Chapitre trois

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Les quatre souris, infestées par les puces, se retrouvèrent le soir dans une alvéoles de la grotte. Un petit feu avait été allumé afin de réchauffer la chambre provisoire des quatre compagnons. Il servait, en plus de cela, à griller les châtaignes récupérées par Lune et Plume sur le retour.

En plus de rire aux éclats, elles élaboraient leur plan pour la quête du citron assassin de puces. Le nid des bipèdes était un dédale de pierre à découvert, toujours fréquentées par leurs habitants et leurs étranges animaux à moteur. Voyager par le sol serait du suicide pour nos amis les rongeurs, qui finirait soit écrasés par les pattes des bipèdes, soit par ceux des animaux monstrueux, soit poursuivis puis dévorés par des chiens et des chats.

Ainsi, il était envisagé d’utiliser la voie du ciel, en sautant de nid en nid pour esquiver le danger. Encore fallait-il se méfier des oiseaux, comme les pigeons et les corbeaux, qui guettaient la nourriture des bipèdes comme un immense morceau de viande à déguster. Et ils n’hésiteraient pas à s’attaquer aux pauvres souris venues en paix, à la recherche d’un citron.

- Nous pouvons aussi emprunter les voies souterraines, suggéra Plume, qui dessinait dans le sable. On éviterait les plus gros dangers.

- C’est non ! refusa Orion, sur le vif.

- Pourquoi pas ? demanda Aconit, qui se roulait un « joint », une sorte de plante fumée par les bipèdes. Plume à raison, les souterrains seraient le plus judicieux.

- Appelons ça égouts, non ? proposa Lune, qui souhaitait utiliser un vocabulaire plus enrichi pour désigner un lieu en particulier.

Mais Orion continua de secouer la tête dans tous les sens.

- Ce sera cent fois, non, milles fois plus dangereux de passer par les égouts ! Vous regardez pas la télé ou quoi ?

- C’est sûr qu’on possède ce genre de chose, au nid, murmura Aconit aux filles, qui acquiescèrent synchroniquement.

- Moi, j’ai vue les infos de la télé, dans les maisons des bipèdes, et croyez-moi, les égouts, c’est la mort !

La souris noire faisait une croix avec ses pattes.

- Il y a des alligators là-dedans !

- Des quoi ? dirent les trois souris en même temps.

- Des animaux verts avec d’immenses mâchoires qui ne feront qu’une bouchée de nous. Ils sont effrayants.

Silence.

- Mec, ça n’existe pas, ces trucs-là.

- Bien sûr que si !

- Tu imagines encore des fantaisies bizarres.

- Il n’a pas faux Aconit, l’interrompit Plume en grignotant une châtaigne grillée. Les alligators sont des reptiles aquatiques et carnivores, qui doivent être aussi grand que treize Bœuf. Mais ça ne grandit pas dans les égouts, plus dans des marécages.

- Je ne mens pas ! s’agaça Orion qui tapait maintenant de la patte. Il y en a qui reste dans les égouts pour dévorer les souris et les rats qui s’y aventure, je le jure, on ne passera pas par-

- C’est bon on a compris, grogna Lune, sa queue de souris fouettait l’air comme celle d’un chat, exaspérée de cette situation. On passera par les nids, et on prendra le chemin des gouts sur Orion se fait malencontreusement emporté par un oiseau.

- J’adopte l’idée, approuva Aconit, un doigt en l’air.

Cette fois, l’égo d’Orion tentait de reprendre le dessus, et d’affirmer son peu de supériorité.

- Je suis le meneur, c’est à moi de guider la troupe ! On passera donc par les airs. Et comme vous savez que j’allais choisir cette option, vous ne vous êtes pas fatigué à en choisir une autre.

Il s’esclaffa, visiblement persuadé de sa vision de la situation. Lune, Aconit et Plume furent fatigués de son petit manège.

Les souris ne tardèrent pas à trouver le sommeil. Leur nouvelle aventure ne risquait pas d’être de tout repos.

À l’aube, le petit groupe de quatre avaient quitter la grotte, après un au revoir à Coco. Avant de partir, Aconit avait proposé de remonter le panier de l’ascenseur, afin de pouvoir l’utiliser quand ils reviendraient ; leurs trouvailles ne pourraient surement pas passer par l’entrée principale du nid.

