Chapitre deux

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- Devinez qui est de retour ?!

La voix émit un grand écho dans la caverne, réveillant tous les êtres qui y vivait.

Même Coco, qui travaillait dans le bruit des machines miniatures, entendit cet appel. Même s’il avait fait le tour de tous les boyaux de la grotte, il était facile de deviner son emplacement.

La grotte ne contenait pas qu’une seule entrée ; mais bien d’autre encore. Seulement, la plus praticable est celle qui menait à la forêt. Les autres donnaient principalement sur le vide. Et une de ses entrées, située dans le toit de la caverne, menait à l’extérieur à la verticale.

Pour faciliter la vie de ses compagnons lors de leurs longues excursions, Coco avait mis en place un système d’ascenseur, à l’image de ceux des bipèdes. Il n’était pas opérationnel automatiquement : les souris devaient tirer une corde pour remonter le panier jusqu’à la surface. Pour la descente, Coco s’était débrouillé pour que l’ascenseur ne chute pas à grande vitesse. C’était un système bien plus compliqué que cela.

Le son d’une cloche suivit la voix peu de temps après, annonçant la descente du panier d’ascenseur. Les oreilles de Coco frémirent, enthousiasmer par la nouvelle : leurs amis étaient de retour au nid !

La souris des bois quitta ses outils pour remonter la pente terreuse qui menait à sa salle d’expérimentation. Il s’accrocha à un fil métallique, qui menait au plateau central. Plume l’attendait déjà, le regard vers le trou dans le plafond. Le son mécanique des rouages et du métal se rapprochait de plus en plus, et bientôt, le bas du panier apparut.

À son bord se trouvait trois souris, de taille et de gabarit différents. La plus casse-cou d'entre elles, Orion, se tenait les pattes arrière à moitié dans le vide, une patte avant s’accrochant à la corde du panier, agitant sa patte valide dans tous les sens. Aconit, une souris rayée qui portait un bonnet vert, empêchait Orion de basculer en avant et de s’écraser tête la première sur le sol. La dernière, Lune, observait la souris à pattes blanches avec un regard agacé, soupirant bruyamment.

Ils semblaient revenir chargés de leur longue excursion en terres inconnues.

- Les amis ! s’exclama Coco.

- On commençait à s’inquiéter de votre absence, ajouta Plume en croisant les pattes, un sourire sur le visage.

- Pourquoi vous être inquiétes ? Quand le grand, le magnifique, le puissant Orion se trouve parmi le groupe des voyageurs, aucun danger ne peut les atteindre ! se vanta la souris à pattes blanches, dégainant une clé couleur or vers le ciel.

Le panier venait d’atterrir, et Orion se jeta à terre tel un guerrier. Les deux souris le suivirent sans grande force, leur voyage semblait les avoir épuisés. Plume salua Orion et Aconit, avant d’aller aider Lune, qui se décidait à sortir seule un immense sac en toile. Des bruits divers tintaient à l’intérieur, signe qu’il était rempli à ras bord.

Coco allait pour taper la patte à ses amis, quand il s’arrêta, effrayé. Il couina et recula de trois pas :

- D-des puces !! Vous êtes remplis de puces ! s’écria-t-il, paniquer par les petites bêtes entre les poils de ses compagnons.

- Rien de bien méchant, mon petit Coco, répondit Orion, qui se grattait le torse. Nous allons nous débarrasser de ses viles créatures comme j’ai affronté ce renard futé.

Aconit et Lune croisèrent leur regard, se tournant vers le meneur :

- Tu n’as pas réussi à l’affronter, gronda Lune.

- Tu l’as fui quand il a cassé ta clépée, ajouta Aconit.

- On a dû s’occuper de son cas seul, parce que tu avais peur sans armes.

- Faudrait que tu affutes tes dents, elles sont en train de s’user, mec.

- L’inconscience tue.

- La stupidité tue.

- Vous vous arrêtez quand, vous deux ?!

Orion n’avait pas l’air plus vexé que ça, mais son égo avait pris un sacré coup. Il se frotta le nez pour essuyer la goutte qui s’y échappait, et s’en retourna à Coco.

- Quoi qu’il en soit, nous réussirons à nous débarrasser des puces.

- D’accord… juste, évitez de vous approchez de la nourriture où de l’eau. Je ne veux pas que ce soit contaminer, moi…

- Allez vous confiner dans une alvéole inoccupée, conseilla Plume après avoir décharger le sac de l’ascenseur. On vous glissera la nourriture et l’eau jusqu’à vous, jusqu’à ce qu’on trouve un remède contre ça.

