Chapitre 7

6 minutes de lecture

Ma première réaction fut de chercher le mot “Polyx” sur internet, juste pour vérifier s'il correspondait à quelque chose de précis. Effectivement il y avait bien un établissement en tête de liste, et il s’agissait d’un laboratoire photographique ! C’était dingue, comment cette corne, comment cette poix informe avait pu m’indiquer un magasin ? Quel était ce liquide noirâtre, d’où venait cet artefact et cette femme qui me l’avait confié. La somme de questions qui parcourait mon esprit était telle, qu’il aurait fallu plus d’une vie pour analyser chaque phénomène bizarre dont j’avais été témoin ces derniers jours. Il était presque midi, et le labo était fermé, je décidai donc de retourner chez moi et de prendre du pain au passage. Je notai dans le téléphone “Passer chez Polyx” dans une To Do list que j’avais créé spécialement. L’avenue Jaurès était encore agitée, les gens se pressaient pour aller manger, un peu plus nerveux encore que le matin. Les ouvriers faisaient la pause sandwich, les mamies promenaient les chiens, les fleuristes agençaient leurs devantures. Les étudiants à vélo se rendaient au fast-food, ou au café, la ville frémissait dans un bouillonnement de vie, alors que moi je semblais perdu dans une sorte de monde parallèle, indifférent à la vie quotidienne que mènent des milliards d’humains sur cette planète. En arrivant devant mon immeuble, je croisai le facteur qui me salua:

« Bonjour monsieur Rosat! Vous êtes gâtés aujourd'hui dites-donc !

— Comment ça, gâté ? Lui fis-je, intrigué.

— Eh bien ce n’est pas moins d’une douzaine de lettres que vous avez reçu d’un coup !

— Douze ! Je vais voir ça de suite, merci ! »

Effectivement ma boîte aux lettres était bien remplie, de prospectus, de factures mais surtout, de douze lettres qui comportaient la même écriture manuscrite. C’était clairement des courriers qui avaient été envoyés par la même personne. Je pris l’ascenseur pour remonter chez moi. Clara était enfin réveillée. Elle buvait un café en lisant le journal d’hier. Elle me jeta un rapide regard un peu dédaigneux :

« C’était quoi ce cirque tout à l’heure, tu m’as complètement ignoré au téléphone, d’un coup comme si tu étais absent.

— Clara, il s’est passé un truc complètement dingue, tu ne me croiras jamais. Et pourtant j’ai une preuve maintenant. »

Je lui racontai mon étrange expérience matinale tout en complétant mon journal.

- 29 septembre –

J’ai vécu un phénomène très étrange ce matin. Enfin plusieurs d’ailleurs. J’ai d’abord croisé le chemin d’une vieille dame étrange qui m’a parlé de mondes et de réalités temporelles. Je n’ai pas tellement compris ce qu’elle racontait, et puis elle m’a donné une sorte de corne d’animal. Elle m’a averti de bien garder cet objet avec moi car il était très important et servait de lien. Quelques minutes après ma rencontre étrange, la corne a commencé à montrer son potentiel. Était-ce un test ? Avec un peu de recul désormais, je pense que oui. Un peu plus tard, je suis arrivé au labo photo mais ils n’ont pas pu développer le film, ils avaient une panne sur une machine. En sortant du labo, la corne s’est mise à me diffuser son tout premier message d’une façon très bizarre. Un liquide noir, comme une encre visqueuse, s’est déversé de l’objet et s’est répandu au sol. Le liquide, comme doué d’intelligence a pu se modifier pour afficher un mot composé des lettres P O L Y X. En cherchant sur internet, j’ai trouvé un laboratoire qui porte ce nom.

Clara était consternée. Elle vivait elle aussi des choses étranges, mais c’était surtout parce qu'elle me côtoyait. Elle n’était pas la cible directe de ces phénomènes, elle n’était qu’une sorte de témoin et de compagnon de route. Je lui montrai le tas de lettre que je venais de recevoir. C’est à ce moment que mon téléphone sonna. J’avais un pressentiment, j’attendais inconsciemment un appel, c’était un appel inconnu, qui commençait finalement à devenir plutôt familier...

« Bonjour Edouard, ce n’est pas votre anniversaire mais je voulais quand même vous écrire. La voix était monotone et sourde, comme provenant d’un autre monde.

— Je me doutais que vous étiez à l’origine de ces lettres, je ne sais pas, je dirais que c’est l’instinct.

— Très bien, vous devenez efficace, ça commence à me plaire. Edouard, mon cher, il va falloir passer à la vitesse supérieure maintenant que vous possédez l’Al Ghul, ça va être pratique, mais vous ne comprenez pas encore sa fonction ni comment l’utiliser.