Une fois l’ascenseur remonté, ils vérifièrent leurs équipements : des sacs en toile, des provisions pour une dizaine de jour ou moins, et des armes défensives. Enfin, il n’y avait qu’Orion qui utilisait ses clés comme des épées. Il n’aimait pas utiliser ses pattes pour le combat, même si la troupe espérait ne pas avoir à se défendre.

Après vérification, l’équipe des souris se mis en route, en direction du nid de bipède le plus proche de la forêt. Afin d’atteindre leur destination, les souris devait sortir de la forêt, et longer un sentier de terre proche d’un champ de maïs. Là, ils arriveraient devant le chemin des animaux-machines : une herbe dure et noire, puant comme le cadavre d’un animal en décomposition. Après ça, il n’avait qu’à s’enfoncer dans le fossé proche de cette route pour être à l’abri et avancer jusqu’au nid en tout sécurité.

Les premières heures de marches s’écoulèrent sans accroc ; mis à part l’insupportable chanson que balbutiaient Aconit et Orion. Plume et Lune avançaient bien plus vite que les mâles, qui finissaient par les perdre de vue tant ils étaient lents. Au fur et à mesure que le soleil grimpait dans le ciel, la position des souris changeaient. Plume n’aimaient pas la lumière, alors elle restait le plus en retrait avec Aconit, qui prenait son temps, fatigué par la marche. Lune fonçait, habitué à la randonnée, suivit de près par Orion, qui tentait tant bien que mal de la rattraper.

Avant d’arriver à la route des monstres-machines, Plume rattrapa Orion et Lune, pour s’exclamer :

- Je vérifierais l’arrivée des monstres avant que l’on ne traverse. On fait des groupes de deux : je vais avec Orion, Lune va avec Aconit.

La souris blanche acquiesça, et ralentit son allure pour laisser le mâle rayé la rattraper. Quand il aperçut son amie l’attendre, il accéléra de trois pas pour être à sa hauteur.

Aconit était une souris rayée simple, qui n’avait pas vécu les plus grands traumatismes du monde. Sa vie était purement paisible au sein de sa famille, avec sa mère, son père, ses frères et sœurs ainsi que ses grands-parents. Puis un jour, il avait décidé de partir. Pas parce que la vie en famille le dérangeait maintenant qu’il était adulte, mais parce qu’il avait envie de changer d’air, de voir de nouveaux paysages et de nouvelles têtes. Il n’avait pas mis longtemps avant de tomber sur Orion, avec qui il avait décidé de partager de nombreuses aventures. Ils avaient finis par croiser la route de Lune et de Coco, puis de Plume, avec qui ils s’installèrent dans la grotte, avec l’accord de Bœuf.

- Je suppose qu’on arrive.

- Tu as tout supposé, répondit-elle sans quitter le chemin des yeux.

- J’ai une idée, parions quelque chose, lui murmura-t-il. Tu me dois cinq graines de maïs si Orion se fait chopper par un oiseau dans la journée.

- D’accord… tu me donnes dix graines s’il passe pas la route.

Pour sceller leur pari en toute discrétion, les souris effleurèrent leurs queues.

La terre noire apparut bientôt derrière les herbes. Plume fit signe à ses amis de s’arrêter et de rester silencieux. Elle avança son museau de la surface obscur, la reniflant d’abord. Elle éternua à cause de l’odeur âcre qui s’y échappait. À contrecœur, elle posa une oreille contre le sol, concentrée.

Le silence tomba au cœur de la troupe de rongeur. Lune, Aconit et Orion s’étaient accroupis dans l’herbe pour observer attentivement le signal de leur amie. Le temps semblait long, pourtant il ne s’était écoulé que quelques minutes avant qu’elle ne lance :

- Il y en a un qui arrive, mais il a l’air lent. Lune, Aconit, foncez !

Sans discuter, la souris blanche et la souris rayée sortirent de l’herbe pour s’élancer à toute allure sur la dangereuse route. Elles bravaient le danger avec vaillance et agilité, évitant les trous qui pourraient les conduire à leur perte. Du point de vue d’Orion et de Plume, les deux souris avaient juste l’air ridicule hors de leur lieu de prédilection qu’était la forêt.

- Pourquoi on y va pas, nous ? demanda la souris noire à la souris brune quand les deux autres furent arrivés de l’autre côté.

- Je veux que Lune m’assure qu’elle perçoit les mêmes vibrations que moi, lui répondit-elle sur ses gardes. Le monstre est lent, mais j’ai l’impression qu’il y en a un derrière lui.