- Du citron, dit Lune sans contexte.

Ils se tournèrent vers la souris blanche.

- Si vous faites bouillir du citron dans de l’eau, ça pourra servir de répulsif aux puces.

- Et on a du citron… ? demanda Coco.

- Pas que je sache. Va surement falloir en chercher chez les bipèdes.

Les yeux de Coco s’écarquillèrent. Ses pattes tremblèrent à l’idée de s’aventurer dans le nid des grands animaux à deux pattes. Il craignait de finir écraser : ce n’était pas le plus rapide de la troupe, et il était persuadé qu’en essayant de fuir un bipède, il finirait tout de même écraser.

- C’est une nouvelle aventure pour capitaine Orion et ses sous-fifres, déclara la souris noire avec engouement.

- Il vaudrait mieux qu’on y aille entre contaminer, suggéra Plume au groupe. Coco ne vous a pas approché, contrairement à moi. On sera plus apte à ramener du citron à quatre.

- On doit repartir directement ? souffla Aconit en retirant son bonnet pour s’aérer le crâne.

- Nous pouvons partir demain si ça va à tous. Vous avez quand même mérité une bonne nuit de sommeil.

- C’est surtout d’un bain que je veux, moi, murmura Lune après un long étirement qui laissa ses articulations craqueler. Si tu veux venir avec moi…

La souris blanche s’adressait à la souris du soir, qui acquiesça silencieusement.

- On vous laisse la charge du sac, annonça Lune alors qu’elle s’éloignait avec Plume en direction d’un fil qui menait à la sortie.

- Forcément, les mecs s’en occupent, marmonna Aconit en se rendant compte de la lourdeur du sac qu’ils venaient de ramener.

- Je vais ramener cette nouvelle cape à Bœuf ! décida Orion en tirant un tissu fin et de couleur violet.

Aconit lui claqua l’oreille.

- Mec t’es con ? Quand on dit « confiné » c’est « confiné » et pas « je me balade de partout avec mes puces sur le dos » !

- Je pense qu’il serait plus judicieux de laisser ce sac ici, intervint Coco, assez loin des deux souris. Avec tout ce qu’il y a dedans.

- Je peux pas récupérer les quatre clépées que j’ai ramené ?! s’étouffa Orion, déçu.

- Tu attendras d’être soigné, idiot, lui dit la souris rayée. Allons nous trouver une assez grande alvéole pour quatre, assez loin de nos lits à nous.

- Eurk, quelle idée saugrenue ! geignit Lune, tout en sautant au-dessus d’une fissure dans le sol.

La souris blanche et la souris du soir se préparait un plan pour s’intégrer dans un garde-manger de bipède, afin de récupérer le saint citron, tueur de puce. Plume venait d’émettre l’idée que les crottins lapin ou de furet seraient peut-être efficace, et Lune avait désapprouvé d’un mouvement vomitif. L’idée de se rouler dans les excréments dégoutait la femelle blanche, qui avait pourtant vécu pire que cette situation imaginaire.

Lune n’avait jamais connu sa famille ; et jusqu’à peu, elle n’avait rien connue d’autre que les arbres de métal des bipèdes. Elle avait été ce qu’on appelait « souris de laboratoire ». Les bipèdes en fourrure blanche avaient expérimenté multiples choses sur elle, au point où elle avait acquis certaine compétence encore méconnue pour la plupart. Elle était vouée, comme beaucoup de ses compagnons, à la mort après que les bipèdes avaient atteint leur objectif, alors elle avait cherché un moyen de fuir. Elle avait brisé un arbre métal, non sans laisser des dents écartées, et elle était partis du laboratoire. Mauvaise chasseuse, elle avait failli y passer, avant de rencontrer Plume, qui lui avait appris comment se nourrir, avant d’à nouveau se séparer. Elle avait croisé la route de Coco, qui va suivre jusqu’à la rencontre d’Orion et d’Aconit, avant de retrouver Plume et de tous s’installer dans la grotte où ils vivaient désormais.

