30. Prudence

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Mon véhicule de fonction est commandé, mais je ne l’ai pas encore reçue. Au lendemain de l’altercation entre Lydie et sa compagne, c’est donc avec ma petite voiture que je pénètre sur le périphérique de Rennes. Nous sommes le jeudi 14 juillet, après m’être tapé quelques embouteillages de départ, voici que je pénètre enfin dans la cité Bretonne.

La rue de Marion n’est pas difficile à trouver pour mon GPS. Malheureusement, la technologie n’indique pas encore les places où se garer.

Je tape mon SMS :

— Je suis garée pas loin. Veux-tu que je mette mon masque pour ne pas effrayer Maelys ?

— Non. Faut bien qu’elle voit les vrais mauvais côtés de la vie. On cache trop aux enfants la dureté du monde et en grandissant, ils deviennent des idéalistes désappointés.

Je suis surprise de la longueur du texto, mais rassurée. Je prends ma valise avec le cintre de mon tailleur. Je porte une petite robe courte et moulante qui s’arrête à mi-cuisse. Le côté gauche est noir à manche longue, le côté droit est bleu glace, le bras dénudé dévoilant la vipère emmêlé dans le feuillage avec quelques fées. Sur Paris, je n’aurais pas remis de vêtement aussi court, mais j’ose naïvement imaginer que Rennes est moins dangereuse. Et surtout, je veux être belle aux yeux de Marion.

Arrivée au pied d’une des petites maisons mitoyennes, c’est Maelys qui m’ouvre au coup de sonnette. La petite blonde reste figée en découvrant mon visage. Les pas de sa mère claquent sur le carrelage, puis elle arrive, le corps étreint d’une robe noire d’été, un peu plus volante que la mienne, décolletée en triangle. Ses yeux sont maquillés, ses cheveux soignés ; elle s’est fait belle pour ma venue.

— Maelys, on ne dévisage pas, et qu’est-ce qu’on dit ?

— Bonjour, balbutie la petite.

Marion me fait la bise, un grand sourire sur le visage.

— Tu vas bien ? Sympa la petite robe.

— Merci, je te retourne le compliment.

— Et tu t’es fait tatouer ?

— Oui, toute la moitié du corps.

— J’ai hâte de voir ça.

Dans sa façon de dire, c’est comme s’il ne faisait aucun doute qu’elle allait me voir nue.

Nous passons le long d’un escalier pour pénétrer chez elle. Il y a une petite véranda qui sépare à gauche le salon, la cuisine et le sanitaire, puis à droite leurs deux chambres.

— Viens amène tes affaires, tu dormiras avec moi. Demain soir, on fera dormir Lucas dans le salon.

Je grimace :

— Je peux prendre le salon.

Elle lève les sourcils :

— Mais t’es folle ? Et je ne dormirai pas avec Lucas… pas tout de suite.

— Mais il va se faire des idées, il sait que je suis…

Devant Maelys, je n’ose dire les mots, mais Marion comprend.

— Je préfère partager mon lit avec une fille comme toi qu’avec un mec dont je n’ai pas envie… Enfin pas que je n’ai pas envie de ton frère. Mais lui, je veux… je veux être sûre pour ne pas lui faire de peine plus tard.

Voilà qui me rassure.

— Ça te dit qu’on se balade ? Y a un parc, Maelys pourra jouer et nous pourrons discuter.

— D’accord.

Mes affaires déposées dans la petite chambre où il y a à peine la place pour circuler autour du lit, nous arpentons les trottoirs de Rennes jusqu’à un square.

Si Élisa ressent un désir incontrôlable pour moi, il est évident que ce n’est pas le cas de Marion. Elle n’a ni regard ni mot qui puisse créer l’ambiguïté. Elle me parle comme si nous étions copines depuis le collège, malgré que nous nous étions que peu fréquentées. Elle raconte sans gêne les longues discussions par SMS qu’elle a avec Lucas, et je suis plutôt touchée par sa crainte de décevoir mon frère.

Marion, ne laisse pas envisager qu’il se passera quelque chose ce soir. Peut-être mon visage a-t-il refroidi son attente de me revoir. Une chose est sûre, quelle que soit la manière dont se déroulera la soirée, elle restera une simple amie, droite dans ses chaussures et honnête avec elle-même.

Ma tête me dit que c’est très bien, mon corps espère en tirer quelques câlins, mon cœur a la sensation d’avoir épuisé toutes les options. L’amour ce ne sera vraiment pas pour demain.

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