Les mauvaises décisions ne savent faire qu’une chose. S’accumuler.

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Je me souviens à peine de ce à quoi la bague de Reiner ressemblait. Pourtant, sa demande me tourne dans la tête et, pas de chance, le bar est vide ; un des seul du quartier à pas faire de soirée foot. Forcément, j’attends peu de monde, et pas si tôt.

Mon bar est le genre d’établissement où de jeunes âmes viennent se consumer et de plus vieilles viennent s’éteindre, mais seulement en fin de soirée.

Pendant ce temps, au comptoir, je me découvre une conscience. Aujourd’hui, je ne bois pas. Pas d’alcool, du moins. J’ai fini par accepter ta présence. Tu t’es immiscé dans mon esprit comme tu t’es immiscé en moi. À présent, tu es une personne. Je n’ai plus le choix.

Il y a une chance sur deux que ton nom naissance soit David. Sinon, ce sera…

— Hey ! M’dame.

Je le reconnais tout de suite, cette fois. C’est Adrien, le stagiaire des Dautomne père et fils.

— Vous allez bien ?

Vendredi, il était à l’anniversaire que j’ai gâché. Plus qu’un stagiaire, il est un neveu éloigné de la famille paternelle.

— Oui. Pourquoi ça n’irait pas ?

— Vous vous tenez le ventre comme si…

— Comme si j’étais enceinte.

— Oh...

— De ton patron, ajouté-je.

— Le… lequel ? bégaie-t-il.

— M’oblige pas à te mettre dehors.

Il lui faut un moment pour encaisser.

— Mais alors pourquoi… Est-ce que l’patron est au courant ?

— Adrien. Pourquoi t’es là ?

— Oh, je… Tenez.

Il me tend un écrin. Une bague. Celle que j’avais presque oubliée.

— Monsieur Dautomne tient à ce que vous l’ayez. Vous pouvez la vendre si ça vous arrange, mais lui… Il dit qu’il ne peut ni la garder ni s’en débarrasser, sauf en vous la donnant. Il ajoute que si vous voulez vous débarrasser des affaires qu’il a laissées chez vous, je peux venir les chercher.

— Ah. Et à quel moment t’apprends le métier d’avocat, dans tout ça ?

— Il est tard, même pour notre cabinet, souligna-t-il. J’aide mes oncles sur mon temps libre… Pourquoi vous ne dites pas au patron que vous attendez son enfant ?

Je tape du plat de la main sur le comptoir, sans trop savoir pourquoi. Il rougit.

— Pardon, M’dame. Mais vous me l’avez dit alors…

Je m’empare de l’écrin de velours que j’ai fermé au nez de mon non-fiancé, il y a quelques jours.

— Elle est vraiment kitsch, me rappelé-je sans pouvoir m’empêcher de sourire.

La monture forme une rose dont un petit diamant fait le centre. Un clin d’œil au peignoir hideux qui a tant senti nos deux peaux ?

— Le patron savait que vous diriez ça quand il l’a achetée pour vous, raconte Adrien. Il aime vous faire rire, j’ai l’impression.

— Il aime ce qui est rare. Il m’a remarquée le jour de notre rencontre parce je conduis une Ford Mustang jaune.

— Je sais. Elle en jette, vot’ voiture.

— Plus que nécessaire. J’ai pas choisi la couleur, mon budget s’en est chargé.

Je caresse la bague du pouce. L’espace d’une minute, j’envisage de la garder, de la porter à mon doigt, d’épouser Reiner… Pourquoi faut-il qu’il insiste à ce point pour me rendre heureuse ?

— Je t’offre un verre, décidé-je. Qu’est-ce que tu bois ?

— Je vais m’en tenir aux soft, je bosse demain. Vous faites des Virgin Mojito ?

— Cet été, je vends vraiment que ça.

Le temps de ranger la bague en lieu sûr et d’apprêter son cocktail sans alcool, une nouvelle cliente arrive au bar. Ses longues tresses impriment un mouvement de balancier à sa silhouette. Sa taille, prise à ravir par une combinaison noire, va et vient sous mon regard envouté. La rondeur de sa poitrine, offerte par le mieux fini des décolletés, me tourne les sens.

Ma nouvelle cliente ressemble à une mauvaise décision ; d’autant que sous son rouge à lèvre, je reconnais le sourire fermé de la petite Winnie, cachant ses bagues.

Elle en pince pour toi, me soufflait Lily vendredi matin.

Maintenant, oui, Lily. Ça crève les yeux.

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