- Ils doivent avoir la même vitesse, pourquoi s’embêter pour de si petits détails.

- Parce que je me méfie. Regarde.

À leur gauche, arrivait un monstre aux pattes immense et à la chair verte. Il déambulait tranquillement sans pression. Il avait l’air d’avoir tout son temps.

- Il n’y en a qu’un, tu vois ?

- Un arrive à notre droite à grande vitesse, on ne peut pas prendre le risque de…

- C’est parti !!

Orion venait de s’engager sur la route. Le poil sur la nuque de Plume se hérissa : un monstre blanc arrivait à leur droite, et un autre rouge venait de dépasser le vert. La souris noire était en danger entre ces deux aces de la vitesse.

Sans tergiverser, Plume repoussa son instinct et parcourut la terre noire. Le cœur battant, elle entendait au creux de ses oreilles le vrombissement plaintif des deux monstres qui leur fonçait dessus. D’un coup d’œil, elle remarqua que le monstre blanc n’était plus très loin d’Orion. Dans ses derniers retranchements, elle accéléra la cadence, dans l’espoir de pouvoir sauver l’inconscient.

Les pattes du monstre blanc crissèrent bruyamment, comme s’il freinait, surpris par la traversée des deux souris. C’est à ce moment-là que Plume atteignit Orion, et qu’elle le poussa de tout son poids vers Aconit et Lune, impuissants dans cette situation. La souris brune sentit la chaleur du monstre lui effleurer le pelage. Elle ferma les yeux. Elle espérait avoir réussis son coup.

Elle se sentit tomber dans le fossé, entrainant dans sa chute Orion, Aconit et Lune. Dans leur entrechoc, Plume perçut le cri aigue des monstres au-dessus, puis une explosion. Le bruit figea naturellement les quatre souris, malgré leur position inconfortable ; Plume se rendit compte qu’elle écrasait ses amis après avoir ouvert les yeux.

- Qu’est-ce qu’il vous a pris de traverser alors qu’ils arrivaient ? s’énerva Lune, qui subissait le poids de trois souris.

- Orion ne m’a pas écouté ! se défendit Plume, le cœur encore en pleine performance.

- Tu as vraiment un pète, mec, accusa Aconit en frappant la joue de son ami. Faut vraiment qu’on se débarrasse des puces, elles te rendent encore plus stupides que tu ne l’aies déjà.

- Nous sommes en vie non ? Alors il y a pas besoin de s’en faire, ricana Orion après un deuxième coup de la part d’Aconit.

Plume se releva de ses amis et grimpa le fossé pour apprendre ce qui avait provoqué l’explosion. L’odeur de la fumée entra dans ces narines, au même moment où elle aperçut les deux monstres, face à face, leurs visages écrasés l’un contre l’autre. La fumée provenait de leur bouche, et elle grimpait en un nuage sombre et peu rassurant.

Des bipèdes tentaient de sortir du ventre des monstres, bloqués. Le bipède qui marchait avec le monstre vert, sortit pour leur venir en aide.

La souris brune constatait que de petites flammes commençaient à accompagner la fumée.

- Ils s’embrassent ou ils font un duel de regard ? demanda Orion après avoir rejoint son amie.

- Ils sont surtout en train de mourir, lui répondit-elle le plus sérieusement possible. Je crois qu’on a causé cet accident.

- Moins de bipède sur terre, c’est déjà un bon début, ajouta Aconit, plutôt heureux de cette mauvaise nouvelle pour les bipèdes coincés.

- On devrait continuer, déclara Lune, qui restait dans le fossé. On est encore loin, c’est pas le moment de tirer au flanc.

Et elle s’éloigna, sans attendre les trois souris. Aconit leva les yeux, et descendit pour la suivre à son rythme. Plume et Orion suivirent ensuite, mais avant que le mâle ne puisse avancer, la souris brune lui attrapa la queue pour la lui tirer.

- Écoutes-moi la prochaine fois. Aujourd’hui, on a eu de la chance de survivre, mais ton karma ne peut pas être toujours parfait.

- Je crois en mon bon karma, dit-il avec un grand sourire. J’arriverai toujours à m’en sortir !

- On ne sera peut-être pas là, quand une situation similaire t’arrivera encore.

Plume posa une patte sur la tête de son ami, inquiète, avant de partir rejoindre les deux autres, laissant Orion dans sa décontenance.

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