Zangor

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Zangor

 

La zaroueta l’a lacéré sur toute la longueur de l’avant-bras. Hoc hâte le pas en se frottant le bras. Il serre les dents sous la brûlure. Il n’a pas été assez attentif, ce qui pardonne rarement sur la décharge. Si le garde avait été un peu plus rapide, s’il n’avait pas été aussi gras, il aurait pu le coincer et le rouer de coups à satiété. Hoc ne serait plus en mesure de se débrouiller seul, de trouver sa pitance. L’enfant marche droit devant lui, naviguant de tertre en tertre, envoyant parfois un pied rageur sur une poche en plastique qui tremble sous le vent. Il ne quitte jamais la crête d’où il peut voir le danger arriver de tous côtés. Instinctivement il balaye l’horizon à intervalles réguliers. Pourtant il n’y a rien à contempler, rien que d’autres monticules de déchets, une infinie succession de creux et de bosses jusqu’à ce que se confondent au loin le blanc de l’horizon et le gris du ciel. Là-bas, vers l’infini, il est très rare de voir se dessiner les hautes silhouettes des tours de Zangor la grande cité. Lorsqu’elles apparaissent, ce sont de longs fantômes qu’un souffle de vent suffit à faire évaporer. La rumeur rapporte que ce phénomène se produit chaque année. Toujours en hiver, quand pour des raisons indéterminées le brouillard se fait plus léger. En plein midi. Un moment rare où les yeux de ceux qui peuplent la décharge brillent tous ensemble.

Mais à son âge, Hoc ne se souvient pas l’avoir admiré plus de deux ou trois fois.

 

Hoc ne sait pas grand-chose de Zangor. Il s’est convaincu que c’est une ville aux rues toujours sèches, où les gens se croisent sans s’agresser, où la nourriture est à la disposition de tous. Une ville propre. La propreté, c’est le vieux VanThi qui lui a expliqué. Il lui a enseigné à récupérer l'eau des pluies du matin, la plus claire pour s’en frictionner le visage. C’est quelque chose de très agréable. Mais il ne le raconte à personne.

Zangor est généreuse. Elle organise les norias qui emportent ce dont elle ne veut plus. La ville est si riche que ses seules déjections, les flots qu’elle régurgite chaque jour comme un trop plein font vivre des millions de récupérateurs. Elle déverse ses restes, toutes ces choses fabriquées là-bas, usées là-bas, répandues ici. Ces objets de convoitises qui font circuler les riels et voler les zarouetas. Enfin toutes ces choses qui alimentent Ankar, l’omni présente organisation de la décharge.

 

Non, décidément, Hoc ne sait pas grand-chose de Zangor. Seulement que les gamins comme lui, abandonnés ou pas, n’auront jamais l’occasion de s’y rendre. Ce n’est pas là leur destin.


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