Avant l'orage

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Le soir venu la maîtresse raccompagne les enfants chez eux. Sophie se sauve en marmonnant qu'elle va voir comment se porte Morgane. L'enseignante ne s'y oppose pas, la petite n'est pas obligée d'assister à la discussion qui s'annonce.
Elle est partagée, elle sait que les conséquences seront terribles pour son élève. Mais elle ne peut pas laisser cet acte impuni.

Le père travaille, la mère la reçoit.
L'institutrice informe la maman de la situation, elle lui explique que Jeannot doit être sanctionné : il est exclu de l'école jusqu'aux grandes vacances qui seront bientôt là. Elle donne à la mère un livre de morale. Elle exige que le garçon le recopie pour la rentrée.
Madame Fourneau pâlit et murmure :
« Vous savez ce que monsieur Fourneau… Jeannot file dans ta chambre et tu y restes ! Vous savez ce que mon mari va lui faire…
— Je ne sais pas comment l'empêcher mais vis-à-vis de la maman de Morgane, des enfants et de tous les autres parents, je n'ai pas le choix. Je vais rester pour affronter monsieur Fourneau. Je glisserai quelques vérités. Et puis je passerai régulièrement pour prendre des nouvelles, monsieur Fourneau saura que s'il exagère je préviendrai la maréchaussée. »

Madame Fourneau est effrayée mais elle ne peut pas s'opposer à madame Évraud.

*

Sophie a laissé sa maîtresse, elle fuit. En larmes, elle passe devant chez Germaine et Tiphaine ; celle-ci s'est remise de son hiver difficile mais doit encore se reposer souvent. Sur son banc de guetteur, Gégène tricote des chaussons. Lorsqu'elle voit Sophie courir ainsi, qui semble bouleversée, elle l'interpelle :
« Sophie ! Le Diable te suit ? Viens ici ma grande t'as l'air toute chafouin ! Allez approche, t'as pas peur de moi ? Tu veux un verre de lait ? ».

Sophie n'est pas contre un peu de réconfort. Germaine entre chercher le lait et ce faisant ouvre la fenêtre de Titou pour qu'elle soit témoin du récit.
Son verre à la main, la petite fille raconte les évènements de la matinée… La grand-mère ponctue régulièrement les explications :
« Non ! », « C'est pas possible ! », « Je sais que ce n'est pas la fête chez toi et voilà que ça gâte ton frère... »

Ici Tiphaine s'impatiente et intervient :
« Dis ! T'arrêtes tes commentaires ! Elle n'a que sept ans cette enfant ! Elle a pas besoin que tu lui racontes ses malheurs ! »

Quand elle apprend les coups portés à l'oiseau et à Morgane. Germaine pince les lèvres.
« … Alors la maîtresse est avec maman, j'ai peur tu sais ? Ça va crier et même moi je va me faire crier et même maman, elle est pas gentille la maîtresse ! Sophie pleure à chaudes larmes,
— Bon rentre dans la maison avec Tiphaine, j'va aller voir ta maman. J'va lui demander si tu peux rester avec nous, parce que j'ai fait trop à manger et puis qu'après, tu vas m'aider à filer et que ça fera plaisir à Titou qu'est clouée dans son lit. Je pense que ta maman voudra bien parce qu'elle veut pas que ton papa crie sur toi… »

Et Germaine, lance un retentissant « J'y va Titou, tu gardes un œil sur la 'tiote. »
Elle s'éloigne à petits pas pressés, passe devant l'école et la maison commune, la ferme des Couvent, puis l'église. Elle marmonne dans sa barbe quelques considérations bien senties au sujet des malfaisants qui « mériteraient bien à leur tour, une volée de bois vert ».
« Si sa mère ne veut pas lui laisser la petite ce soir, elle la séquestrera la Sophie ! Non mais ! Et l'aut' affreux l'aura qu'à venir s'y frotter tiens ! »

Parfois Gégène oublie qu'elle a soixante-dix ans et que c'est un âge bien avancé et plus très vaillant.

En approchant de chez les Fourneau, Germaine assiste à la fin de la conversation :
« ... lui glisser quelques vérités. Et puis je passerai régulièrement pour prendre des nouvelles, monsieur Fourneau saura que s'il exagère je préviendrai la maréchaussée. »

Elle constate que Jocelyne Fourneau a le visage pâle et froissé d'inquiétude, elle en conçoit une certaine gêne, c'est pas souvent que la condition de cette femme la touche.
Sur le pas de la porte les femmes qui discutaient se tournent vers elle. L'enseignante est un peu agacée :
« Bon ! Je vois que les nouvelles vont vite et vous êtes déjà à la pêche ! C'est incroyable ! Germaine répond sans se démonter,
— C'est comme ça : tous les vieux sont curieux et se mêlent des affaires des autres. Mais je viens pas pour ça, je sais tout c'qui y'a à savoir. Est-ce que vous avez des nouvelles de Morgane ?
— Allez donc y voir ! La maîtresse ne risque pas de lui répondre,
— Oui, c'est bien mon intention… Ma'me Fourneau, Sophie est chez moi. Elle était bouleversée, j'la invitée à manger et dormir si elle veut, ça f'ra plaisir à la Titou et à moi. Et y'm'semble qu'ça s'rait prudent… »

Jocelyne Fourneau rougit, mais c'est presque aussi difficile pour elle, de résister à Germaine qu'à monsieur Fourneau ; elle bégaye un « J'm'en arrangerai.».
Voyant que la conversation ne reprend pas et tout de même, ayant obtenu ce qu'elle voulait, Gégène tourne les talons tandis que les deux femmes rentrent dans la maison.

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