Ephémères sanctuaires

2 minutes de lecture

Quels sont ces lieux que l'on découvre

Au détour d'un petit chemin,

Des méandres d'un ruisselin,

D'un coin sombre dans un jardin ?

       *

Quelles sont ces clairières de lumière

Où trônent des chênes millénaires

Majestueux, fiers Jupiters,

De ces lieux esprits tutélaires ?

Ils vous inondent de leurs ombres,

Leurs troncs et leurs écorces grondent

Et l'air qui les frôle vrombit

Et volent leurs feuilles en trombes.

Telle une antique cathédrale

Qui abriterait le Saint Graal

Ils sont sentinelles ancestrales

D'une relique végétale.

Vous innocents profanateurs,

Qui vous égarez en cette heure

Il serait temps de prendre peur

Avant d'éveiller leur fureur.

      *

Quels sont ces sous-bois entoilés

De filins tendus d'araignées

Que le vent d'automne a menées

Se perdre en ces lieux damnés ?

Y jouent les rayons du soleil

Une mélopée sans pareil

Invisible aux chastes oreilles

Empoisonnant d'un long sommeil.

Dans ce dédale d'Arachnée

Qu'ils avaient osé déflorer

Combien de sacrifiés ailés

En volée se sont étranglés ?

Ils pendent là près des brindilles,

Où la gravitation vacille,

Suspendus comme des chenilles

A d'imperceptibles fibrilles.

      *

Quelles sont ces eaux marécageuses

Au-dessus volent libellules

En essaims denses qui pullulent

En ces soirées de canicule ?

Elles planent, s'arrêtent, foncent et fusent,

S'élancent dans une nuée confuse

Bourdonnant comme cornemuses

A l'assaut de quelques intruses.

Ces marais chauds sont leur royaume

Empli de vase qui embaume

Jusqu'à leur canopée les chaumes

Annonçant l'heure de fantômes.

Soleil enfin se couchera

Les ultimes rais de son aura

Sur les demoiselles lancera

Et leurs yeux diamants d'apparat.

      *

Quelles sont ces prairies verdoyantes

Au printemps où, furtivement,

Sautent des rainettes fuyant

En myriades mes pas nonchalants ?

Elles sont d'émeraude ou de grenat

Couleur de feuille ou d'incarnat

Petits bijoux de la pampa

Dansant au son d'ocarina.

Celle-ci vit la fin d'un monde

Broyée dans un gargouillis_immonde

Par une chaussure vagabonde

Inattentive une seconde.

Mais c'est le temps des fauchaisons

La mort poignant à l'horizon

Chantera dans votre maison

Si triste et funeste oraison.

      *

Ces endroits sont des sanctuaires

Ou des autels de sorcières

qui posent pieuses sur les bruyères

Des offrandes à la Terre-Mère.

Pour les trouver, il faut suivre

Le chemin d'or aux herbes folles

La voie d'argent sur la rosée

La lueur pâle dans les buissons.

Ces routes apparaissent au matin

Les premières clartés les révèlent.

Elles se découvrent au crépuscule

Sous le doux éclat de la lune.

Ces lieux ne sont qu'éphémères

Passages étroits dans le temps.

Ils ne survivent qu'un instant

Au clignement de nos paupières.

Puis ils s'évaporent dans le vent,

Se désagrègent dans la lumière

S'évanouissent dans la nuit

Ou sous les coups d'un ennemi.

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