu’elle allait avoir une enfance plutôt joyeuse, car c’était la seule de la famille qui avait encore ses deux parents. Elle allait pouvoir avoir tout ce que Pablo donnait déjà à ses trois premiers enfants, et tout ce que maman ne m’a jamais donné. Pourtant je l’aimais bien. C’était ma petite sœur, après tout.

Les premières semaines ont été un peu dures dans le sens où je n’ai pas réussi à bien dormir vu que Claire ne faisait que pleurer et que Pablo et maman venaient à peu près dix fois dans la nuit pour voir si le bébé n’était pas mort. Ouais, le médecin leur avait parlé de la mort subite du nourrisson donc forcément ils ont pris peur les deux. Du coup je dormais max trois heures par nuit et à l’école après c’était très compliqué. Mais j’encaissais, tant pis. Je n’avais pas mon mot à dire de toute façon. En plus, au bout d’un moment, Halloween revenait à la maison avec son copain. Je ne pouvais pas me le voir celui-là ! Je devais à chaque fois faire semblant de bien l’aimer. Je me suis acheté des bouchons d’oreilles à l’époque, j’ai découvert ça je ne sais plus trop comment mais c’était une petite révolution. Au moins je n’entendais plus Claire pleurer ni Halloween parler avec son copain dans la chambre d’à côté.

Puis le temps est passé, a filé entre mes mains. Je rentrais au lycée, les deux autres partaient de la maison pour poursuivre leurs études donc ils ont installé Claire dans l’une de leurs chambres pendant qu’ils n’étaient pas là. Je pouvais enfin être tranquille même si ça m’a fait bizarre au début de ne plus dormir avec elle. J’allais dans le même lycée qu’Halloween, elle était dans la classe supérieure à la mienne. Donc forcément, je la voyais traîner avec l’autre, là. Et pour la première fois de ma vie, je me suis vraiment fait un ami. Il était assez bizarre, peut-être dans le même style que moi, je ne sais pas. On a du mal à savoir si on est étrange quand on est nous. Je dirais plutôt spécial, c’est moins dur à entendre. Mais bon, vous m’éclairerez sur ça, n’est-ce pas docteur ? Donc cet ami s’appelait Nicolas. Il était nouveau en ville, donc il ne connaissait personne et on a tout de suite accroché. C’était donc une période assez joyeuse de ma vie. On sortait, on s’amusait, on commençait à boire ensemble. Oui, j’avais seize ans et je buvais, je ne vois pas où est le problème. Puis il rencontra d’autres personnes et me les présenta. On avait un petit groupe plutôt sympa, ça me changeait de toutes ces années de solitude. Malheureusement, aujourd’hui on a vieilli et on n’a pas gardé contact. Je ne sais pas du tout ce qu’ils deviennent. Je ne les oublie pas en tout cas, j’espère que c’est réciproque. Nous étions cinq dans ce groupe, il y avait donc Nicolas, Adrien, Julien, Benjamin et moi-même.

La prochaine étape importante de ma vie, je dirais même que c’est un tournant, c’était lors du baptême de Claire. J’avais dix-sept ans à ce moment-là, Halloween en avait dix-huit depuis quelques mois et c’était sa dernière année au lycée. Nous avons donc fait une grande cérémonie, où nous avons réuni toute la famille, les oncles, les tantes, les cousins, les grands-parents. Tous ces gens qui ne s’occupent jamais de vous sauf quand il y a un événement particulier, en gros. On nous avait laissé inviter nos amis également. J’ai donc dû me mettre sur mon trente-et-un, pantalon blanc, chemise blanche, petit pull, bien coiffé, un petit nœud papillon et des chaussures en cuir. Tout le monde était très beau ce jour-là. Je ne vais pas m’attarder sur Halloween et sa robe, je pense que vous vous doutez ce que je pensais d’elle et que je l’ai plus regardé elle que le baptême. J’étais assez surpris de constater que le parrain et la marraine de Claire étaient inconnus au bataillon pour moi. Le parrain de Claire était un ami du club de golf de Pablo et la marraine était une collègue de travail de Pablo. En gros, maman n’avait pas eu son mot à dire. Comme d’habitude. Une fois la messe terminée et le baptême prononcé nous sommes retournés à la maison où un festin nous attendait. On a pris beaucoup de photos ce jour-là, c’était top. Ça faisait très longtemps que l’on ne m’avait pas pris en photo comme ça. Et c’était par la même occasion la première fois que je prenais une photo avec Claire. Elle était assez mignonne, elle n’avait pas beaucoup pris de Pablo. À croire que ses gênes chez ses filles ne faisaient pas bon ménage. Je sentais qu’Halloween n’avait pas son sourire habituel, qu’elle n’était pas plus heureuse que ça. J’ai décidé de ne pas aller la voir dans la journée, de profiter de la fête sans me poser trop de questions.

Tout le monde s’en alla le soir-même et nous avons rangé tous ensemble. La journée avait été un succès total, la meilleure depuis longtemps. Je suis allé dans ma chambre, complètement épuisé, prêt à dormir. Et c’est à ce moment-là que l’on toqua à ma porte. Je n’étais pas encore déshabillé, j’aime bien prendre mon temps, donc j’ai dit « entrez ». C’était Halloween. Elle était très triste, elle pleurait. J’avais bien senti que quelque chose n’allait pas mais je n’étais pas prêt à la consoler. Je lui ai fais un câlin et elle s’est assise sur mon lit. Elle était toujours dans sa robe blanche. Même en pleurant elle était toujours aussi belle. C’était quoi son secret, bon sang ? Je me suis assis à côté d’elle, ne disant pas un mot, et elle a déposé sa tête contre mon épaule, m’a pris la main et me la serré bien fort. Puis elle m’a regardé, je l’ai regardé, on s’est regardé. Elle se forçait à sourire, elle remit ses cheveux derrière son oreille et elle m’a annoncé que son copain l’avait quitté. Je pense que vous ne vous rendez pas compte à quel point j’étais heureux de l’entendre. J’ai hurlé de joie intérieurement. Par contre je l’ai joué faux-cul, hein. Je lui ai dit que je comprenais, que c’était triste, que j’étais là pour elle, enfin plein de trucs de ce genre, m’voyez ?

J’avais bien fait de lui dire ça. Elle s’est rapproché de moi, m’a fixé pendant de longues secondes. Et, sans prévenir, elle m’a embrassé. C’était merveilleux, elle embrassait divinement bien. Je ne l’ai pas rejeté, je ne suis pas stupide. On s’est embrassé pendant de longues minutes, c’était génial quand j’y repense, la première fois était la meilleure. Puis elle a commencé à enlever sa robe, j’ai enlevé mon pull, elle m’a déboutonné ma chemise et s’est baissé légèrement au niveau de mon entre-jambe. C’est ce soir-là que j’ai compris que maman ne criait pas à cause des monstres sous son lit. C’est une expérience que l’on a répété chaque fois qu’on le pouvait et dans la discrétion la plus totale.

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