— L’Al quoi ? Vous parlez de cette corne bizarre ?

— Hahahaha, fit la voix sinistre. Edouard vous êtes amusant. Al Ghul, c’est lui qui vous a indiqué votre prochaine étape. Ayez un peu de respect pour cet objet. Ce n’est pas une vague corne comme vous dites. Mais vous le comprendrez plus tard. Sachez juste que vous êtes désormais embarqué dans un continuum dont on ne s’échappe pas. La mort n’est pas une évasion, vous ne pourrez plus vous détourner de votre objectif. Vous avez été choisi, mais je n’en dirai pas plus aujourd’hui. La raison de mon appel c’est de vous expliquer mes lettres.

— Oui, j’en ai reçu douze en effet. Et au dos chacune porte un symbole différent, des signes inconnus, expliquai-je à mon interlocuteur.

— Très bien. Je peux ajouter qu’il devait y en avoir treize mais vous recevrez la dernière plus tard. Contentez-vous de les ouvrir une par une et en temps voulu. Devriez-vous ouvrir la mauvaise à un moment inopportun, les conséquences seraient très fâcheuses pour vous et votre entourage. Suis-je clair ?

— Très clair mais comment être sûr de ne pas commettre d’erreur ? Lançai-je inquiet.

— Vous le saurez. Au revoir Edouard. »

L’homme raccrocha. C’était Gorge Profonde qui venait de me donner des instructions supplémentaires. Clara avait tout entendu car j’avais mis le haut-parleur. Elle inspecta les enveloppes et s’écria :

« Mais bien sûr ! C’est simple ! Tel Archimède dans sa baignoire, elle exultait, fière d’avoir pu faire avancer une fois de plus l’enquête.

Les symboles mystiques n’étaient rien d’autre que les représentations des signes astrologiques. C’était logique en fait, il y avait bien douze signes, mais je buttais sur cette treizième lettre dont on m’avait fait part au téléphone. Clara m’expliqua que ce n’était pas si illogique car en fait il n’y avait pas douze, mais treize signes du zodiaque. En fait, un signe avait été hormis il y a des siècles par les astrologues, car le chiffre treize était maudit.

« La treizième constellation du zodiaque en latin c’est Ophiuchus, le Serpentaire en français, m’expliqua ma compagne d’infortune. Elle est située entre le Scorpion et le Sagittaire. Comme quoi ça peut servir d’étudier l’astronomie » s’amusa-t-elle avec un mélange de fierté et de nostalgie.

Comme nous étions le 29 septembre, cette période correspondait à la constellation de la Balance. Nous cherchâmes l’enveloppe qui comportait le signe de la constellation. Il ressemblait à une sorte d’oméga grec souligné. Je fus soulagé par cette soudaine élucidation, et c’était clair désormais que nous nous étions embarqués dans une très longue aventure. A l’intérieur du courrier, il y avait une feuille blanche, elle comportait des coordonnées GPS ainsi qu’une inscription en caractères arabes, enfin ça y ressemblait. Le papier sentait l’encens et l’odeur était suffisamment forte pour que mon attention soit attirée. Je me rendis au bureau avec précipitation, pour chercher à quel lieu renvoyait ces coordonnées et presque sans surprise, le lieu se trouvait dans le cimetière du père Lachaise à Paris. Ça correspondait bien avec ce qu’avait déclaré l’étudiante en architecture. Était-ce la localisation exacte du portail de la photo floue que j’avais eu plus tôt ? Nous n’allions pas tarder à le savoir. Quant à l’inscription en Arabe, Clara rechercha dans une encyclopédie, elle voulait juste essayer de voir si avec un alphabet elle arriverait à décrypter l’inscription. L’opération fut relativement aisée, et grâce à un simple travail de décodage, le mot en question était vraisemblablement AL GHUL. Donc si je résumais la situation dans laquelle nous nous trouvions, nous devions nous rendre au cimetière devant une porte de pierre avec la corne que la vielle dame m’avait confié. Et aussi nous devions nous rendre au nouveau laboratoire photo dont j’avais eu le nom par un canal bien singulier ce matin même. Mais pour le moment c’était mon estomac qui était devenu le centre du monde, et l’odeur du pain frais le rendait très impatient il était temps de prendre une pause bien méritée et de manger. Après le repas, nous irions chez Polyx pour faire développer la pellicule. Sans aucun doute elle devait contenir, j’en étais convaincu, des informations supplémentaires.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 2 versions.

Vous aimez lire Frnçs Rch ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0