Prologue - ALEXY

3 minutes de lecture

Mardi 24 mars 2020 & 11/02/2022 et le 11/03/2022

  Je cours à en perdre haleine, à en perdre la raison, à en perdre la vision des arbres qui se brouillent autour de moi. Je cours comme si ma vie en dépendait, et indirectement, c'est bel et bien le cas. Parce qu'au fond, comment vivre enfermée dans une cage quand j'ai connu la liberté, cet infini de possibilités que beaucoup ne font qu'effleurer un jour, voir même ne jamais toucher réellement, simplement le rêver ? C'est pourtant ce que je m'apprête à faire volontairement. Rien qu'à l'idée de revivre ce que j'ai déjà vécu, je frémis de dégoût et de peur. Serai-je capable d'aller jusqu'au bout ? Suis-je assez forte pour le subir une deuxième fois ?
  Il y a quelques mois encore, j'étais exactement comme eux. Eux. Je pensais que c'était mon destin de survivre ainsi, emprisonnée de tous les côtés, sans aucune autre échappatoire que de me cacher, sans cesse, ne jamais dévoiler qui j'étais vraiment. Je ne savais pas moi-même qui j'étais, d'ailleurs. Et à juste titre, je ne pouvais pas, puisque je ne comprenais pas l'anomalie que je croyais être dur comme fer.
Mais maintenant que j'ai goûté au savoir, comment l'abandonner ? Je ne pourrais pas. Je ne peux pas laisser tomber tout ce que j'ai découvert, faire comme si rien ne s'était passé, comme si je n'avais pas compris. Oublier une deuxième fois.
  Alors je cours, je cours à en perdre haleine, à en perdre la raison, à en perdre la vision des arbres qui se brouillent autour de moi, à en oublier la douleur de mon cœur qui ne devrait pas se briser face à cette énième trahison.
  Je cours à en mourir d'épuisement, et les arbres autour de moi me semblent noircis et calcinés, comme le reflet de mon propre esprit brisé, alors que, paradoxalement, je ne me suis jamais sentie aussi vivante. Jamais je n'ai eu une telle conscience d’accomplir quelque chose, d’accomplir ce pourquoi je suis né. Je suis ici à ma place bien plus qu’ils le seront jamais dans leurs uniformes et jamais, jamais je ne les laisserai me voler cette liberté que j'ai payée de mon sang alors même qu'elle me revient de droit. Je ne devrais pas avoir à me battre ainsi, mais je le ferai, jusqu'à en crever s'il le faut, parce que je ne suis pas la dernière.
  Alors j'arrête net ma course effrénée. Elle n’avait de sens, au final, que de ne pas avoir à affronter la vérité en face, et ça ne vaut pas que pour aujourd'hui. Il est temps d'arrêter de fuir, arrêter de leur ressembler, arrêter d'endosser cette carapace, ce masque qu'ils ont façonné de toutes parts pour moi. Il est temps de ne plus céder à la peur qu’ils ont créée spécialement pour que l’arbore. Une couverture que je n'ai pas choisie.
  J'arrête de fuir.
  Je me retourne.
  Sans une hésitation, je lève mon arme dans leur direction. Je n'ai même pas besoin de viser : ils ont tellement peur de moi qu'ils auraient envoyé leur armée entière à mes trousses s'ils avaient pu. Et le bruit de ces centaines de chaussures qui claquent sur le sol suffit à me conforter dans l'idée que je n'ai quasiment aucune chance de rater ma cible. Aujourd’hui, je ne tombe pas, je remonte à la surface, et chaque centimètre de plus qui m’en rapproche, c’est un ennemi de plus que je fais payer et sur lequel je m’appuie pour m’élancer.
  Mon doigt presse la détente.
  Jusqu'à ce que mon chargeur soit vide.
  Puis j'en place un nouveau dans le pistolet.

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