Lune pouvait avoir mauvais caractère, mais tout dépendait du moment. Comme elle se sentait poisseuse de puce et de terre depuis plusieurs jours, elle était de mauvais poil. Elle crachait sur tous ceux qui lui barraient la route où la frottaient durant son passage ; des herbes aux pierres, en passant même par les autres petites souris de la forêt. Plume ne relevait pas toujours ses petites crises, car elle savait que cela gênerait beaucoup la souris blanche. Cette fois, la souris du soir se contenta d’écouter les reproches que lançait Lune à Orion et Aconit, qu’elle avait trouvé insupportable lors de leur voyage.

- Orion aime bien trop le fromage ! commença-t-elle en se frottant le museau avec ses pattes, après les avoir rincés dans la flaque de pluie. Il s’est dis lors de notre retour que c’était bien d’aller en chercher dans un nid de bipède. Et ce con s’est pris la queue dans un piège ! Il aurait pu la perdre -et il aurait dû, ça lui aurait appris la méfiance-, heureusement il avait sa clé-épée là, elle a fait barrière au piège. Mais du coup, les bipèdes ont entendu le piège et ils ont courut après nous dans le nid pour nous attraper et nous tuer. Orion était mort de rire, il n’arrêtait pas de crier « vous n’m’aurez jamais, animaux-sans-poil » « allez, je vous attends, et non ! je redescends au fond du nid » Toute. La. Nuit.

Elle se frotta les oreilles frénétiquement, très agacée de repenser à ce mauvais souvenir.

- Et Aconit, n’en parlons pas. Sa haine envers les bipèdes va au-delà de ma haine envers Bœuf ! Pendant qu’Orion et moi, on se faisait courser par ces géants, ce fou en a profité pour fouiller leur garde-manger et y verser de jus de laurier-rose dans leurs aliments. Déjà que tout le long du voyage, chaque fois qu’on entrait dans un nid de bipède, il cherchait un moyen de les empoisonner, là, je pense qu’il a réussi sa mission.

Une fois son poil entièrement trempé, Lune s’ébroua, projetant des gouttelettes d’eau tout autour d’elle. Plume s’éloigna pour éviter de mouiller son pelage. Lune frappa ensuite trois fois dans la flaque, grommelant toute sortes d’insulte que Plume se serait passé d’entendre.

La souris blanche n’avait pas une très bonne affinité avec les mâles de la troupe. Elle considérait Bœuf comme un danger qui les conduirait tous à leur perte, malgré son absence totale auprès du petit groupe de rongeur. Elle avait du mal à s’entendre avec Aconit, qui aimait la taquiner quand il en avait l’occasion ; elle se vengeait donc en agissant de même. Pour Orion, c’était son tempérament tête en l’air et niais qui l’insupportait ; s’il advenait qu’un jour, il se fasse enlever par un oiseau à cause de sa mégarde, elle n’en aurait rien à faire. Pour ce qui est de Coco, elle l’apprécie, mais ils n’ont jamais l’occasion de parler souvent. Lune préférait rester auprès de Plume, qu’elle considérait comme une sœur qui lui avait appris les bases de la survie en milieu hostile.

Plume s’approcha pour aider son amie à lisser la fourrure de son dos.

- Et toi alors ? lui demanda la souris brune après un long moment de silence où Lune avait repris une respiration naturelle.

- Moi ? Je n’ai fait que superviser, marmonna-t-elle, son regard vers le reflet des souris dans l’eau. J’ai surtout agi quand les deux se disputaient où étaient dans une impasse. J’ai pas récupéré grand-chose pour moi… à part des boucles d’oreilles.

La souris du soir fronça les sourcils, attendant des explications.

- Ça se fixe à nos oreilles, expliqua Lune en pointant d’un doigt une de ses oreilles. Comme les bipèdes me les ont déjà percées, je peux les fixer. J’aurais juste besoin d’aide.

- Je n’ai aucun souci à te venir en aide, lui sourit Plume.

Puis elle regarda le ciel, à la recherche du soleil. Le bleu avait laissé place à une teinte rose plutôt chaleureuse, et le soleil déclinait déjà derrière la cime des arbres. Ses rayons d’or parcouraient le sol comme une chaude maladie, réchauffant le poil des souris.

- Rentrons à la grotte, proposa-t-elle. Nous serons plus au chaud avec les garçons, et je pense que tu dois avoir très faim.

- Si tu savais comme je rêve d’un petit morceau de viande.

Le sourire de Plume s’étira.

- Alors ne tardons pas, avant qu’Orion ne te vole ta part !

Plume partit la première, suivie par Lune quelques secondes après, qui, comprenant le sens de ses paroles, lui avait lancé un regain d’énergie.

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