Bleu(s)
Une fois de plus la télé m'a veillé.
Une nuit de plus, ma cellule endeuillée
A pleuré ton absence,
A crié ton départ,
S'est parée de tons bleus, a recouvert les ors.
Séparé de ton corps, mon corps couvert de bleus
Se repose en silence, blotti sur l'oreiller,
N'ayant pour compagnie qu'un maigre traversin
Et la froide présence des écrans assassins,
Ils me captent, ils m'attirent, ils me happent, ils m'enserrent.
Indolent, léthargique, somnolent, apathique,
Je me livre et je glisse sur ce versant glacé,
Je suis ivre, vers l'abysse de mes plaisirs passés.
Amusements et délices, corps à corps, jouissances,
Corrompus ils se mêlent à mes rêves, mes errances.
Je m'abreuve et m'enivre des fictions de l'écran.
Je mêle mon histoire aux stories d'abrutis.
Je calque mes desseins sur posts d'impostures.
Je revis mon passé, j'invente mon futur,
Forge mes convictions aux délires déglutis
D'une enveloppe vide, d'un vil qui se voit grand.
Cette épreuve sans lutte, ce grand-oeuvre sans but
Est prompt à me distraire, à rompre ma retraite.
Dans ma chambre esseulée, au sol souillé de bleu
Jailli de ces fenêtres, de ces cieux fielleux,
Les images se succèdent, mes yeux soucieux maltraitent.
Elles s'immiscent en ma tête, mes idées persécutent.
Que m'apportent ces jeux m'éloignant du sommeil ?
Et qu'en restera-t-il demain à mon réveil ?
Toutes ces émanations d'un monde virtuel
Ne sont qu'un pis-aller, un semblant de bien-être,
Une pâle lueur, livide comme mon être.
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